Une ex-strip-teaseuse d’élite devenue évangélique avant la cinquantaine, c’est comme un calisson dans une choucroute : une rencontre improbable.
Et pourtant, Heather Veitch semble nous prouver que c’est possible.
Mieux! Elle affiche haut et fort sa transformation dans un documentaire choc qui vient d’être projeté au festival de cinéma de Nashville.
The Pussycat Preacher
Moins connu que le fameux Sundance Festival, le festival de Nashville (plus vieux de neuf ans) n’en est pas moins un rendez-vous apprécié des cinéphiles.
Tenu cette année entre le 17 et le 24 avril 2008, il a attiré l’attention par l’importance donnée aux thématiques religieuses.
Intitulé The Pussycat Preacher, réalisé par Bill Day, le documentaire consacré à Heather Veitch fait partie de ce pool de films à caractère religieux.
Précédemment primé par le public au CineQuest Festival, il n'a pas été primé cette fois à Nashville, mais il n’en a pas moins attiré une vive attention médiatique.
On se demande bien pourquoi….
Quoi de plus banal qu’une blonde sculpturale pour assurer la promo, je vous le demande?
Une strip-teaseuse devenue évangéliste
Oui, certes, sauf que la blonde sculpturale en question s’est distinguée par un virage pour le moins spectaculaire.
Strip-teaseuse professionnelle, elle affirme avoir «rencontré Jésus-Christ» et s’être convertie, ce qui veut dire, dans ce langage religieux, regretter ses fautes (péchés), accepter le pardon de Dieu et choisir de suivre Jésus-Christ, présenté comme le sauveur ressuscité par lequel une vie nouvelle est possible.
Ainsi introduite à la foi évangélique, Heather Veitch a tourné le dos à son ancien métier.
Elle est devenue coiffeuse professionnelle.
Mais la mort tragique en 2003 d’une ancienne amie restée strip-teaseuse lui fait prendre conscience que beaucoup de jeunes-femmes n’ont pas eu sa chance, et que personne ne cherche à les atteindre pour leur proposer une alternative.
Début 2005, Veitch décida alors de retourner vers le milieu qu’elle fréquentait dans son ancienne vie : mais ce n’est plus pour y effeuiller ses vêtements, mais pour effeuiller la Bible, sur la base d’une organisation missionnaire performante.
Pas bête, la belette, elle commença par perdre du poids afin de retrouver sa ligne de strip-teaseuse, comme elle le raconte au Seattle Times:
JC’s Girls
Intitulée JC’s Girls, le but de cette organisation fondée en 2005 est simple: convertir prostituées,strip-teaseuses, actrices et acteurs de l’industrie pornographique, et adeptes en tous genres des néons blafards des boîtes interlopes de Las Vegas et de Californie.
Heather Veitch n’est donc pas seulement devenue protestante évangélique, convertie à Jésus-Christ (born again), elle est aussi évangéliste, c’est-à-dire une professionnelle de l’évangélisation.
Les deux termes, ici, se recouvrent (ce qui n’est pas souvent le cas, contrairement à un usage médiatique fautif du terme «évangéliste»).
Sa méthode principale, pratiquée en équipe, est la suivante: acheter du temps de consommation voyeuriste privée dans les lieux spécialisés où s’exhibent les strip-teaseuses, et une fois seule avec la ‘danseuse’, l’évangéliser durant tout le temps de la séance, en lieu et place d’une session de strip-tease.
Mais elle ne se limite pas à ces opérations, n’hésitant pas à tenir un stand lors des grandes rencontres commerciales et promotionnelles où l’industrie du sexe propose ses produits (vidéos, jouets érotiques, magazines, etc.)
Amitié avec Annie Lobert
Soutenue par quelques pasteurs évangéliques anticonformistes, Heather Veitch a bénéficié en particulier de l’appui moral et financier de Matt Brown, pasteur de Sandals Church (Riverside, Californie, 1700 membres), convaincu de la justesse de son combat.
Depuis qu'elle s'est réinstallée à Las Vegas, elle est depuis peu soutenue par une autre église, la Central Christian Church du pasteur Jud Wilhite.
Elle s’est aussi liée d’amitié avec une convertie au profil similaire, Annie Lobert, ancienne prostituée de luxe devenue évangélique, fondatrice de l’organisation missionnaire Hookers for Jesus (littéralement, prostitué-e-s pour Jésus).
Les deux jeunes femmes ont mis en place, depuis 2005, plusieurs opérations d’évangélisation commune, en partant du principe que l’amour chrétien ne doit pas s’arrêter aux portes des lieux mal famés.
D’après elles, si Jésus était allé à Las Vegas, il n’aurait pas ignoré le milieu des strip-teaseuses sous prétexte que l’Evangile n’est pas «pour ces gens-là».
Saving Sex City
Aucun risque de jargon théologique abscons ou de «patois de Canaan» ici!
Mais des méthodes interactives qui partent de la culture consumériste "sea, sex and computer" d’aujourd’hui, tout en tentant d’en subvertir la vacuité supposée au nom des valeurs évangéliques.
Un de leurs projets phares s’intitule «Saving Sex City» (Sauver la Cité du Sexe). Il se décline en diverses opérations, dont plusieurs clips internet très facilement visualisables.
Vous comprenez maintenant pourquoi ce buzz médiatique autour de Heather Veitch?
Dans la mesure où il retrace quelques traits saillants de ce parcours singulier, The Pussycat Preacher attise évidemment les curiosités.
Et Heather Veitch en profite pour défendre son point de vue et assurer la promotion du film, par exemple au travers de cet interview tout frais dans les coulisses du festival de Nashville 2008.
Cette jeune femme n’a pas froid au yeux!
Bien qu’aussi à l’aise devant les caméras qu’une Pamela Anderson, elle cumule tout de même deux stigmates a priori très difficiles à dépasser.
Double stigmatisation
1/ Le stigmate de la blonde facile, disponible, que les stéréotypes machistes réduiront si aisément au statut de poupée gonflable (certains commentaires phallocrates, repérables ici ou là sur internet –je ne mets pas de lien- ne l’illustrent que trop bien)
2/ Le stigmate de la frappadingue devenue bigote évangélique du jour au lendemain
Ces deux stigmates apparaissent presqu’intenables à cumuler.
Dans la sphère médiatique, on pardonnera en effet beaucoup à une «belle blonde» qui reste dans son rôle assigné de poupée virtuellement consommable (exemple : Pamela Anderson).
On pardonnera aussi à une femme évangélique traditionnelle à la jupe sage, défenseure des «bonnes vieilles valeurs».
Mais une blonde volcanique en tee-shirt moulant qui ose prêcher comme un apôtre, scandale des scandales!
Des JC's Girls qui "viennent de l'Enfer"
Des deux côtés, on va s’égosiller.
Du côté de la culture consumériste et matchiste qui domine dans les cercles du strip-tease et du porno, on va dénoncer une traîtresse allumée qui sort de son rôle.
Et du côté de la culture évangélique, on va soupçonner le pire au sujet de cette femme décidément trop sulfureusement belle, trop atypique, pas suffisamment «respectable» dans sa manière de s’habiller, et aux «mauvaises fréquentations».
Les JC's Girls viennent de l'Enfer! proclame par exemple un des sites évangéliques anti-Veitch.
Evangéliser oui, mais dans un strip-club, shocking!
Dès 2006, Jérôme Prékel, dans un site évangélique français (mais oui) avait tiré la sonnette d'alarme en s'indignant qu'Heather Veitch ait pu affirmer (et enseigner) qu'il n'était pas mauvais qu'une épouse pratique le strip-tease... pour son mari. Quel "désastreux témoignage"...
Cette Heather Veitch à l’image trop sexy sent le souffre, et vit d’ailleurs sous protection : elle a fait l’objet de menaces de mort, venues aussi bien du côté «séculariste» que du côté évangélique ultra-conservateur.
Des soutiens
Mais il en faut davantage pour stopper cette Marie Madeleine des temps modernes, d’autant que son histoire plait à beaucoup.
Que de sympathie exprimée sur la page MySpace créée par Heather Veitch!
Ce site interactif, conçu pour atteindre non pas les chrétiens, mais les non-chrétiens liés à l’industrie du sexe (public à évangéliser) accumule les témoignages de soutien comme Obama les promesses de vote.
Si l’establishment évangélique est circonspect, d'autant plus que Veitch a récemment divorcé de son ancien compagnon, beaucoup de protestants évangéliques «de la base» appuient son initiative.
Il faut dire que l’industrie du sexe, aux Etats-Unis, touche énormément de monde, et trouve des millions de consommateurs….
Y compris chez les évangéliques, ce que le mensuel Christianity Today (principal journal évangélique états-unien) a pointé dans de nombreux dossiers au cours des dernières années.
Et dans la critique de l’industrie du sexe, Heither Veitch apparaît crédible.
A tort ou à raison, dans notre siècle où tout se valide par l’expérience, la belle Heather passe pour mieux savoir de quoi elle parle que Benoît XVI quand il enseigne sur le préservatif.
Pas un épiphénomène
On peut évidemment s’interroger sur la consistance, le sérieux et la durée d’un engagement missionnaire périlleux comme celui-ci.
Il reste que du point de vue sociologique, on ne peut pas parler d’un épiphénomène folklorique.
Le «ministère» créé par Heather Veitch compte déjà plusieurs années d’existence, et ne donne pas, à ce stade, de signes d’essoufflements.
Bien au contraire, le travail initié par Veitch aurait conduit récemment à une conversion spectaculaire, celle d’une star américaine du porno, Sophia Lynn (24 ans).
Parrainée par une église évangélique du Sud-Dakota, elle a tout quitté pour commencer, dit-elle, une autre vie comme secrétaire d'église.
Grâce à Veitch, Sophia Lynn a trouvé un soutien financier et une communauté d’accueil, au travers d’un programme intitulé «Une église pour une fille» (One Church for One Girl).
Elle a donc bel et bien quitté le X, s'attirant en tant que "born again du X Bizz" la curiosité sarcastique du magazine Hot Vidéo dans un article online du 25 mars 2008 (je ne mets pas le lien: attention, 'site adulte').
Sur sa page Myspace, l'ex-Sophia Lynn (redevenue Crystal) explique que "ses rêves et prières sont devenus réalité" grâce à une "église fabuleuse" qui l'a accueillie.
«Beaucoup de filles veulent quitter l’industrie (du sexe), mais il est difficile de commencer une nouvelle vie» (Veitch).
Parce que votre ancien milieu ne vous lâchera pas si facilement…. Et sans doute aussi parce que les «braves gens bien comme il faut» n’accueilleront pas toujours à bras ouverts une ex "porn star" (sic).
C’est contre cette difficulté que se battent la Pussycat Preacher et ses quelques soutiens évangéliques.
Débat sociétal autour de l’industrie du sexe
En définitive, si le cas Heather Veitch est haut en couleur, on peut dire qu’il n’est pas anecdotique.
Il s’inscrit dans deux cadres beaucoup plus vastes.
Le premier est celui de la lucrative industrie du sexe, qui apparaît comme le révélateur de tensions culturelles majeures : libération ou aliénation, consommation ou gratuité, fidélité ou éclectisme, etc…?
Le second cadre est celui du courant évangélique états-unien, devenu «la forme la plus courante et la plus banale du protestantisme américain» (Denis Lacorne, De la religion en Amérique, p.73).
Outre Veitch, des dizaines de millions de protestants évangéliques états-uniens participent très activement, et depuis de nombreuses années, aux débats autour du rôle, de la place et de la valeur de la sexualité dans la société de consommation d’aujourd’hui.
Internet en porte la marque: on y trouve des dizaines de sites sur la question, y compris le portail de la très fameuse église évangélique virtuelle XXX.church, vouée à la réhabilitation des addicts de la pornographie.
Plus que jamais omniprésent, le sexe comme objet de consommation n’a pas fini d’attiser les passions… et les prédications, y compris du côté d’ex-strip-teaseuses repenties.
Sur ces enjeux majeurs, à signaler plusieurs ouvrages récents, dont les trois suivants:
De Donna Freitas, Sex and the Soul: Juggling Sexuality, Spirituality, Romance, and Religion on America's College Campuses (Oxford University Press, 2008).
Une étude universitaire consacrée à l’impact spirituel et religieux de la culture du «hook-up» (promiscuité sexuelle)
De Dagmar Herzog, Sex in Crisis (Basic Books, 2008).
Un essai universitaire engagé, sur la manière dont la droite religieuse aurait créé une culture anxiogène autour du sexe en Amérique
De Dan Gilgoff, The Jesus Machine: How James Dobson, Focus on the Family, and Evangelical America Are Winning the Culture War (St Martin’s Griffin, 2008).
Une enquête journalistique fouillée sur la puissante figure de James Dobson, fondateur de Focus on the Family, moteur de ce que l’auteur considère être une victoire culturelle des évangéliques sur les questions liées à la famille et la sexualité
A noter aussi que le documentaire The Pussycat Preacher est depuis peu disponible en DVD.
Commentaires
Notre Seigneur Jésus Christ est venu au monde non pour condamner les humains mais pour les diriger et les sauver.Notre Seigneur Jésus est notre dernier refuge
Le Seigneur jésus Dieu vivant est venu rallier les brebis égarées à son Royaume .Amen