Dans nos sociétés consuméristes, il est de bon don d'ironiser sur l'expression populaire "L'argent ne fait pas le bonheur". En rajoutant, par exemple, "mais y contribue grandement".
Serait-ce possible, pourtant, que cette maxime se vérifie à grande échelle?Et si, VRAIMENT, l'argent ne faisait pas le bonheur?
C'est en tout cas la thèse d'un excellent économiste français, du nom de Daniel Cohen, qui vient de publier Homo Economicus, prophète (égaré) des temps nouveaux, aux éditions Albin Michel (2012).
Dans cet ouvrage assurément très provocateur, mais aussi très argumenté et fort convainquant, Daniel Cohen nous explique notamment que selon nombre d'études quantitatives, les indicateurs de satisfaction et de bien-être stagnent ou régressent dans nos sociétés, que ce soit dans les entreprises ou dans les couples. Alors même que le niveau économique, le niveau de vie, le pouvoir d'achat ont augmenté.
Conséquences religieuses
En clair, le consumérisme effréné qui marchandise des secteurs croissants de l'expérience humaine (jusqu'aux enfants à naître?) aboutirait non pas à plus de bien-être, mais au contraire à un malaise croissant.
Cette thèse, à examiner de près, a évidemment des conséquences sur les terrains religieux que nous étudions. Dans un scénario ou sécularisation rime avec consommation, on peut en effet se demander si la résultante indirecte d'une telle "machine à déprimer les gens" ne provoque pas, par "retour de flamme", une réaffirmation religieuse, ne serait-ce que pour tenter de compenser les effets délétères de "temps nouveaux" qui font régresser le bien-être au profit du plus-avoir.
Commentaires
Bonjour,
Lytta Basset ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Lytta_Basset ) a très bien parlé de ces choses dans son livre "La joie imprenable", au sujet de la parabole du fils prodigue, qui est aussi un histoire de bonheur par l'argent (fils prodigue) ou par le mérite (fils sage), ou par la famille (père), du moins du point de vue théologique. (mais j'ai peur de me faire gronder, car elle parle de la joie, non du bonheur) (mais la joie c'est intéressant aussi, non ? )
Concernant les aspects bonheur par l'argent, juste à commenter le billet sans avoir lu le livre, il me semble que la notion de progrès serait plus pertinente : l'argent n'en est qu'un des aspects. Aujourd'hui, le progrès ne présente plus une promesse de mieux être, et je pense que c'est ce qui explique que les "indicateurs de satisfaction", comme vous dites, stagnent ou régressent.
La condition du bonheur par la satisfaction, c'est la certitude : si j'affirme avec certitude quelque chose qui se réalise, alors je peux m'en vanter, alors je suis satisfait, donc je suis heureux.
Mais si quelque chose d'incertain a réussi, j'ai peur de ne pouvoir m'en vanter autant, aussi je suis moins heureux.
Pendant la période du progrès triomphant, la science était source de certitudes. Mais aujourd'hui que la science porte des mauvaises nouvelles, cela devient plus difficile de valoriser des certitudes avec elle. Voilà pourquoi les amateurs de certitudes se tournent vers la religion maintenant.
Donc je ne pense pas que ça soit directement lié aux richesses matérielles, mais plutôt aux gens qui recherchent le bonheur par la certitude. Car cela marche aussi avec les "richesses spirituelles" : si vous faites un truc spirituel certain, qui réussit, alors vous êtes plus satisfait que si vous faites un truc incertain, même dans le domaine spirituel.
Pour parler en paraboles (comme le Christ, hein), si vous avez un jardin avec des belles fleurs que vous avez achetées et plantées, et des belles fleurs sauvages que vous n'avez pas plantées, vous arracherez les belles fleurs sauvages pour mieux montrer les belles fleurs que vous avez plantées.
Il y a trop de fleurs sauvages dans le jardin du progrès, aujourd'hui. Et il est si facile de planter des fleurs artificielles en religion.
Cordialement.
J'aime pour ma part parler de l'homo morfalens... la même idée en moins sérieux !
Morfalens, morfalens, Attention PdM : je veille sur la e-réputation de mon filleul... :)