En-dehors des coptes protestants, qui seraient au moins 400.000, le protestantisme en Egypte s'exprime au travers d'une influence en profondeur.... sur l'Eglise copte majoritaire.
Cette dernière est pourtant aujourd'hui très méfiante vis-à-vis des protestants, au point que le défunt Chenouda III est parfois allé jusqu'à préconiser: "plutôt musulman que protestant"...
Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Bernard Coyault, déjà cité dans une note précédente, nous rappelle ainsi que le protestantisme, timidement implanté à partir du XVIIIe siècle, a d'abord souhaité "réveiller" de l'intérieur l'Eglise copte, et que cette dernière a répondu au départ avec bienveillance.
Pape réformateur
Le pape réformateur Kyrillos IV (1854-61), en particulier, a bénéficié de l'influence de l’enseignement qu’il reçut dans sa jeunesse dans l’une des écoles des missionnaires de la Church Mission Society (mission anglicane).
On en voit trace dans son exigence de formation biblique du clergé copte, dans son étonnante posture iconoclaste (exposition des icônes interdite dans la nouvelle cathédrale du Caire, icônes brûlées publiquement...). Des presbytériens américains, arrivés peu après les anglicans, Cyrillos retiendra aussi le principe de la mise en place d'écoles du dimanche, ainsi qu'un souci de diffusion de la Bible (et des littératures bibliques dérivées).
A noter que le protestantisme a commencé à s'implanter AVANT la colonisation britannique, et qu'il a poursuivi son implantation grâce à une impulsion missionnaire britannique, mais aussi américaine, et très secondairement d'Europe continentale (France et Suisse comprises).
Sur cette influence américaine, à noter qu'on dispose aujourd'hui d'une excellente monographie signée Heather Sharkey, American Evangelicals in Egypt (Princeton University Press, 2008).
Eglise évangélique de Choubrah (quartier chrétien du Caire), photo S.F. 27 avril 2012
Aujourd'hui, le protestantisme égyptien, y compris évangélique, est largement porté par des dynamiques endogènes, comme on peut le constater par exemple à l'église évangélique de Choubrah (ci-dessus). Mais dans un contexte de pluralisme compliqué, marqué par une discrimination antichrétienne, la "minorité de minorité" protestante ne se prive pas des atouts représentés par les réseaux internationaux (partenariats, écoles, missions), renforcés aujourd'hui par les puissants médias numériques (chaînes chrétiennes arabophones par satellite en particulier).
Le protestantisme égyptien continue par ailleurs à exercer une certaine influence sur l'église copte orthodoxe, en dépit de méfiances réciproques, tout en cultivant ses spécificités. En observant le culte déroulé dans l'église troglodyte Saint Samaan des chiffonniers (voir notes précédentes), on en a un exemple concret, avec une liturgie (hymnes en particulier) qui s'inspire en partie des pratiques protestantes évangéliques (voir photo ci-dessous, lors de mon passage le 3 mai 2012).
Culte du jeudi soir 3 mai 2012 à Saint Samaan (Mokattam), photo S.Fath
Commentaires
bjr,
Comment s'explique la préconisation de Chenouda "plutôt musulman que protestant"?
gef
Précisons que ce propos d'humeur de Chenouda III ne résumait pas sa pensée sur les protestants, loin de là, et qu'il a développé des points de vue beaucoup plus nuancés.
Mais comme beaucoup de clercs rattachés aux églises d'Orient, le pape copte Chénouda III se méfiait énormément de tout ce qui risquerait de faire passer le christianisme comme un élément étranger au pays.
Comme les protestants se sont implantés bien "après" les autres coptes orientaux, et qu'ils l'ont fait avec l'appui de missions étrangères, ils présentaient, aux yeux de Chenouda III, le risque d'encourager l'amalgame christianisme=religion étrangère à l'Egypte.
Précisons que le pape Chenouda III avait des positions tout aussi méfiantes vis-à-vis de Rome et de l'Eglise catholique! Et cela, pour des raisons assez similaires: "catholicisme=produit d'importation".
Bonjour M. Fath !
Je suis en train d'écrire sur mon blog un article sur les personnalités coptes qui pourraient jouer un rôle influent dans la nouvelle société égyptienne post-révolutionnaire, je compte le publier le jour du premier tour des élections présidentielles. Accepteriez-vous de le relire et de me faire part de vos remarques et éventuelles corrections avant qu'il ne soit publié ?
J'apprécie le commentaire validé mais j'aurais encore préféré une réponse. Fusse-t-elle négative, parce que je me doute bien que vous devez avoir un emploi du temps chargé et qu'en plus en ce moment vous êtes en vacances.
Bonjour
Merci pour votre patience.
Je n'ai pas accès à une connexion régulière en Egypte, c'est effectivement un peu compliqué. Mais votre texte m'intéresse évidemment beaucoup, et même si je ne pense pas avoir les compétences pointues pour évaluer le fond, je le lirai avec plaisir et vous ferai part de mes remarques. N'hésitez donc pas à me l'envoyer.
D'accord, je vous l'envoie donc tout de suite par mail et j'attends vos remarques (quand vous aurez le temps, cela ne presse pas).
Voici mon article, publié aujourd'hui comme prévu pour le premier tour des présidentielles : http://unetudiantdefendsafoi.blogspot.fr/2012/05/egypte-ces-coptes-qui-comptent-apres-la.html
Je n'ai finalement pas eu de retour de votre part, vos remarques sont évidemment toujours les bienvenues.
Merci.
Désolé de n'avoir pas donné d'écho, mais je suis débordé.
PLusieurs centaines de courriels à traiter de retour d'Egypte, je ne m'en sors pas... encore.
Mais je vous lirai avec attention, et et remercie vivement aussi de partager ce lien qui intéressera beaucoup de monde.
Pas de problème, je comprends.