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France, la fin d’un monde

Dans son dernier ouvrage, Danièle Hervieu-Léger a titré sur le «catholicisme, la fin d’un monde». On pourrait sans peine la paraphraser, et souligner qu’aujourd’hui, nous assistons, en France, à la « fin d’un monde ». Avec cette crise du CPE qui n’en finit pas, deux modèles semblent arriver à bout de souffle.
(...)

Bonapartisme désuet
Le premier, c’est celui d’un bonapartisme condescendant, qui implique qu’en haut, on sait tout, sans besoin de consulter les manants qu’on gouverne. Dans son mépris souverain de la négociation, le premier ministre Dominique de Villepin paye cash un mode de gestion hérité du XIXe siècle, dont le monde démocratisé et globalisé d’aujourd’hui ne veut plus entendre parler (voir la note sur la « crise de la représentation et le modèle du « top-down »).

Pour avoir du cœur à l’ouvrage, les Français ont besoin que leur dignité soit respectée (Cf. analyses de Philippe d’Iribarne, CNRS, dans le dernier Télérama). Ce respect rime avec la négociation, pas avec le passage en force.

Les manifs : mauvais remake ?
Le second modèle à bout de souffle, c’est celui de la France dans la rue, des grandes manifs aux slogans choc ou démagos. En regardant mardi dernier les interminables cortèges, on avait parfois l’impression d’un mauvais remake.

Dans les années 1980s, la France pouvait encore se payer le luxe de manifs à répétition. Mais aujourd’hui, avec les caisses de l’Etat dramatiquement vides, un chômage des jeunes record et une globalisation industrielle qui ne nous fait pas de cadeau, la France n'a plus les moyens d'une paralysie sociale tous les 6 mois, qui fait fuir les investisseurs, stupéfie nos voisins européens, et contribue à éroder un peu plus une culture du travail déjà bien fragilisée. Arrêtons ce lent suicide!

Quelle issue ? L’immobilisme est la pire option. Le discours «ne pas toucher aux acquis» n’est hélas aujourd’hui plus tenable, car nous n’en avons plus les moyens, sauf à accabler totalement les jeunes générations (qui arrivent au travail plus tard que leurs aînés, et qui n’auront pas leur retraite). De ce point de vue, le discours conservateur de la gauche et des syndicats dépasse souvent la limite de la démagogie, voire du mensonge.

Au nom des droits des travailleurs, on sacrifie, en fait, les chômeurs (méprisés de longue date par les syndicats) et les jeunes, réduits à un assistanat de plus en plus prolongé.Quant à la droite, le moins que l’on puisse dire est que l’application bonapartiste de la « méthode Villepin » laisse beaucoup à désirer. Si des réformes douloureuses sont à faire, encore faut-il qu’elles visent juste (le CPE n’est pas irréprochable sur ce plan) et qu’elles soient négociées dans le respect des citoyens.

COLÈRE
Alors quoi ? Alors, rien. Tel Drago dans le Désert des Tartares (Dino Buzzati), sommes-nous réduits à regarder l’horizon en attendant les barbares ? Dans ce climat de «fin d’un monde», reste peut-être une ressource, la colère. Dans un pays qui sombre au ralenti, rien de pire que l’apathie. La colère de bien des Français constitue de ce fait un signe d’espoir. Bien que mal dirigée, souvent instrumentalisée par des discours démagos et autistes, la colère des citoyens, et notamment des plus jeunes, porte la promesse que tout n’est pas dit. La France de papa se meurt, mais la France de demain est à construire ! Aux politiques, d’où qu’ils viennent, de savoir saisir l’étendard de cette colère et en représenter les défis sur la scène de ce monde du Troisième Millénaire.

Commentaires

  • Sébastien,

    Une fois encore, la pertinence de vos propos vous honore.

    La France est en crise. Une crise sociale et politique. Une crise de la 5eme république. Il est probable que les modifications du CPE souhaitées par M. Chirac ne suffiront pas à fermer une cicatrice aussi importante que la crise sociale qui secoue notre pays.

    Mais que faire? L'inaction, vous le soulignez justement, n'est pas non plus la solution ... Et l'état désastreux des finances publiques ne permet pas à l'Etat de mener une politique volontariste...

    La 6eme République, même si elle est souhaitable, ne résoudra pas miraculeusement tous nos problèmes non plus...

  • Oui, de toute évidence nous sommes sur le chemin d'une étrange impasse. Ce que vous dites me fait penser aux remarques et réflexions de Nicolas BAVEREZ dans son nouveau livre "Nouveau monde, vieille France" (1). Il ne s'agit pas de regarder tomber la France et de dire tais-toi ! Au contraire, désarmons les peurs irrationnelles et les discours démagogiques! Trouvons un "nouveau mode d'emploi" de la modernisation et réinventons le modèle français avec en prime une renaissance de l'Europe. Il s'agit en fait d'une proposition de thérapie de choc qui veut débrider les 5 moteurs essentiels de la croissance et de l'emploi : Le travail, l'intégration, l'innovation, les talents et les cerveaux.

    Je me demande même, en redonnant une autre focale du regard sur ces problèmes, s'il ne faut pas aussi réaliser que ce que nous nommons "société" est en fait une notion qu'il est nécessaire de changer. Ce qui pourrait nous mener à présenter une autre définition de la recomposition de la politique qui serait le produit d'un monde social redessiné : rendre visible et lisible le local issue du contexte global en sachant le redistribuer et en connectant les différents sites. Là, je vous renvoie au livre vraiment intéressant de Bruno LATOUR (2) qui est une "sociologie de l'acteur réseau" pour reprendre ces propres termes.

    Chaleureusement,

    Christian

    (1) Nicolas BAVEREZ, Nouveau monde, vieille France, ed. Perrin, Paris, 2006, 389p
    (2)Bruno LATOUR, Changer de société - refaire de la sociologie", éd. La découverte, Paris, 2006, 400p

  • Oui nous sommes au bord du gouffre,
    que reste-t-il à faire quand on est jeune ?
    debout jeunesse... en avant...
    mauvais remake d'une phrase d'Edgar Faure il me semble (si j'en crois ce que me disent les quelques neuronnes de vieux réservés à ma mémoire)...

    Cet après-midi mon fils (15-1/2) m'a demandé d'aller manifester, non pas contre ou pour le CPE, mais contre la manière d'agir du gouvernement, une manière cavalière des Enarques ministériels qui ne tiennent aucunement compte des propositions et des avis des béotiens de la France d'en bas...

    Alors comme il a eu la délicatesse de demander mon avis de vieux, je lui ai donné mon accord...
    il faut bien qu'il aille un peu confronter ses illusions juvéniles à la dure réalité de la vie...

    Ah si jeunesse savait... si vieillesse pouvait...

    Au fait savez-vous quelle est ma définition du vieux ?
    on est vieux quand on dit "de mon temps.. "
    ça tombe bien je suis dans le "aujourd'hui", donc pas si vieux qe ça :-p

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