Parce qu'il a été piloté par le haut, et, pire, par un "ministère de l'identité nationale" (funeste appellation), la réflexion sur notre "vivre-ensemble" français a tourné court en 2009-2010.
Mais je fais partie de celles et ceux qui pensent que c'est un vrai débat. Dans le luxuriant scénario de la globalisation, quel est notre "pitch" franco-français? Notre saveur unique? Ce qui nous fait aimer ce pays, son histoire, sa langue, sa culture?
Je ne prétendrai pas ici nourrir ce débat. L'amour du pays (au-delà des pages sombres et des agacements) est un trop vaste sujet pour être résumé sur une blognote.
Parce que cet attachement est souvent affectif, ce sont mille-et-un exemples concrets qui viennent à l'esprit.
Mille-et-un exemples
Je pense entre autre (en vrac), à Edith Piaf, la laïcité (intégrale et sereine), Philippe Bouvard (un immense génie à sa manière), la Liberté guidant le peuple de Delacroix, la chaîne TV France 24, le Petit Nicolas de Sempé, la mulâtresse Solitude, l'Opéra Garnier, le magazine Elle, le Roquefort (au lait cru évidemment, 'parce que c'était lui, parce que c'était moi'), les films de Michel Ocelot, Raymond Poulidor, Maud Fontenoy, la moutarde de Dijon, les albums Caroline de Pierre Probst, une pièce de un franc, le format DivX, Gérard Depardieu, Marie-José Pérec, le Concorde (la gloire et l'inutile), Cyrano de Bergerac (ah, le panache!), le Canard Enchaîné, une bouteille d'un litre de Kronenbourg toute simple (fraîche sinon rien), le rap de Diam's, le Général de Gaulle, les verres d'Emile Gallé, Coluche, Astérix en Corse de Goscinny, le Tour de France cycliste, l'émission Thalassa (aucune grande chaîne de télé américaine ne diffusera jamais un tel programme, sans coupure de pub), Ketty Gourlet (star de danse orientale), le Polidor (resto parisien du 6e), l'Assemblée du Désert, l'inusable Evelyne Dhéliat (la classe à la française), Dany Boon, le saucisson à l'ail, La vie rêvée de Fatna (de Rachida Khalil), les jeux Ubisoft, la Sécurité Sociale, Alfred Dreyfus, la cathédrale de Strasbourg, Les misérables de Victor Hugo, Andrée Chédid, la Grande Arche de la Défense, Geneviève de Fontenay, les dessins de Folon et les Tonton Flingueurs.
Liste subjective, dans le désordre, et non exhaustive, évidemment! Le sujet est si vaste, l'imaginaire, si gargantuesque! On pourrait continuer longtemps cet inventaire à la Pérec (Georges, pas Marie-José).
Pour l'heure (et c'est le but de cette note), je voudrais souligner le fait que j'intégrerais aussi sans hésiter dans la liste, et en bonne place, une revue mensuelle, intitulée Sciences Humaines.
Revue Sciences Humaines, une exception française
Allez chercher, en kiosque, une revue de ce calibre en Angleterre, en Allemagne, en Chine ou aux Etats-Unis. Vous chercherez longtemps. Impensable.
La France est probablement le seul pays au monde capable, malgré la crise de la presse, de diffuser dans tous les kiosques de son territoire (ou presque) de la culture scientifique de haut niveau en matière d'histoire, de sociologie, d'anthropologie, de psychologie et tutti quanti.
Chaque mois, recevoir cette revue (je suis abonné de longue date) et la dévorer est un plaisir indispensable. Je me suis désabonné de beaucoup de choses (révolution numérique oblige + contraintes des étagères). Mais la croissance régulière de ma collection de Sciences Humaines (voir photo ci-dessous) n'est pas près de s'arrêter.
Jean-François Dortier et son équipe, à la tête de cette entreprise éditoriale, ont réussi plusieurs tours de force improbables.
1/ D'abord, tenir le pari de la diffusion scientifique à la fois rigoureuse, excellemment informée et accessible dans le domaine des "humanités" (défi de la qualité, sans condescendance, sans fatras idéologique à la mode ni jargon abscons).
2/ Ensuite, réussir le pari d'un support de qualité en matière de papier, de reliure, d'illustration (Sciences Humaines est magnifiquement illustré; visuellement, c'est un hybride réussi entre le Code Civil et Paris Match : du fond copieux et le 'choc des photos').
3/ Parvenir à atteindre l'équilibre financier à partir d'une logique de marché large et a priori très audacieuse (diffusion en kiosque, pas seulement en librairie spécialisée ou sur abonnement)... C'était là un autre pari risqué, et tenu.
4/ Sans oublier l'audace folle qui a consisté à développer la revue.... à partir de la province! Tintin le microcosme parisien ! Affront aux salonnards de tous acabits et aux petits arrangements entre amis! Et vive Auxerre et son Chablis ! Respect.
5/ Enfin, Sciences Humaines a réussi à durer. Ce n'était pas gagné là non plus, à la fois en raison du défi de l'équilibre financier, mais aussi parce que les égos des auteurs en sciences humaines, particulièrement en France, ne sont pas toujours facile à gérer. Pour avoir eu le privilège de publier à plusieurs reprises dans cette revue, je puis témoigner qu'on traite les auteurs... bien plus qu'humainement !
Pour toutes ces raisons, qui ont permis à une revue d'une qualité exceptionnelle de dynamiser les sciences humaines et l'esprit critique dans un pays (la France) par ailleurs menacé d'ankylose intellectuelle et culturelle, Sciences Humaines est devenue un fleuron de notre patrimoine national.
Fleuron fragile, sans doute! Rien n'est jamais définitivement acquis! Mais fleuron d'autant plus précieux, a fortiori dans un contexte où la sinistrose franco-française bat son plein.
La revue célèbre à Auxerre, la semaine prochaine, ses 20 ans. Je ne pourrai malheureusement pas y être physiquement présent, mais digitalement et intellectuellement, c'est autre chose. Alors, très bon anniversaire à Sciences Humaines, un immense merci, et longue vie!