Cinq femmes souriantes qui n'ont pas froid aux yeux vous fixent, sur un magazine en papier glacé. Le magazine n'est pas visible dans les rayons de la librairie. Il est conservé caché derrière la caisse.
Pour l'obtenir, il faut expressément le demander. Cela vous fait penser à quoi?
A un magazine religieux évidemment!! Hum hum, enfin... j'espère pour vous! C'est exactement ce qui est arrivé ce mois-ci au magazine évangélique états-unien Gospel Today.
Fondé par Térésa Hairston (photo ci-dessus), mère de famille entreprenante et de conviction chrétienne, ce magazine a proposé ce mois-ci un dossier sur les pasteures femmes. Avec cinq femmes pasteurs en couverture, qui "cassent le plafond de verre". Voici la couverture qui fait scandale:
De ligne évangélique, ce magazine était distribué jusque là sans encombre dans les librairies Lifeway, puissant réseau de librairies évangéliques dont est propriétaire la Convention Baptiste du Sud (principale dénomination protestante américaine).
Mais voilà: conformément à ses convictions bibliques, la Convention Baptiste du Sud (plus de 16 millions de membres baptisés) n'accepte pas les femmes pasteurs.
Elle n'est pas la seule: d'autres dénominations évangéliques sont dans le même cas. Quant à l'Eglise catholique, elle fait mieux (ou pire, c'est selon): pas de femmes prêtres, et même pas de femmes de prêtres.
D'où un malaise: "Shocking! Nos librairies diffusent un numéro consacré aux femmes pasteurs, que nous ne voulons pas dans nos églises baptistes du Sud!"
La décision est tombée: retirer illico presto le magazine de ce mois des rayonnages. Dans les semaines qui viennent, Lifeway ne le proposera plus dans ses rayons, mais seulement sur demande, conservant la pile derrière la caisse. "Cachez ces pasteures que nous ne saurions voir".
D'un côté, on peut comprendre le raisonnement: la Convention Baptiste du Sud refuse le pastorat féminin, les librairies Lifeway appartiennent à la Convention Baptiste du Sud, donc la Convention Baptiste du Sud a le droit de ne mettre en valeur que les publications conformes à ses vues.
Après tout, Lifeway n'a pas retiré la publication, on l'a simplement rendue moins visible. Et le magazine n'a pas non plus été caviardé, censuré (article et couverture enlevés par exemple). Pas de quoi crier au loup donc!
D'un autre côté, cette procédure de mise à l'écart, qui ressemble à une censure très soft, pose quand même trois questions:
1/ Le pastorat féminin, que la Convention Baptiste le veuille ou non, est un fait, une réalité du paysage chrétien. Comment reprocher à un magazine de proposer un dossier sur ce fait?
C'était le seul objectif de Gospel Today dans ce numéro. Il ne s'agissait pas de faire de la réclame en faveur du pastorat féminin, ni même de développer une argumentation théologique favorable, mais simplement d'enquêter sur un fait. Dès lors, refuser cette couverture de magazine dans les rayonnages de Lifeway, c'est refuser de faire face à la réalité du pastorat féminin.
2/ On a tout à fait le droit d'être contre le pastorat féminin. Mais ce droit n'interdit pas d'être exposé à cette réalité. Compliquer l'accès d'un magazine sous prétexte que celui-ci parle d'une réalité qu'on préférerait ignorer entrave le droit du consommateur baptiste à se confronter au réel. On contribue à une logique de tour d'ivoire, ou d'infantilisation, plutôt qu'à une logique de réflexion adulte et de débat.
Si la Convention Baptiste du Sud estime que lire un magazine qui parle de femmes pasteurs détruira les convictions de ses membres, c'est que ces convictions ne sont pas bien solides.
3/ Gospel Today constitue un ensemble de revues portées par une "ligne", une cohérence, tout comme un roman de Balzac a sa cohérence. Ou bien on accepte la ligne générale, et alors on met en valeur le magazine dans la librairie, ou bien on n'accepte pas la ligne générale, et on ne propose pas la revue.
Mais faire un tri, au sein des dossiers, entre ce qui est montrable et ce qui ne l'est pas, c'est comme si on faisait le tri entre les bonnes pages et les pages honteuses d'un roman de Balzac: c'est une atteinte portée aux créateurs du produit culturel. C'est aussi une forme subtile de censure, qui empêche le consommateur de se faire une idée juste de l'ensemble.
Conclusion de Térésa Hairston: "ils ont traité (le magazine) comme de la pornographie, et l'ont mis derrière le comptoir". Manque de chance pour les censeurs: cette mise à l'écart va générer dix fois plus de publicité pour le magazine.
Elle va aussi renforcer une image dont la Convention Baptiste du Sud se serait probablement bien passée: celle d'un carcan conformiste, de moins en moins ouvert au débat (qui est pourtant une tradition baptiste), confirmant une évolution conservatrice pointée au début des années 1990 dans ces deux ouvrages de sociologie devenus des classiques:
Nancy Ammerman, Baptist Battles: Social Change and Religious Conflict in the Southern Baptist Convention. (New Brunswick, NJ: Rutgers University Press, 1990
Nancy Ammerman (ed.). Southern Baptists Observed: Multiple Perspectives on a Changing Denomination. (Knoxville: University of Tennessee Press, 1993)
Commentaires
Si la Convention Baptiste du Sud est propriétaire du réseau de librairies Lifeway, c'est une réalité. Son droit de faire retirer une couverture qui heurte ses convictions aussi.
Par contre, le pastorat féminin, contrairement à ce que vous affirmez, ne constitue pas pour les Baptistes du Sud une « réalité », mais une anomalie, une anormalité, une usurpation d'autorité.
En abordant ce sujet vous atteignez aux limites de ce qu'un sociologue du religieux peut se permettre de dire sans être entraîné dans une prise de position. En effet, les divers groupes de croyants ne sauraient être étudiées avec les méthodes d'un ethnologue qui découvre une tribu perdue dans la jungle. Si Dieu n'existait pas, s'il n'avait pas exprimé sa pensée à travers les écrivains de la Bible, comme le croient les évangéliques, alors oui vous auriez pu sans doute écrire sur ce sujet comme sur un autre ; et déplorer l'étroitesse et la rigidité des Baptistes du Sud.
Cependant vous le savez bien, les croyants évangéliques qui refusent le pastorat féminin, défendent leur position par rapport à ce qui est écrit dans le Nouveau Testament. Il ne s'agit donc pas pour eux de débattre « comme des adultes », d'une « réalité » incontournable du monde évangélique, mais de connaître la pensée de Dieu sur le sujet, et de s'y tenir.
Veuillez considérer que pour certains évangéliques le pastorat n'est pas seulement une charge humaine mais aussi divine quant à son origine. Si donc il s'avérait que pour Dieu la fonction pastorale est exclusivement confiée à des hommes, les femmes qui s'affirment pasteurs ne le sont pas réellement à ses yeux. Aucune somme de discussion ne changerait cela. C'est pourquoi je vous dis que malgré vos précautions, votre article aboutit à une prise de position.
Vous n'êtes pas sans savoir que depuis quelques années en France, non seulement plusieurs groupements d'églises évangéliques ont reconnu officiellement le pastorat féminin, mais qu'à l'heure actuelle des tractations, des rencontres ont lieu dans le but de promouvoir cette « évolution ». Lorsqu'on concède volontiers que beaucoup d'évangéliques ne sont pas encor mûrs pour un tel changement, c'est évidemment sous-entendre qu'il y a là un « progrès » inévitable.
Dans ce contexte comment pensez-vous que seront perçus vos reproches aux Baptistes du Sud ? C'est bien simple, Sébastien Fath (..) se déclare pour le pastorat féminin ; voilà donc la voie à suivre. « Mais je n'ai rien dit de tel ! « Non, mais on vous le fera dire. Il y a les paroles et la musique. Les premières peuvent être bien neutres, bien arrondies, bien déontologiquement correctes, si la seconde est un refrain à la mode, les partisans feront chorus.
Pour conclure sans passion, je ne doute pas que l'avenir vous donne raison quant à la multiplication du pastorat féminin dans nos mini-churches françaises. Sachez néanmoins que, comme aux US, il s'y trouvera toujours aussi des irréductibles, des conservateurs intraitables, des pitbulls, qui je vous l'assure, ne mettent pas de rouge à lèvres.
G. Pilsett
Réponse à Gédéon Pilsett
Je crois que ce sujet du pastorat féminin est tellement passionnel que la tentation est grande de faire dire aux uns et aux autres des choses qu’ils ne disent pas, histoire de durcir la polémique.
Contrairement à ce que vous dites, je ne prends aucunement position sur ce débat.
Et je n’ai écrit nulle part que « les évangéliques français ne sont pas encore mûrs » pour l’évolution vers le pastorat féminin.
Ce qui m’intéresse ici, ce n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre le pastorat féminin.
Mon angle est différent: il consiste à pointer un refus de confronter les ‘clients’ baptistes du Sud à une diversité (modérée) de points de vue. Ce magazine n’est pas voué à la défense du pastorat féminin. Il a seulement consacré un dossier, ponctuellement, au sujet. Vouloir soustraire à la vue des clients ce numéro dénote une conception infantilisante: c’est l’optique du «cordon sanitaire», où l’on va évacuer tout ce qui n’est pas dans la ‘ligne du parti’.
La question est de savoir si toutes les évolutions qui se passent dans le monde évangélique sont des sujets à considérer. Parler de femmes pasteurs est une chose, savoir comment on en parle en est une autre. Peut-être le magazine, pour une première, aurait pu ne pas mettre le sujet de cet article à la une et ne faire la couverture.
Si demain, l'évolution fait qu'il y ait des pasteurs homosexuels, va-t-on en faire aussi la une, la couverture d'un magazine chrétien. Je pense que le faire serait donner une crédibilité à l'idée.
Le débat ne va-t-il pas encore un pas plus loin et ne pose-t-il pas le sens ou la légitimité de magazines ou de journaus chrétiens. C'est un sujet sur lequel je ne me suis jamais interrogé. Je ne sais pas si Sébastien a déjà planché sur un tel sujet. Mais peut-on traiter l'information religieuse comment l'information politique, sociale, le débat d'opinion. Comme le dit le commentateur plus haut, en traitant des choses qui touchent au domaine sacré, les opinions différentes ne sont pas seulement des différences de points de vue qui ont égale valeur et qui sont toutes respectables. Là réside une difficulté face à laquelle je ne sais pas comment pense les éditeurs de journaux.
Bien amicalement
Oui, je savais bien que vous n'aviez pris aucune position dans ce débat, et que seules les déficiences des Baptistes du Sud en matière de relations et de communication avec un monde moderne, responsable et vacciné, avaient capturé votre oeil objectif d'analyste. Aussi n'ai-je pas dis, textuellement, que vous étiez en faveur du pastorat féminin ; et sinon c'est tout simplement que mon clavier n'a pas été pas aussi habile que le vôtre.
Mais finasserie à part, celui qui écrit un commentaire le fait pour être lu, aussi bien que celui qui a écrit l'article. Je ne conteste pas votre but ; et le mien n'était pas de vous accuser d'hérésie, mais de profiter d'une occasion pour faire savoir qu'il y a des évangéliques en France qui n'acceptent pas, selon leur conviction biblique, qu'une femme se fasse appeler pasteur.
Les choses vont s'en dire, et elles vont mieux en les disant ; je sais plus de qui est la citation.
Merci pour vos articles.
Pilsett.
Bonjour à tous,
Le pastorat féminin fait débat depuis longtemps et celui-ci n'est pas prêt de se clore. Parmi tous ceux qui lisent et considèrent la Bible comme Parole de Dieu, certains sont pour, d'autres contre. Pourtant ils lisent la même Bible ! C'est dire que la question n'est pas simple et qu'il n'y a pas de réponse toute faite, sinon cela se saurait.
Force est de constater que dans la Bible, des femmes ont eu des responsabilités énormes, dans l'ancien comme dans le nouveau Testament. Et pourquoi tout focaliser sur le seul ministère pastoral alors qu'il en existe bien d'autres ?
Par ailleurs, je préfère de loin une femme pasteur (et non pasteure !) qu'un homme quand celui-ci se comporte en dictateur et fait fuir la moité de la communauté en toute impunité (si, si ça existe !).
Tout cela nous montre que la direction d'une église devrait être collégiale et dans la soumission mutuelle, et non reposer sur une seule personne. On met trop souvent le pasteur sur un piédestal au détriment des autres ministères, ce qui n'est pas biblique.
Et puis, il y a eu des époques où des femmes étaient pasteur, dont une célèbre au XVIIIème siècle chez les baptistes en France !
Je pense que Sébastien Fath est bien dans son rôle quand il publie des articles comme celui-ci. Et je suis d'accord avec lui lorsqu'il dénonce une certaine censure évangélique. Selon la Bible, c'est à chaque chrétien "d'examiner toute chose et de retenir ce qui est bon". La censure (ou le dictateur) dit : "c'est moi qui vous indique ce qui est bon pour vous".
Bon vent à Sébastien Fath, et merci pour vos articles. Je les lis toujours avec beaucoup d'intérêt.
Cordialement,
Patrick B.
Bonjour,
A ce sujet (très) controversé, deux auteurs (antagonistes) peuvent être utiles à lire, afin de voir l'ampleur du débat. Il s'agit de Gilbert Bilézikian et de Wayne Grudem.
Leurs travaux sont intéressants (et ne nous aident pas à trancher!) et tentent d'apporter des réponses pratiques. A noter que Gilbert Bilézikian fait partie d'une mégachurch bien connue : celle de Willow Creek. Wayne Grudem, quant à lui, semble pas mal travailler avec John Piper.
Pour ceux et celles que ça intéresse.
Bonjour
Et bien voilà une lecture intéressante....
Et une réaction intéressante (et étonnante, enfin pour moi) de cette église
Un débat qui n'en finira jamais, enfin si, à la fin des temps, et je me demande bien ce qu'en dira Jésus lorsque nous serons devant lui, car sans aucun doute la question lui sera posée !!! Toi, Jésus étais-tu d'accord ?
Sincèrement
Jean
Qu'on se rassure, le même numéro de Gospel Today propose un long article intitulé "15 phenomenal ministry leaders". Et bien sur les 15 "leaders, devinez combien de femmes?...... 1. Autant dire que c'est symbolique. Ce qui prouve que le débat est plus complexe: un journal peut à la fois parler du pastorat féminin et reconnaître que le "leadership" est plutôt masculin.
Par ailleurs je suis étonné quant au débat pour savoir si les sciences sociales peuvent traiter de la religion comme des autres domaines de la société. Bien évidemment qu'elles doivent le faire. Et heureusement d'ailleurs. Puisque la religion est une manifestation sociale, les sciences sociales doivent en rendre compte. Quand quelqu'un écrit ici même: "effet, les divers groupes de croyants ne sauraient être étudiées avec les méthodes d'un ethnologue qui découvre une tribu perdue dans la jungle", je m'étonne. C'est d'ailleurs le meilleur moyen de faire de la bonne recherche que d'aborder un groupe religieux comme l'ethnologue d"couvrant une tribu dans la jungle. cela mériterait une longue discussion.
Cher Monsieur Dejean,
Ainsi donc il existerait une « science » dénommée sociologie, dont un champ particulier serait l'étude des groupements religieux ?
Si la religion ne voulait être qu'un mode de vie social parmi d'autres, qu'une expression culturelle contingente, on pourrait en effet se contenter d'étudier les fidèles comme on le ferait pour comprendre la psychologie des acheteurs de voitures et leur façon de conduire, par exemple.
Mais ce n'est pas le cas, du moins pour le christianisme, dont les évangéliques représentent une branche. Le chrétien sincère, en effet, base toute sa conduite sur ce qu'il croit savoir d'un Dieu transcendant au monde terrestre. Dès lors cela n'a guère de sens de vouloir décrire son comportement en faisant abstraction de ses croyances. Ce serait comme un statisticien qui étudierait les diverses séquences de lettres qui se rencontrent dans un livre, et qui ne se mettrait pas en peine d'en apprendre la langue et le sens. Nul doute qu'il n'y découvrirait des règles curieuses, mais il aurait complètement manqué l'objet du livre.
Pour revenir au fil : les évangéliques qui n'acceptent pas que les femmes portent le titre de pasteur ne prennent pas cette position sur la base de considérations culturelles ou sociales mais sur ce qu'ils croient comprendre de la pensée de Dieu, exprimée à travers le Nouveau Testament, sur ce sujet.
On peut facilement répondre, qu'un « scientifique » se limite à décrire l'observable, qu'il ne préjuge en rien des croyances, qu'il garde un point de vue parfaitement objectif. Mais la sociologie n'est pas de la science au sens propre ; pas plus que la psychanalyse de Freud ou les écrits de Marx ne sont de la science. L'un qui voulait tout réduire là l'inconscient, l'autre à la lutte des classes, ils ont pour faire impression imité les discours et les méthodes de la science moderne, espérant rencontrer le même succès. Seulement la vraie science ne se borne pas à décrire, elle calcule, explique, prédit ; et elle se juge elle-même selon que ses prédictions sont justes ou fausses.
On peut encore s'en tirer en alléguant une distinction obligée entre sciences dures et sciences molles... l'adjectif dit tout. Et puis, médecin, bois toi-même ta potion. Après la tribu des évangéliques, il te reste à étudier celle des sociologues, et celle des blogueurs. Vaste programme....
Pilsett.
Discussion intéressante posant finalement la question centrale pour tout chercheur en sciences sociales des religions: que faire des croyances et de Dieu? Je vous invite sur ce point à lire des gens comme Elisabeth Claverie ou encore Bruno Latour qui ne souhaitent pas du tout évacuer la croyance ou encore Dieu de leurs travaux. La sociologie des religions ne fait en aucun cas abstraction des croyances. Bien au contraire: il s'agit de voir en quoi la croyance est une ressource pratique propre à l'action.
Par ailleurs, vous parlez de "comprendre la psychologie des acheteurs de voitures" comme si le chercheur voulait à tout prix expliquer le comportement des acteurs. On peut retrouver une telle ambition dans une perspective structuraliste, mais une sociologie honnête pose surtout la question de savoir comment se forme les groupes et pourquoi ça tien. Bref, rendre compte du social qui n'est pas un donné, mais des liens perpétuellement construits et reconstruits.
Dire qu'une approche scientifique de la question du pastorat des femmes n'est pas envisageable puisque les groupes qui le refusent ne le font pas sur des bases sociales ou culturelles mais en vertu du message biblique est une manière d'éluder la question. Et de toute manière telle ou telle lecture de la Bible est en elle-même un phénomène social et culturel. Vous dites après tout: "mais sur ce qu'ils croient comprendre de la pensée de Dieu". Si ça ce n'est pas du social et du culturel!
Ensuite, des chercheurs influencés par les études culturelles vous diraient que le refus du pastorat féminin repose sur une justification de la distribution inégalitaire des pouvoirs au sein d'un groupe, justification d'autant plus vicieuse, qu'elle se fonde sur un élément extérieur, à savoir la Bible.
Enfin, discussion aussi de ce que font les sciences sociales. Vouloir les comprendre avec en miroir les sciences dites "dures" ne fait pas avancer. "la vraie science ne se borne pas à décrire": décrire correctement est une étape décisive. On parle en ethnométhodologie d"accountability", terme impossible à traduire en français. Allez assister à un événement, essayez de le décrire précisément, vous verrez que c'est beaucoup plus dur que ce qu'on croit.
Pour conclure je vous recommande de suivre les travaux d'un labo-junior de l'ENS-LSH. La première séance a pour thème "quels risques pour la sociologie des religions". Le compte rendu sera sans doute en ligne.
La première rencontre devrait être riche:
http://epaer.ens-lsh.fr/
Amicalement
Merci d'avoir pris la peine de me répondre et d'essayer de me faire comprendre les schémas qui structurent votre pensée. Cependant, aussi intéressantes que pourraient être ces discussions, croyez bien que c'est sans aucun dédain ou mépris de ma part, je suis persuadé qu'elles n'aboutiraient à aucun progrès mutuel.
Ma formation est celle des sciences dites exactes (qualificatif assez prétentieux chacun l'admettra, mais c'est ainsi qu'on dit). Donc n'étant pas sociologue, je suis amené par ce blog et par les divers liens qui s'y trouvent, à constater l'existence d'un microcosme intellectuel, possédant son propre langage, ses valeurs, ses références, ses rites, ses valeurs, son hagiographie propre. Pourquoi pas ? Je n'ai rien à redire. L'esprit humain a toujours été suffisamment fertile pour créer quantité de théories, de disciplines diverses répondant à toutes sortes de préoccupations. Chacun selon son goût est libre de choisir.
Par contre s'il s'agit de regrouper ces disciplines en familles, il n'est pas sûr que cela soit toujours bien accepté par les uns et les autres. Ainsi, personnellement, je ne trouve aucun lien de parenté entre la « sociologie » et la « science » dans l'acception moderne du terme.
Pourquoi ? C'est ce que je déjà indiqué dans mon post précédent : La science doit obligatoirement prédire pour mériter son nom. Prédire, non dans un sens prophétique bien sûr, mais expérimental (Popperien, pour faire un peu cultivé). De ce point de vue la médecine peut être une science, car elle sait décrire l'évolution d'une maladie et quelquefois la changer. La mathématique est une science, qui bien qu'elle crée ses propres objets, doit prédire leur comportement, qui n'a rien d'arbitraire. Je vous passe la physique, la chimie, l'astronomie etc qui sont évidemment des synonymes de science.
En bordure se trouvent des disciplines qui ayant bénéficié de l'apport moderne de certains outils mathématiques, pourraient à la rigueur prétendre à un cousinage breton avec le milieu scientifique : l'économie par exemple. Quoique ces derniers jours hum.. tandis que nombre clament avoir prévu la crise depuis longtemps, les mêmes sont beaucoup moins diserts quant à son issue.
De la sociologie, je serais toujours choqué qu'elle insiste à se produire en compagnie du mot « scientifique ». Ce n'est pas pour la dénigrer, car il y a d'autres mots tout aussi nobles avec qui elle ne ferait pas mésalliance. « Philosophique » par exemple ; voilà un terme magnifique qui à ses lettres de noblesse ; ou « analytique », l'idée de rigueur y serait présente ; ou encore « journalistique », c'est moderne et quand même bien voisin en termes de production. « Oulipistique » ne serait pas mal non plus, à la fois amusant avec un clin d'oeil à la statistique...
Mais pour revenir au point de départ, savoir si la sociologie peut décrire correctement un groupe comme les évangéliques ; correctement c-à-d conformément à la Réalité. Vous comprenez bien pourquoi nous ne serons jamais d'accord : Aussi bien pour le scientifique dur que pour l'évangélique, quoique à propos d'objets différents, la Réalité existe. Aussi dure que le noyau d'une comète ou le rocher de Moïse ; notre pensée ne peut pas la changer ; elle ne peut que l'étudier et s'y soumettre. Tandis que pour le sociologue, (d'après ce que je comprends), la Réalité avec un grand R n'existe pas. Il y a des réalités, variables, éphémères, avec des lois sans doute : il y en a bien qui régissent la forme des bancs de poissons dans la mer. Songez donc : pour un évangélique Dieu existe ! il est une Personne : Mettez vous à sa place un instant (de l'évangélique bien sûr)... De quel poids croyez-vous qu'il pèsera vos considérations « scientifiques » sur le pastorat féminin en comparaison de l'idée que Dieu a une volonté sur la question ?
Maintenant je n'ai pas voulu dire que la sociologie n'est qu'un ramassis d'affirmations arbitraires. Il me semble, au contraire, qu'elle s'incline devant tout ce qu'elle reconnaît comme étant « phénomène ». En gros tout ce qui existe, s'il m'est permis de résumer vulgairement. Veuillez dans dans ce cas, considérer que l'apparition de discussions sur les blogs en général, et de celle-ci en particulier, est elle-même un phénomène. Il se pourrait qu'il s'agisse d'un fait insignifiant, au regard de la description du monde évangélique : la simple réaction d'un excentrique inconnu, comme il y en a tant sur le web, et qui pour des raisons obscures et banales grince des dents parce qu'on a parlé du pastorat féminin. Mais il se pourrait aussi qu'il soit révélateur d'un réel « phénomène », dans le sens qui semble plaire à la sociologie.
L'existence par exemple, au sein d'une nébuleuse évangélique obnubilée par la visibilité médiatique, prête à toutes les flagorneries et allégeances pour l'obtenir, l'existence de noyaux durs, minoritaires sans doute, mais dont on doit tenir compte, tout comme en politique il faut compter avec les extrémistes. Et d'ailleurs, sociologiquement parlant, de la nébuleuse ou de la comète à noyau dur, laquelle décrit le mieux le terme « évangélique » ? Ce n'est pas si évident à dire.
Vous m'avez donné un lien que je consulterai ; permettez qu'à mon tour, dans la plus pure tradition « mômière », je vous laisse un passage biblique, que chacun peut méditer avec profit.
Cordialement,
G. Pilsett.
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Esaïe, chapitre 41
Présentez votre cause, dit l'Eternel ; produisez vos raisons, dit le Roi de Jacob.
Qu'ils les produisent et nous déclarent ce qui doit arriver ! Déclarez-nous quelles sont les choses anciennes que vous avez prédites, et nous y appliquerons notre cœur pour en connaître l'issue ; ou bien faites-nous entendre les choses à venir !
Annoncez les choses qui doivent arriver plus tard, et nous saurons que vous êtes des dieux ; faites du bien ou du mal, afin que nous le voyons et nous en étonnions ensemble !
Voilà, vous n'êtes rien ; et vos œuvres ne sont que néant...
Ce sera mon dernier commentaire car je ne veux pas transformer ce blog en forum de discussion.
Sur le partage science "dure" et science "molle", c'est une discussion sans fin et sans grand intérêt d'ailleurs.
La discussion sur la question de la Réalité est plus riche. Quel est donc cette Réalité (avec un très grand R) dont il est question? Si celle des lois de la physique, le sociologue ne dira en rien qu'elle n'existent pas. Il me semble que les sciences sociales ne prétendent pas dire ce qu'est la réalité (avec un tout petit r), mais plutôt rendre compte de comment les groupes construisent une vision du monde qui est la leur. Vous faites de la sociologie une discipline qui dirait: cela est réel (les enjeux de pouvoir ou de domination), cela ne l'est pas (Dieu, le Saint-Esprit, les visions...). La sociologie se contente de dire: pour tel individu, la réalité est ainsi faite. Comment cela oriente son action? J'imagine mal la discussion que vous mettez en scène entre un sociologue et un évangélique affirmant que son refus du pastorat des femmes provient uniquement de la Parole, puisque le sociologue ne parle pas de la réalité mais de la réalité des acteurs qu'il étudie. C'est très différent. Et si cette discussion arrive le sociologue ne pourra que dire: Vous me dites que Dieu dit (le choix du verbe est discutable) qu'il ne faut pas qu'il y ait de femme pasteur, et bien cette assertion est sociale puisqu'elle va s'insérer dans un réseau complexe d'acteurs et modifier leurs actions.
Encore une fois, allez voire les auteur(e)s en socio ou anthropologie des religions, vous verrez qu'il y a la plupart du temps une très grande humilité de leur part. Vous parlez de la sociologie comme une discipline orgueilleuse qui a envie de tout dénoncer ou déconstruire, à commencer par la croyance. Cela a existé, mais ce n'est, du moins il me semble, plus le cas.
To be continued...
Je n'allongerai pas moi non plus indéfiniment cette colonne ; je réponds juste encore une fois pour clarifier ce que j'ai voulu dire.
1)J'ai évoqué l'opposition entre sciences dures et sciences molles, non pour rabaisser la sociologie mais pour signaler ce que je crois être un abus. La science moderne, fondée sur le langage mathématique, a démontré sa puissance et s'est imposée comme nouvelle idole des esprits. Aussi, toutes sortes de disciplines sont tentées de revêtir un peu de son aura. Mais l'inverse n'est pas vrai, il n'y a pas ici de symétrie, de dialogue d'égal à égal. Un sociologue sera flatté d'être considéré comme un scientifique, un scientifique ne le sera pas d'être pris pour un essayiste. Ce n'est pas là porter un jugement de valeur : l'oeuvre d'un philosophe ou d'un artiste peut fort bien avoir un impact largement plus bénéfique sur l'humanité que celle d'un chimiste par exemple. Ce que je veux souligner, c'est l'injustice qu'il y a à vouloir légitimer aux yeux du public l'importance d'une occupation en lui accolant l'étiquette de scientifique, tandis qu'elle n'a que peu de rapport avec la science telle que l'entend ce même public.
2) Il me paraît assez dangereux pour les évangéliques d'être médiatisés par des sociologues. Je ne veux pas dire que les sociologues doivent renoncer à les étudier, mais que les évangéliques doivent renoncer à se prévaloir de ce genre d'études. Premièrement, parce que cela flatte leur vanité, ce qui est directement contraire à la profession qu'ils font de suivre Jésus-Christ. Deuxièmement, parce que cela ne peut manquer de donner aux sociologues une autorité de fait qui n'est pas la leur. Ainsi, il me semble évident que la publication de l'article ci-dessus, sujet de ce fil, ne peut manquer d'encourager les évangéliques déjà favorables au pastorat féminin, et d'effrayer les timides de l'avis opposé. Une telle influence est-elle légitime ? Elle l'est sans doute au regard de la liberté et de la république, mais certainement pas à celui de l'Eglise, qui appartient à une autre sphère.
3) Je n'ai pas dit que les sociologues étaient orgueilleux. Ce serait une déclaration stupide, surtout sans les connaître. Quand vous me dites qu'ils sont en général très humbles, je vous crois volontiers, en cela ils doivent effectivement ressembler aux scientifiques. Un vrai scientifique est toujours humble dans sa discipline parce qu'il n'a pas les moyens d'être orgueilleux : il est tous les jours confronté à son ignorance et à ses erreurs. Je suppose qu'il en va de même pour un sociologue, comme de n'importe quel être humain qui cherche à comprendre ce qui l'entoure.
Seulement je me permets de vous faire remarquer en terminant que cette humilité n'a pas de caractère moral. Elle nous est imposée : humbles parce que nuls, ou presque. Tandis que l'humilité de Jésus-Christ, Maître et Modèle des évangéliques étudiés par la sociologie, faut-il le rappeler, a été humble volontairement :
« lequel, existant en forme de Dieu, ne considéra pas comme une proie l'égalité avec Dieu, mais il se dépouilla lui-même, prenant une forme de serviteur, fait à la ressemblance des hommes, et, quant à la figure, étant trouvé comme un homme, il s'abaissa lui-même, étant devenu obéissant jusqu'à la mort, même la mort de la croix. «
Merci pour votre échange, et bonne continuation.
Gédéon Pilsett.
Eh bien, il y a visiblement des billets qui attirent moins de discussion. Il est vrai que la question présentée des femmes reconnues pasteurs est sensibles (mais ce n'était pas le sujet principal du billet, si je ne m'abuse ?).
Pour ma part, n'étant pas un sociologue, pas un scientifique, je me bornerais à quelques remarques.
- L'objectivité n'existant pas chez l'homme, il est difficile d'aborder un tel sujet sans laisser transparaitre d'opinion. Je crois que le fait de présenter ces femmes comme des femmes pasteurs est une reconnaissance de fait de la part du magazine. Autrement, il aurait au moins fallu ajouter un point d'interrogation sur la couverture (ce que certains, il est vrai, auraient considéré comme une remise en cause). Il ne s'agit donc pas d'une étude sur la question du pastorat au féminin mais plutôt d'un reportage sur leur vécu en tant que pasteur reconnue.
- Je suppose que les librairies appartenant à la convention des baptistes du sud ne sont pas réservées à leurs membres mais ouvertes à tous. Par conséquent, je pense qu'il est incorrecte de dire qu'ils craignent pour leurs membres. En fait, il s'agit aussi d'une vitrine qui offre au monde ce que les baptistes de cette convention ont envie de transmettre. Et visiblement, le message transmis par ce magazine, et déjà rien que par la couverture, n'en fait pas parti. De plus, ces croyants considèrent peut-être comme les chrétiens des premiers siècles qu'il y a parmi eux des prosélytes plus récents qui doivent être considérés aussi en fonction de l'avancement de leur foi encore mal affermis. On peut lire à ce sujet la réflexion de l'apôtre Paul dans le courrier qu'il adresse à l'église de Corinthe (Dans la Bible, première épitre aux corinthiens, chapitre 8). Il y développe une argumentation sur ceux dont la conscience est encore faible et ceux qui sont affermis. C'est également dans la Bible que l'on trouve les reproches de l'auteur de la lettre dites aux Hébreux à des croyants qu'ils considèrent comme des enfants dans la foi : "vous en êtes venus à avoir besoin de lait et non d'une nourriture solide" leur dit-il avec une pointe de reproche. Disons que les baptistes du sud ont lu ces passages. Pourtant, il est vrai, ce n'est pas la position de tous les baptistes. Les baptistes de la Fédération des Eglises Evangélique Baptistes de France (FEEBF) qui disposent d'une librairie à Paris, rue de Lille, ont parfois adopté une position diamétralement opposée. C'est ainsi qu'il y a quelques années, j'y avais trouvé (je ne saurais dire si c'est toujours le cas) un ouvrage de la collection "Que sais-je" sur l' "Histoire du peuple hébreu" d'André Lemaire. Cet auteur y affirme simplement que l'histoire du peuple hébreu telle que racontée par la Bible est fausse. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une position théologique de la FEEBF. S'agit-il d'une position réfléchie ? D'une stratégie pour attirer le chaland en proposant des ouvrages de diverses sources ? Je ne saurais dire. Il y a surement là matière à réflexion. Précisons à toute fin utile que la FEEBF ne représente pas la totalité du mouvement baptiste français.
- Je trouve beaucoup de vos articles plein d'intérêt. Il nous font voyager, découvrir, réfléchir, ... Celui-ci aussi est intéressant. Malgré tout, à travers votre prose, je ne peux m'empêcher d'avoir l'impression de deviner de quel côté vous penchez ... Bon, je le redis, personne n'est objectif (surtout pas moi), mais par exemple pourquoi avoir féminisé "pasteure", ce qui froisse mon dictionnaire (trop vieux ?) et mon correcteur automatique (trop limité ?) dans les citations que vous faites ou que vous attribuez aux protagonistes de l'affaire ? La traduction littérale de l'anglais ne l'imposait pas, me semble t-il. De même, la construction générale de l'article exprime quelque chose. On ne conclut pas par hasard. Enfin, pas vous, pas après ce que vous avez déjà écrit et publié. Mais il est vrai que c'est un blog, ce qui permets aussi de s'exprimer librement et non uniquement sur le mode du sociologue.
- Vous évoquez l' "évolution conservatrice" de la convention baptiste du sud. N'y aurait-il pas sujet à étude justement sur les évolutions contrastées voire contradictoire des Baptistes du Sud et de la FEEBF ? (Mais quelque chose a peut-être déjà été publié dessus ?)
- La dernière remarque qui appellera peut-être un retour de votre part est un sujet de réflexion pour moi. Le voici ; j'ai lu quelques ouvrages ou articles d'historio-sociologie sur des mouvements religieux dont certains de vos écrits. Il s'agit donc d'étudier des groupes religieux sous l'angle de leur histoire, de la culture qui les entoure avec les influences dans un sens ou dans l'autre. Jusqu'ici tout va bien.
Maintenant imaginons un instant (juste un instant, c'est pour mon propos) que Dieu existe vraiment et qu'il joue un rôle réel. Si par exemple, il y a une interaction avec une église et que Dieu soit à l'origine d'une décision qui y est prise par exemple par le biai d'une révélation ou inspiration quelqu'en soit la forme. Du point de vue du sociologue qui étudie cette église, il faudra chercher la cause de cette décision dans la culture ambiante, dans les évènements de la même période. Mais le facteur Dieu pourrait difficilement être pris en compte. Je ne vois pas non plus la sociologie laisser passer quelque chose en disant que la cause en est paranormale et ne peut par conséquent être trouvé, étudié. Il faudra coute que coute trouver une raison, des comparaisons, ... Si une organisation, un culte, choisit une voie, c'est forcement en réaction à un élément culturel. Par conséquent, le travail, la production, du sociologue des religions est forcément athé (je parle de son travail pas du chercheur) et ne peut être neutre vis à vis de son sujet d'étude. Le responsable d'église va dire : "Dieu nous a montré qu'il fallait dire ou faire ceci". Le sociologue va dire lui : "l'église truc a pris cette décision parce qu'elle a réagit à la culture ambiante, parce que c'était à la mode dans les églises machin à l'époque, etc (je caricature pour aller droit au but)...
Donc : 1 - le travail du sociologue va forcément considérer toute attribution d'une cause à Dieu comme fausse. D'autant plus qu'il aura donné lui-même une autre explication bien plus rationnelle. L'église qui prétend être conduite par Dieu devient forcément une vilaine vantarde puisqu'une explication rationnelle est trouvée à tout. 2 - Si jamais (je dis bien si jamais) Dieu existe, le travail du sociologue est parsemé d'erreur.
Je ne prétend rien, il ne s'agit que d'hypothèses de travail qui m'interpelle. Qu'en dites-vous ?
Eric
PS : Je vous prie de m'excuser pour la longueur de mon intervention, je suis visiblement un grand bavard.
(courte) réponse à Eric
Merci pour vos remarques, auxquelles je ne puis malheureusement pas répondre ici en long et en large (mais on y reviendra peut-être).
Vous argumentez avec conviction et j'apprécie cela, mais permettez moi de vous dire que vous méprenez totalement sur le sens de la sociologie, de l'histoire, et de ce qu'on appelle généralement les "sciences humaines".
Le sociologue ne prétend pas apporter un REGARD TOTAL ET COMPLET sur le réel. Il doit certes regarder TOUT le social, mais sous un angle qui est le sien, et qui est nécessairement limité, lacunaire, incomplet.
S'il prétend TOUT cerner, c'est un imposteur, un fou ou un dangereux mégalomane.
Si le réel était une pomme, il regarderait un seul angle de la pomme. L'historien regardera un autre angle, le philosophe un autre angle encore, et ainsi de suite (vous pouvez intégrer le théologien dans la liste).
L'être humain ne prétendant pas s'arroger les attributs qu'un croyant donne à Dieu, c'est-à-dire en particulier la Toute Puissance (sauf délires ou dérapages totalitaires), il sait que la meilleure enquête sociologique -basée sur la collecte de données fiables, le dépouillement systématique des sources et l'analyse critique distanciée- ne produira jamais un REGARD TOTAL.
Elle est une pièce du puzzle, fondée sur ce que le chercheur peut comprendre et faire comprendre des activités sociales produites par les acteurs qu'il étudie, c'est-à-dire les êtres-humains. Une belle pièce, parfois (pas toujours, car il y a beaucoup de mauvaise sociologie), mais une pièce seulement.
Affirmer,comme vous le faites, que rejeter l'idée d'une intervention divine conduit à parsemer le travail sociologique d'erreurs n'a donc aucun sens.
Cela revient à dire, si je suis votre raisonnement, que "puisque le sociologue n'a pas la vue d'ensemble, il se trompe".
Non ! Son angle de vue est important, utile et juste, s'il fait bien son travail. Sachant que c'est UN angle, et non pas la vision totale et parfaite à laquelle vous l'accusez, à tort, de prétendre.
De plus, si je ne me trompe pas, le sociologue n'est pas "athée", mais "laïque".
Ce qui ne revient pas au même.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de me répondre. Vous êtes en tout cas un interlocuteur fort agréable.
Eric
Les échoppes évangéliques font bien de cacher cette couverture de magazine, non pas parce qu'on y voit la photo de femmes pasteures, mais plutôt parce qu'on y montre des prétendues servantes de Dieu maquillées comme des voitures volées, exhibant une vulgarité de courtisanes. Et ça, il ne semble pas que ça choque grand monde.
Réponse à Frédéric Maret
Je ne sais pas si ces femmes pasteurs sont de "prétendues servantes de Dieu".
Ce que l'on peut savoir en revanche, c'est que vous jugez très vite, et très durement. Maquillage de voiture volée? Vulgarité de courtisane? Vous y allez fort, trop fort. Qu'auriez-vous dit si on avait entrevu l'ombre d'un décolleté, ou d'un talon haut? Vous préféreriez la Burqa?
Si vulgarité il y a, c'est pour moi moins dans le soin porté par ces femmes à leur apparence (les hommes en font autant, mais à leur façon) que dans la désinvolture avec laquelle vous rabaissez ces femmes que vous ne connaissez pas.
Entre l'excès de fard et la burqa, il y a sans doute ce que Paul appelle la modestie. Et ça vaut aussi pour la gent masculine.
Réponse à F.Maret
Pardonnez-moi si la question sur la Burqa vous a blessé. Je le regrette.
Sinon, deux choses me chiffonnent dans votre propos :
1. Si la "modestie" paulinienne se comprend comme vestimentaire et qu'elle s'applique, d'après vous, aux hommes comme aux femmes, pourquoi n'avez-vous jamais posté de note critiquant sévèrement l'accoutrement de tel ou tel prédicateur (et des photos de prédicateurs, il y en a à la pelle sur ce blog, et ils ne sont pas toujours habillés avec la plus grande discrétion)?
2. Si la "modestie" paulienne se comprend comme un état moral, un état d'esprit de réserve et d'humilité que vous revendiquez donc pour les hommes aussi, pourquoi ce vocabulaire si insultant et si excessif pour ces femmes (voiture volée, vulgarité, courtisane...)?
Il y a un problème quelque part...
Le commentaire de M. Maret m'a fait réexaminer la couverture de Gospel Today: si je fais fi de quelques traces de produits cosmétiques, et de quelques bijoux, j'y vois des femmes qui affichent un sourire des plus chaleureux, reflet certainement de l'état de leur coeur.
Mais cela, on ne le remarque que si notre perception n'est pas restée bloquée au stade de l'apparence, par l'effet de certains filtres installés dans notre esprit par nos conventions sociales, religieuses...
Dans le contexte où elles vivent, aux yeux de leur famille, des chrétiens qui les entourent, ces femmes ne respectent-elles pas les critères "pauliniens" de pudeur et de modestie dans leur mise? Nous sommes bien mal placés pour le dire...
Leur seule faute de modestie aura -peut-être- été de se laisser photographier pour cette couverture! ;)
M.Fath,
vous ne m'avez pas blessé le moins du monde. J'ai simplement été surpris que vous usiez d'une argumentation par les extrêmes. Je suis l'heureux père d'une adorable adolescente, et rassurez-vous, si je lui interdis un maquillage trop marqué, je ne lui impose ni burqa ni hidjab...
Pour ce qui est de ce qui vous "chiffonne":
1. C'est certes aux femmes que Paul s'adresse en 1 Timothée 2:9-10 lorsqu'il oppose la parure morale aux perles et aux tresses, et je demeure persuadé qu'une exhortation analogue pourrait s'adresser également aux hommes chrétiens. Contrairement à ce que vous semblez croire, je me suis déjà exprimé là-dessus (certes, pas sur votre site), notamment suite à la "chute" de Ted Haggard. On s'est offusqué, à juste titre, du fait qu'un prédicateur de l'Evangile s'offre des services de prostitution, mais je me suis étonné que jamais grand monde, jusque là, n'ai semblé gêné par ses tenues de dandy et celles de ses collaborateurs et par le luxe exhibé dans son Eglise. Je suis surpris aussi que l'on puisse considérer comme des maîtres spirituels des hommes au salaire exorbitant.
Mon propos était donc de dire que ce qui me choque sur cette couverture de magazine n'est certainement pas la référence au ministère pastoral féminin.
2. Je ne pense pas manquer d'humilité sur le plan personnel en considérant l'excès de fard comme une "vulgarité de courtisane". Il me semble avoir, comme tout un chacun, la liberté d'opinion. J'admets cependant avoir eu tort de l'exprimer ici, et prie quiconque en aura été choqué de m'en excuser.
Cordialement.
Frédéric Maret.