La National Association of Evangelicals (NAE) est la principale structure protestante évangélique des Etats-Unis. Représentant 45,000 assemblées et 40 dénominations, elle constitue un poids lourd religieux... et électoral incontournable.
Aussi n'est-il pas complètement surprenant que le président Obama ait accordé à ses représentants une entrevue le jeudi 13 octobre 2011, dans la Roosevelt Room de la Maison Blanche: il s'agissait d'une "première" attendue.
Au menu des discussions? L'emploi, l'immigration, la liberté religieuse et diverses questions financières.
Si cette rencontre avec la NAE apparait, pour les évangéliques, à marquer d'une pierre blanche, à noter que Barack Obama, très à l'aise avec les acteurs religieux, n'en est pas à son coup d'essai en matière de rencontre avec des représentants confessionnels.
Religion civile réorientée vers un pluralisme accentué
Outre sa participation au traditionnel Petit Déjeuner de prière à Pâques, il a notamment partagé un Iftar musulman (à l'occasion du Ramadan), et un repas du Seder (pour la Pâque juive), illustrant par là, au contraire de son prédécesseur George W. Bush Jr, une version très pluraliste de la Religion Civile américaine, sorte de religiosité fédératrice qui rassemble, au-delà des étiquettes confessionnelles, une majorité de citoyens.
Commentaires
En exclusivité sur le blog de Sébastien Fath, le discours de Barack Obama prononcé à cette occasion.
« Toutes les religions sont miennes. Il n'est pas nécessaire de quitter une religion pour une autre. Continuez donc à rendre hommage à la forme de Dieu choisie, selon vos rites familiers. Le « village global » est ma demeure, et même ceux qui me renient sont miens. Appelez-moi par n'importe quel nom et je vous répondrai. Représentez-moi sous n'importe quelle forme et je serai là, devant vous. Je suis dans le plus petit d'entre vous comme dans le plus grand. C'est pourquoi, ne calomniez ni ne blessez qui que ce soit, car c'est moi que vous maltraiteriez en lui.
« Quelle que soit l'opinion que les gens (le ''Tea Party'', pour commencer) puissent se faire de mes actions et de mes gestes, ils demeureront les mêmes. Je ne modifierai ni mes plans en vue de la restauration de la Croissance, ni mes discours, ni mes déplacements. Cela fait des années que je m'en tiens à cette détermination, et je suis déjà pleinement engagé dans cette tâche que je me propose de mener à bien : vous donner la foi et le courage nécessaire pour fouler le chemin qui mène à la Prospérité. Je ne m'arrêterai pas, ni ne ferai un seul pas en arrière.
« Je n'exulte pas si l'on me porte aux nues, ni ne me décourage lorsqu'on m'injurie. Très peu ont réalisé le but véritable de ma venue en ce monde et sa signification, mais je ne me tourmente pas lorsqu'on m'attribue des choses qui ne m'appartiennent pas (comme lorsque l'on me traite de "socialiste", p.ex.). Pourquoi devrais-je m'en inquiéter ? En ce qui me concerne, je dis toujours : « Yes, We can ».
« Je connais les doutes qui troublent votre cœur et vos aspirations, mais vous ne connaissez pas mon cœur. Je réagis devant votre bonheur comme votre chagrin, car je suis en vous.
« C'est une grande chance qui vous est offerte. Soyez certains que vous serez tous libérés. Sachez une fois pour toutes que vous êtes sauvés. Beaucoup hésitent à croire que les choses s'amélioreront, que la vie sera heureuse et pleine de bonheur, et que l'âge d'or fera à nouveau son apparition. Je vous affirme que ce corps divin n'est pas venu en vain et qu'il réussira à écarter la crise qui menace l'humanité.
« Chacun de vous sera sauvé. Je ne vous lâcherai pas, même si vous essayez de vous échapper. Je n'abandonnerai pas non plus ceux qui me renient – comme Sarah Palin notamment – car je suis venu vous sauver tous. Ceux qui se sont éloignés de moi et ceux qui s'égarent seront ramenés près de moi et sauvés. Je dois les appeler et les bénir.
Yes, I can ! »
C'est un canular, bien sûr ;-)
En fait de discours, il s'agit en fait d'une compilation d'extraits de discours (mutatis mutandis) prononcé par un autre « messie », le gourou indien Sai Baba, mort… à la Pâques dernière (ça ne s'invente pas !).
Mais au-delà de la plaisanterie, je trouve que ce faux-discours pourrait très bien être authentique, à peu de choses près (dont l'auto-proclamation divine, bien sûr).
Sur le fond, il ne dépareille pas du discours d'investiture de Barack Obama en 2008 :
Cf. http://www.rfi.fr/actufr/articles/109/article_77584.asp
…quant à son fond, son esprit rassembleur ("Y'a moyen de s'entendre : tous les chemins mènent à Rome"), son ton mystique, sa verve "missionnaire" — pour ne pas dire "messianique".
De façon + générale, il rend bien l'attitude « messianique », du moins « œcuménique » de Barack Obama (qu'on représentait volontiers en Messie, il n'y a pas si longtemps encore) ; son aisance avec la rhétorique religieuse et les acteurs confessionnels ; son esprit rassembleur, "non-dualiste" (= "En soi, je n'ai pas d'ennemis, ni ne suis l'ennemi de personne ; et si vous vous posez malgré tout comme mon ennemi, c'est votre problème, pas le mien").
Bref, contrairement à Bush le Redneck texan mal-dégrossi, Obama le Cosmopolite a tout compris à cette adage d'Héraclite dont il pourrait faire sa devise :
« Pour Dieu, tout est beau et bon et juste ; ce sont les hommes qui tiennent certaines choses pour
justes et d’autres pour injustes. » (§ 102)