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Femmes, laïcité et religions

412TzntEV2L._SL500_AA240_.jpgNous célébrons aujourd'hui la soi-disant "journée mondiale des femmes" (qui revient à dire, en creux, que les 364 autres jours laissent le sujet de côté?).

 

Il faut pragmatiquement l'accepter comme une "caisse de résonance", tout en se rappelant que la lutte pour les droits des femmes, c'est tous les jours.

C'est dans ce contexte que je rappelle la publication, en 2007, d'une précieuse synthèse collective sur "Le pouvoir du genre. Laïcités et religions (1905-2005)", sous la direction de Florence Rochefort.

 

femmes-du-xxie-siecle-09.jpgFlorence Rochefort, chercheuse au Groupe Sociétés Religions Laïcités, est une spécialiste reconnue de l'histoire des femmes, auxquelles elle a consacré de nombreux travaux, y compris de belles oeuvres de vulgarisation, à mettre entre toutes les mains, comme Hier les femmes et Femmes du XXIe siècle.

Elle collabore activement, et depuis longtemps, à la revue annuelle CLIO Histoire, Femmes et Sociétés, dont le dernier numéro (30), consacré aux figures héroïques, propose un article sur la protestante Marie Durand, prisonnière durant 38 ans dans la Tour de Constance (l'auteur est Yves Krumenacker).



Dans Le pouvoir du genre (274 pages, avec une belle bibliographie finale), auteures et auteurs revisitent l'histoire de la laïcité du point de vue du genre. Vaste sujet!

Le livre ne répond pas à tout, mais il éclaire de nombreux débats sous un angle pluridisciplinaire bienvenu. On y découvre de multiples figures comme Maria Martin (directrice du Journal des femmes entre 1900 et 1910), Nelly Roussel, "libre penseuse néo-malthusienne" (p.76)...


Ce livre collectif a été remarquablement recensé par Céline Béraud dans les Archives de Sciences Sociales des Religions (ASSR), je ne proposerai donc pas ici de seconde recension.


Je me limiterai à trois brèves remarques d'ordre général.

 


A voté.jpgLa condition des femmes, analyseur privilégié des processus de laïcisation


La première, c'est que ce livre m'a vraiment fait réaliser à quel point l'enjeu des femmes est au coeur des enjeux de laïcisation. Pourquoi?

Tout simplement, rappelle Florence Rochefort, parce que les femmes sont culturellement perçues "comme incarnant des identités nationales, familiales et religieuses, et comme les agents privilégiés de la transmission des valeurs et du contrôle des sociétés civiles par des formes de domination masculine" (p.13).

Traduction: "cherchez la femme", la manière dont ses droits sont respectés, ou non.... Et vous apprendrez beaucoup sur l'environnement religieux de la société en question, et sur son degré de laïcisation.

En d'autres termes: plus les droits de la femme sont respectés, plus il y a de chances pour que le cadre "traditionnel" fondé sur les ciments ethniques et religieux ancestraux ait laissé place à une société démocratisée et laïcisée, bien que la laïcité ne soit pas toujours une garantie d'égalité des droits!



Nelly Roussel.jpeg1905, rendez-vous manqué pour l'émancipation civile et politique des femmes



Ce qui me fait arriver à ma seconde remarque: cet ouvrage illustre le fait que la laïcisation contribue au progrès droits des femmes.... Mais sans nécessairement nourrir des logiques d'égalité réelle.

La laïcité n'est donc pas, en soi, une formule magique gommant comme par enchantement les discriminations à l'encontre des femmes (j'ajouterai que l'observation de la France de 2010 confirme amplement ce diagnostic).

On peut s'interroger sur  la validité de la notion de "pacte de genre" suggérée par Florence Rochefort à l'occasion de 1905. Sa démonstration du souci majoritaire de statu quo des laïques français de cette époque en matière de genre ne souffre pas, en revanche, de contestation.

1905 a révolutionné les rapports entre politique et religion, mais n'a pas touché à l'exclusion civile et politique des femmes!



Ferdinand Buisson.jpegLe rôle du protestantisme

Ma troisième remarque vient de mon champ de spécialisation, le protestantisme. On découvre, au travers des analyses fines de Florence Rochefort, le rôle important, mais un peu ambigu, du protestantisme dans l'évolution des droits de la femme autour de 1905.


La République laïque n'a pas décalqué un modèle catholique. L’idéal républicain «de la femme sérieuse et sobre, modeste et dévouée à la Cité comme à sa famille» (p. 73) doit beaucoup au protestantisme. Mais lorsqu'il s'agit de défendre le vote des femmes (position alors très minoritaire), c'est du côté.... de Ferdinand Buisson que l'on trouve un soutien masculin.

Or, ce "Buisson suffragiste" (p.79 à 82) est un protestant très atypique, libre-penseur et individualiste téméraire, qui ne représente pas une "ligne moyenne" protestante alors beaucoup plus conformiste et paternaliste.

Commentaires

  • J'ai quelque mal à comprendre pourquoi vous vous focalisez sur la laïcité pour parler des femmes. Vu que les femmes représentent la moitié du genre humain, on comprend facilement que la laïcité ait un rapport avec, mais est-il significatif ?

    Certes l'exercice qui consiste à parler des femmes justement pour la journée de la femme est périlleux : soit on le fait pas, et on risque de se faire accuser de machisme obstiné, soit on le fait et on risque de se faire accuser de ne pas parler des femmes les 364 autres jours restants.

    À choisir, je crois que je préférerais encore l'apparence de machisme. Et j'essaierai de m''expliquer, les 364 autres jours restant, avec les femmes que j'aurai la joie de rencontrer :-)

    Bon, concernant la laïcité, j'ai quand même un doute : la société française reste très machiste (pendant une époque il y avait plus de femmes au parlement iranien que dans le nôtre ! ), pourtant elle est une des plus laïque qui soit, et depuis longtemps. Et il y a toujours beaucoup de problèmes sur la violence en cercle privé et les travaux ménagers, où les femmes sont victimes, sans parler des discriminations au travail, etc, etc, etc. Donc je ne suis pas sûr que la laïcité soit une solution, ou un domaine pertinent, du moins face à ce problème.

    S'il y a une solution, je pense que c'est d'essayer de comprendre les femmes que l'on rencontre. Mais je n'y arrive que quelques fois.

  • Réponse à ista

    Mon laboratoire étudie religion et laïcité.... C'est donc par déformation professionnelle que je m'intéresse spécialement à ces sujets, et que j'y rattache l'actualité, y compris éditoriale, quand c'est possible.

    Concernant la relation entre laïcité et droit des femmes, je ne pense pas, effectivement, que la laïcité soit une panacée : vous avez parfaitement raison de souligner que dans notre pays très laïque (quoique...), les femmes sont victimes de nombreuses violences et discriminations sournoises.
    La laïcité n'est donc pas un remède miracle.
    MAis tel n'était pas mon propos.

    Mon propos était plutôt de souligner, à la lumière des remarques de Florence Rochefort, que la question des femmes n'est pas une question annexe quand on étudie la laïcité. Dans la mesure où le statut et la représentation des femmes sont souvent très liés à l'image qu'on se fait de "l'ordre social", des "traditions", etc.... observer le statut des femmes permet souvent, par ricochet, d'observer aussi le degré d'ouverture démocratique et de laïcisation d'une société.

    Dans nombre de cas, plus ce degré est important, plus les femmes "y trouvent leur compte", et réciproquement.

  • Ah oui, bien sûr, j'avais complètement oublié le sujet principal de votre blog... désolé.

  • S'il y a une solution, je pense que c'est d'essayer de comprendre les femmes que l'on rencontre. Mais je n'y arrive que quelques fois.

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