Pour une large partie de la population de Juba, c'est par une multiactivité au rythme des saisons que la survie s'organise: fabrique de briques, de charbon de bois, récoltes dans l'arrière-pays, collecte du bois, petit commerce de détail, lavage du linge.... et parfois prostitution pour quelques milliers de femmes démunies, qui exercent dans des conditions souvent effroyables.
Des milliers d'enfants des rues alternent aussi entre petits boulots (recyclage du plastique), délinquance et exploitation.
Mais le pire n'est pas inéluctable. L'apparition de prêts de microfinance a permis à nombre de femmes en situation précaire de s'assurer un petit revenu, comme on peut l'observer au marché de Lologo, le quartier Tong Ping (près des ambassades, dont l'ambassade de France, cise dans un préfabriqué). Le microcrédit facilite le stockage et la vente de thé, pain, poix, alcool, fruits, oeufs.
Les Eglises jouent dans ce contexte un rôle social d'autant plus majeur que la sécularisation n'est pas passée par le Soudan du Sud : la population partage de nombreuses croyances religieuses, qui vont de l'animisme à l'islam en passant par la sorcellerie et... le christianisme, probablement majoritaire à Juba (mais on n'a pas de chiffres sûrs dans ce domaine), mais l'islam y est bien implanté aussi.
Les deux acteurs principaux sont d'une part l'Eglise catholique, globalement dominante, et à laquelle se rattache le président Salva Kiir, assidu à la messe dans la cathédrale de Juba. L'oeuvre des missionnaires Comboni, en particulier, une mission catholique vouée à l'évangélisation de la vallée du Nil, a été décisive dans la catholicisation de la population, appuyée par une action sociale en profondeur portée notamment par l'ONG Caritas.
Chorale interconfessionnelle au festival Hope for a new nation, 26 octobre 2012 (photo SF)
D'autre part, l'Eglise Episcopale du Soudan (ECS) occupe, en terrain protestant, une situation dominante, à partir de sites comme celui de la cathédrale All Saints, au centre de Juba: c'est précisément dans une guest house gérée par l'ECS que je loge actuellement, point d'observation idéal pour étudier les Eglises à Juba ! En-dehors de l'Eglise épiscopale (rattachée à la communion anglicane), de nombreuses Eglises évangéliques se développent, dont maintes églises charismatiques qui sortent actuellement de terre, dans la ville ou les environs.
La plus fameuse d'eutre-elles est le Juba Christian Center, située à Buluk, où une jeunesse nomreuses se presse. Mais bien d'autres Eglises charismatiques s'étendent, dont la multinationale nigériane Winners, nouvelle venue située aux confins du quartier Thong Ping (où se situe aussi l'ambassade de France).
Commentaires
rebjr,
Merci pour les éclaircissements à mon précédent commentaire.
Concernant les diverses sensibilités religieuses confrontées (ou synthétisées?), comment les différentes dénominations parviennent-elles à intégrer (ou non) la religiosité de source?Comment, par ex., un animiste recompose-t-l son système de croyance(s) en devenant catholique, musulman ou autre? Laquelle de ces religions est la plus "récente", et donc sans doute la plus en (re)composition sur ce plan de l'hétérogénéité individuelle et collective de croyance?
Y-a-t-il, dans cette jeune "nation", quelque chose comme un sentiment d'identité collective, d'appartenance, propre à générer une appétence œcuménique ou simplement transversale?
@+, gef
En France, ce n'est pas le cas, mais je peux bien comprendre le rôle social des églises dans ces pays, car l'Etat est ici très faible