Eh oui, pourquoi pas ? À peine l’élection de Barack Obama confirmée, des voix se sont empressées, en France, de dénoncer l’impossibilité d’un Barack Obama français.
Et inviter à bouger les lignes.
Je reviendrai beaucoup plus en détail, en temps voulu, sur ces questions.
Résistances culturelles
Disons simplement qu’elles mettent en jeu, d’une part, une indéniable résistance culturelle française au pluralisme des identités (causes générales), mais aussi une résistance culturelle de certains acteurs identitaires français (causes particulières) à la réalisation effective d’une République plus généreuse, plus juste et plus ouverte à la diversité.
C’est sur ces dernières causes que je voudrais brièvement m’attarder dans cette note. Je me limiterai ici à pointer quatre différences entre la perspective d’Obama, et celle de certains entrepreneurs identitaires de notre beau pays, habiles à instrumentaliser Obama pour leurs fins propres.
1/ Des galons gagnés dans la société civile
Barack Obama s’est révélé un vrai leader communautaire de terrain, rompu à l’action sociale locale. Il n’a pas fait ses preuves comme médiatique chasseur de subventions , artificiellement légitimé «par le haut» par certaines autorités ou médias complaisants.
Il a gagné ses galons et sa respectabilité représentative comme acteur efficace et reconnu de la société civile, expert dans l’animation communautaire et le travail social de terrain, au plus près des réalités vécues par ceux qu’il entendait représenter: une reconnaissance «par le bas» avant tout, validée ensuite au plan national.
2/ Une rhétorique universaliste, non identitaire
Barack Obama a résolument refusé la rhétorique victimaire et généralisante de tant d’entrepreneurs identitaires, du style «nous les noirs».
Tout en étant lucide sur le handicap relatif que risquait de constituer sa couleur de peau en raison du maintien résiduel de préjugés raciaux, Barack Obama a délibérément choisi, dans sa conquête du pouvoir, de ne pas jouer sur le registre du discriminé, mais sur celui de l’universel.
Comme le soulignait très justement Mabrouck Rachedi (ci-contre) dans le journal Métro, hier, il a compris que «si la diversité veut exister comme force capable de peser sur l’échiquier politique, elle doit proposer une offre qui vise la totalité plutôt que ceux qu’elle est censée représenter».
La Res Publica, le modèle américain pour tous. Il ne s’est pas présenté comme «candidat des minorités», «candidat des noirs», mais comme candidat de tous, digne héritier de l’universalisme d’un Martin-Luther King. Au lieu d’abaisser le modèle républicain, il l’a ainsi rehaussé en lui témoignant sa confiance, l’invitant à se hisser à la hauteur des idéaux qu’il défend.
3/ Une prise en compte démocrate de la religion
À l’inverse du ‘tout religieux’ de certains hérauts de la Droite chrétienne, et du ‘pas de religion’ de certaines élites politiques libérales, Barack Obama a forgé sa conscience politique dans un cadre religieux (chrétien et protestant), et il a su valoriser, parmi d'autres, cet ancrage comme aucun leader démocrate américain avant lui depuis Carter.
Ajoutons que ce converti sait qu'il doit au cercle ecclésial qu'il a choisi, d'avoir pu cultiver l'habitus de l'espérance, ressource essentielle des réformes, et ressource rare, depuis les années 1980s, en politique...
Obama a valorisé cet apport religieux sans confusionnisme (c’est un démocrate, pas un théocrate), mais sans condescendance non plus, ni mépris caricatural, conscient que beaucoup d'Américains, et notamment les afro-américains (comme d’ailleurs les afro-antillais en France) trouvent dans la religion un ciment solidaire précieux, outil de vivre-ensemble.
Cette prise en compte lui a donné une représentativité et une crédibilité qu’il n’aurait jamais gagnée autrement auprès des afro-américains.... et au-delà.
4/ Le choix de la compétence et du professionnalisme
Peu enthousiaste à l’idée de renforcer l’Affirmative action (discrimination positive), Barack Obama a clairement porté ses priorités sur le travail, le travail et encore le travail, avocat d’une approche méritocratique et républicaine.
Accumuler les compétences, bétonner sa légitimité par son travail, s'entourer des meilleurs experts (qui savent interpréter correctement une enquête...) refusant l’amateurisme récriminatoire, victimaire et équivoque que d’autres adoptent en guise de sésame pour l’ascension sociale.
Et la France?
Tout ceci n'est pas forcément transposable tel quel dans le contexte français. Mais l'essentiel l'est, avec des nuances ici ou là. Et contrairement aux pessimistes, de très nombreux Françaises et Français "issus de la diversité" (comme on dit) sont parfaitement capables, et le prouvent tous les jours, de mettre en oeuvre la plupart des orientations choisies par Barack Obama.
Fadela Amara, entre autres, en est pour moi un exemple remarquable. Mais ce ne sont pas toujours elles ou eux qu'on entend le plus à la table des revendications.
C'est pourquoi il n'est pas inutile de rappeler ici ces quelques leçons tirées de l'exemple d'Obama: un enseignement que feraient bien de méditer, dans notre pays sclérosé, certains entrepreneurs identitaires, plus ou moins opportunistes, qui tentent d’instrumentaliser Obama tout en fermant les yeux sur tout ou partie de ses méthodes.... (à suivre)