Je n'aime pas qu'on agite à tout bout de champ le spectre du communautarisme. Alain Finkielkraut, évoqué il y a peu dans ce blog, a eu tort, de ce point de vue, de prêter aux émeutes urbaines parisiennes de l'automne 2005 un caractère principalement "ethnico-religieux", car je crois que les causes étaient avant tout sociales, et non communautaires.
Mais ce n'est pas une raison pour évacuer cet enjeu.
Le "communautarisme", au sens d'un système où le pays tend à se définir comme un agrégat de communautés qui marchandent leurs avantages, n'est pas une vue de l'esprit. Le fait est qu'il ne surgit pas toujours où on l'attend. Les émeutes urbaines n'étaient pas "communautaristes".
En revanche, au gré des cocktails parisiens des beaux quartiers, peut fort bien germer un communautarisme "chic", "branché", nourri d'entrepreneurs identitaires qui savent à merveille instrumentaliser la question des discriminations, réelles ou supposées.
Vous voulez un exemple? Ci-dessous, vous trouverez la version longue d'un "coup de gueule" que je viens de publier dans l'hebdomadaire protestant Réforme.
Le CRAN et «les noirs de France»: dérives d’une OPA identitaire
Quand des choix communautaristes gâchent une belle cause
(Version longue du texte publié dans Réforme)
En ces temps de campagne électorale, les états-majors fourbissent leurs armes et Marianne est d’humeur belliqueuse. Tantôt courtisée, tantôt menacée, la République se dresse au cœur des enjeux et des combats. Un des traits qu’on lui décoche souvent, non sans raison, est son arrogance du discours. Notre pays se ferait une spécialité des grands principes, quitte à passablement les négliger dans la pratique. Le Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN) s’est distingué, depuis quelques mois, dans ce registre critique.
Exaspéré du manque flagrant de visibilité des noirs dans la société française, un collectif s’est constitué le 26 novembre 2005 dans le but de confronter la République française à ses insuffisances, lui intimant d’en rabattre un peu sur la théorie, pour mieux se concentrer sur les travaux pratiques. En substance: «Assez de beaux discours universels, appliquons concrètement les principes!»
Disons le tout net : cette cause est belle, et mérite le soutien total de tous ceux qui entendent faire vivre aujourd’hui la devise républicaine «Liberté, égalité, fraternité».
Statistiques ethniques: pourquoi pas
Parmi les protestants français, bien placés du fait de leur histoire pour mesurer la difficulté d’être minoritaire, nombreuses ont été les voix de sympathie en direction de leurs compatriotes noirs ainsi mobilisés. De ce point de vue, le plaidoyer développé par le CRAN en faveur de statistiques ethniques peut être salué et encouragé, dans la mesure en tout cas où cet instrument de connaissance qu’est le recensement permettrait de mieux apprécier la diversité réelle des composantes de la nation, fournissant des éléments solides pour combattre les discriminations.
Ce bel élan, ce «rayon de lumière» évoqué par Michel Wieviorka en janvier 2006, rend d’autant plus triste le gâchi auquel on est en train d’assister depuis six mois. Censé donner du «cran» aux citoyens pour mieux lutter contre le racisme et la discrimination, cette initiative a fâcheusement dérapé, au fil des déclarations de ses leaders, pour, en fin de compte, mettre en péril l’idéal républicain lui-même.
La prophétie du boomerang
Peu avaient anticipé la dérive de cette O.P.A. identitaire. Saluons de ce point de vue la lucidité précoce (mais trop virulente) de Claude Ribbe, président du Collectifdom, et les interrogations plus mesurées de Christiane Taubira (photo ci-contre), qui avait souligné combien la revendication communautaire «est un sujet sur lequel il faut être à la fois audacieux et prudent, car il peut nous revenir en boomerang. Et il ne faut pas contribuer à des segmentations» (1). La prophétie du boomerang s’est aujourd’hui accomplie, et l’exemple du CRAN, s’il était suivi, menace les fondements mêmes de la République.
Les derniers entretiens du président du CRAN, Patrick Lozès, illustrent l’ampleur du dérapage. Dans le Nouvel Observateur, il s’affirme comme un entrepreneur identitaire qui semble s’estimer quasi propriétaire des Français à la peau noire. Il en connaît même le nombre, alors que l’INSEE l’ignore (1.865.000, dit-il), et clame : «les Noirs feront la différence dans l’isoloir en 2007» (2).
Une menace? Représentatif d’une maigre minorité d’associations noires -moins de 5% de toutes les associations noires de France- (3), sans légitimité électorale, doté seulement (mais c’est beaucoup) d’un soutien médiatique équivoque et sans doute temporaire, comment Patrick Lozès peut-il oser parler au nom de tous les noirs de France?
Avenue vers la balkanisation
Autre dérive, l’insistance sur le seul critère de couleur de peau (4). On pouvait la juger maladroite mais sympathique à son début, mais en appuyant dans la durée sur ce seul critère, le CRAN ouvre une boîte de Pandore. Que dirait-on d’une création d’un Conseil Représentatif des Associations Jaunes de France? Ou d'un CRAB (pour les Associations Blanches)? Une avenue vers la balkanisation.
La référence explicite, revendiquée par Lozès et Louis George Tin (son bras droit) au pasteur Martin Luther King est de ce point de vue particulièrement mal venue. Car Martin Luther King a lutté pour un système qui cesse de distinguer, dans les régulations sociales (juridiquement inégalitaires), entre blancs et noirs.
Patrick Lozès et le CRAN plaident au contraire pour des régulations sociales (juridiquement égalitaires en France), qui différencient davantage entre blancs et noirs (au nom d’un rattrapage à effectuer en faveur des noirs).
Lozès, l'anti-Luther King
Le premier, sans ambition politique, a rassemblé des millions de noirs, et de blancs, le second, en quête d’une investiture parlementaire pour 2007, ne représente pas beaucoup plus que lui-même.
On le voit bien: si l’objectif explicite est identique (lutter contre les discriminations qui frappent les noirs), la méthode est diamétralement opposée. La première était universaliste, républicaine et désintéressée (principe d’égalité devant la loi et de non-distinction de la couleur de peau), la seconde est particulariste, communautariste et intéressée (critique du principe d’égalité sous prétexte qu’il est mal appliqué, et mise en avant de la couleur de peau).
Louis Georges Tin assume du reste pleinement ce particularisme, déclarant à l’Observatoire du Communautarisme que d’après lui, «l'universalisme n'est en général qu'un particularisme parmi d'autres», et que c’est «une coquille vide» (5). C’est dit! S’il est une coquille vide, autant faire le deuil du principe d’égalité, à la base de l’universalisme républicain (comme il est à la base aussi du christianisme de Martin Luther King). Là est l’enjeu des débats à venir sur les discriminations: soit lutter contre elles en appliquant mieux le principe d’égalité, soit lutter contre elles en dérogeant à ce principe.
Le CRAN et Frêche, images inversées d'une même approche racialiste
En jouant la carte de la couleur de peau, le CRAN s’inscrit manifestement dans cette seconde option, sur la base d’un discours clairement racialiste. Sans être ouvertement raciste, le CRAN surdétermine le facteur racial au détriment d’une foule de causes tout aussi importantes, sinon plus. Ainsi, lorsque Patrick Lozès dénonce la sous-représentation des noirs en politique, la cause est-elle seulement la couleur de peau? N’est-ce pas aussi, et surtout, en le profil social souvent défavorisé des noirs (mais aussi des tziganes, des maghrébins, etc.), lié au migrations récentes?
Focaliser sur la couleur de peau tend à lier l’embauche non pas tant au mérite qu’au taux de mélanine cutanée. Cette approche ne résoud rien et viole les principes d’égalité de la République, qui ne saurait faire de distinction selon l’origine des citoyens, égaux devant la loi.
Quand Georges Frêche déplore le faible taux de blancs dans l’équipe de France de football, affichant sa «honte», on le sanctionne. Quand Patrick Lozès déplore le faible taux de noirs cadres, affichant son «indignation» (6), on est dans le même registre racialiste et anti-républicain, quelles que soient les professions de foi républicaines de leurs auteurs.
Focaliser sur les causes sociales de relégation (qui jouent quelle que soit la couleur de peau), au contraire, serait l’approche républicaine attendue, hélas bien absente de la rhétorique du CRAN. Prenons un exemple: quand Patrick Lozès déplore le manque de cadres noirs, une approche par les causes sociales reviendra à développer la formation, les aides à l’éducation, pour permettre à tous les défavorisés, qu’ils soient «noirs», «jaunes» ou «blancs», de rattraper leur retard. Mais l’optique racialiste de Lozès écarte cette option au profit d’une demande d’ «action affirmative» vers les noirs, qui, telle qu’il la formule, touche à l’absurde.
Ne pas empiler les passe-droits
Car si les noirs de France ont «2,25 fois moins de chances que les autres Français de devenir cadre» (7), un décalage similaire pourrait être pointé au sujet de bien des populations, comme les Picards (très en retard sur la moyenne nationale en terme de scolarisation dans l’enseignement supérieur), sans parler des Manouches ou des malentendants (et on pourrait multiplier les catégories). Faut-il des quotas de Picards dans les grandes entreprises? Quand on est Picard et noir, a-t-on droit à un double bonus?
Auteur à culot d’un ouvrage titré «Nous les noirs de France» (comme si Jean-Marie Le Pen s’autorisait à écrire un livre titré: «Nous, les blancs de France» (8), Lozès s’est invité, jusqu’à présent, aux meilleures tribunes, jouant d’une rhétorique victimaire rôdée, assaisonnée d’invocations républicaines à peu près aussi convaincantes que les invocations écologistes de Nicolas Sarkozy.
Il s’est bâti une organisation richement dotée sur laquelle il a quasiment tous les pouvoirs (il nomme l’intégralité du bureau exécutif).
Mais il est grand temps d’inviter les Français à bien relire ce que cet entrepreneur identitaire pense avoir à nous dire: car pour corriger ses torts, souvent réels, vis-à-vis des populations d’immigration récente ou d’origine ethnique différente du type majoritaire, notre pays a besoin de citoyens informés, aptes à la fois à aider les initiatives empiriques authentiquement républicaines (mettre fin aux passe-droits qui favorisent certains), et à écarter les impostures racialistes (qui surajoutent aux premiers passe-droits, au lieu de se donner comme tâche exclusive de les combattre, la revendication de passe-droits favorables à telle ou telle catégorie).
Une procédure judiciaire a été ouverte en décembre 2006 par Claude Ribbe (photo ci-contre) afin d’obtenir la dissolution du CRAN, association «fondée sur un critère ouvertement racial et donc illicite selon la loi de 1901» . Une affaire à suivre.
(1) Christiane Taubira, citée par Laeticia Van Eeckhout, « Des associations noires créent une fédération », Le Monde, 26 novembre 2005.
(2) Patrick Lozès au Nouvel Observateur, édition électronique, 8 février 2007.
(3) En 2006, il regroupait moins de 200 associations, alors que les seules populations antillaises se regroupent dans 8000 associations (sans compter plus de 5000 associations africaines ou d’origine africaine). En février 2007, Patrick Lozès évoque désormais "un millier d'associations" (ce qui laisse le CRAN à moins de 10% de taux re représentations des 'associations noires').
(4) Au contraire du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France), dont le critère de représentatitivé est fondé sur l’élément culturel et religieux, pas sur la couleur de peau.
(5) Louis Georges Tin, entretien à l’Observatoire du Communautarisme, 17 mars 2006.
(6) Patrick Lozès, «Ecoutons enfin les noirs de France», Le Monde, 1er mars 2007.
(7) Patrick Lozès, « Ecoutons enfin les noirs de France », ibid.
(8) Patrick Lozès, Nous, les noirs de France, Paris, ed. Danger public, 2007.
NB : je signale une coquille dans mon article de Réforme: il ne s'agit pas d'une information judiciaire ouverte contre le CRAN, mais d'une procédure judiciaire initiée par Collectifdom, le but étant bien la dissolution du CRAN.
Commentaires
"quand on est Picard et Noir, a-t-on droit à un double bonus ?" demandez-vous ....
si en plus on est protestant on devrait avoir droit à un triple bonus puisqu'on est trois fois minoritaire .. lol ...
bon, je reprends mon sérieux : je suis tout à fait d'accord avec votre "coup de gueule", il y a là une dérive dangereuse .............
Bonjour,
Patrick Lozès a un blog, où sont archivées ses interventions, notamment dans Le Monde :
http://patricklozes.blogs.nouvelobs.com
C'est un blog qu'il tient à l'invitation du Nouvel Observateur.
Il y explique sa démarche, qui est profondément républicaine et antiraciste.
Par ailleurs, il dédicacera son ouvrage, Nous les Noirs de France, le dimanche 25 mars à 15h au Salon du livre de Paris, stand des Éditions de La Martinière K80-L89.
Sur le marquage politique du Collectif DOM, on peut lire cet article sur leur site, intitulé "Sarkozy avec l'outre-mer" :
http://www.collectifdom.com/article.php3?id_article=478
Le prolongement de cet article est ici :
http://www.loutremeravecsarko.com/
C'est un collectif pro Sarkozy animé par l'ancien président du Collectif DOM, Patrick Karam.
L'engagement du CRAN est clairement ailleurs...
Dans une fibre engagée et citoyenne, aux côtés de ceux qui le soutiennent, notamment les membres de son Conseil scientifique, qui vient d'être lancé, sous la présidence de Michel Wievorka (EHESS), et avec :
- Elikia Mbokolo (historien, EHESS)
- Pap Ndiaye (historien, EHESS)
- Souleymane Bachir Diagne (philosophe, Université de Chicago)
- Catherine Coquery Vidrovitch (historienne, Université Paris 7, Professeur émérite)
- Christine Delphy (sociologue, CNRS)
- Mamadou Diouf (historien, Université du Michigan)
- Geneviève Fraisse (philosophe, EHESS)
- Yves Lacoste (géographe, Université Paris 8)
- Hervé Le Bras (démographe, EHESS)
- Bernard Lecherbonnier (littéraire, Université Paris 13)
- Michelle Perrot (historienne, Université Paris 7, Professeur émérite)
- Diana Pinto (historienne)
- François Raveau (anthropologue, EHESS)
- Abdelkader Sid Ahmed (économiste IRD)
- Benjamin Stora (historien, INALCO)
- Francis Terquem (Avocat)
- Louis-Georges Tin (littéraire, IUFM d’Orléans)
- Paul Veyne (historien)
- Françoise Vergès (Politologue, Université de Londres
Les éditions Danger Public
Réponse aux éditions Danger Public
Merci pour ces précisions. Je connais le blog de P.Lozès, je n'avais pas connaissance, en revanche, de la liste du comité scientifique. Mais cela ne change rien à mes positions.
Il ne suffit pas que Patrick Lozès se gargarise d'un langage républicain pour être un républicain convaincu. Jouer sur un "nous" communautaire en faveur d'une catégorie de couleur de peau est une dérive dangereuse du point de vue du modèle de citoyenneté dont la France est porteuse.
Libre à une partie de la gauche d'estimer que la surenchère des lobbies particuliers constitue le sésame (permanent ou provisoire) pour lutter contre les inégalités: je respecte les intellectuels qui le pensent.
Mais j'ai un avis différent, celui déjà défendu par Martin Luther King, à savoir que les "blacks" n'ont pas à être reconnus comme "blacks" (avec des droits spécifiques, des quotas, etc...), mais comme des êtres humains, des citoyens comme les autres, avec les mêmes droits.
Ceci bien précisé, je ne suis aucunement contre l'action collective de groupes minoritaires, ni contre une forme de rattrapage contre les discriminations à l'encontre de populations discriminées, que ce soit par racisme, par origine sociale, par âge ou par sexe. Il est grand temps de mettre fin au décalage entre les beaux discours universalistes et une pratique concrète qui laisse à désirer. Qu'il y ait des luttes en faveur de cette exigence de justice me paraît hautement souhaitable et nécessaire.
Si le CRAN s'était basé sur autre chose que la couleur de peau, si ses leaders avaient été élus sur une vraie base représentative, si ses statuts dénotaient une volonté de transparence et pas de noyautage, si sa rhétorique ne dégoulinait pas de "nounisme" confiscatoire ("nous les noirs", comme si tous les noirs étaient obligés de se sentir représentés par tel entrepreneur identitaire), alors je supporterais le CRAN, et avec enthousiasme.
Hélas on est loin d'en être là, et en attendant une réforme peut-être à venir (et si le comité scientifique servait à cela, au moins?), il me semble très inconséquent de soutenir un mouvement aussi équivoque.... même s'il fait tourner les rotatives des éditeurs.
>Il ne suffit pas que Patrick Lozès se gargarise d'un langage >républicain pour être un républicain convaincu.
Effectivement, mais il est un républicain convaincu. Il l'était avant de créer le CRAN. Il est au conseil national de l'UDF. C'est un proche de François Bayrou (le CRAN étant dirigé, par ailleurs, par un collège pluraliste, avec des élus de toutes tendances - PS, UMP, PC, UDF, Verts... à l'exception du FN). Il s'est constamment opposé au racisme, et au communautarisme. Vous faites erreur. Vraiment.
>Jouer sur un "nous" communautaire en faveur d'une >catégorie de couleur de peau est une dérive >dangereuse du point de vue du modèle de citoyenneté >dont la France est porteuse.
Les Noirs s'unissent sur la base de la couleur de leur peau parce qu'ils sont discriminés à cause de la couleur de leur peau. La couleur de la peau est une simple donnée sociale, comme la couleur des cheveux ou la taille des pieds. Où est le problème ? Lozès explique très bien dans son livre que les races n'existent pas, pas plus que les "ethnies", d'ailleurs. En revanche, la couleur de la peau existe, elle, puisqu'elle est la base des discriminations subies par des millions de nos concitoyens. On ne peut pas faire comme si les discriminations n'existaient pas !
>Mais j'ai un avis différent, celui déjà défendu par Martin >Luther King, à savoir que les "blacks" n'ont pas à être >reconnus comme "blacks" (avec des droits spécifiques, >des quotas, etc...), mais comme des êtres humains, des >citoyens comme les autres, avec les mêmes droits.
C'est exactement ce que dit Lozès : les Noirs veulent vivre comme les autres Français, dans les mêmes appartements que les autres Français, dans les mêmes entreprises... Il l'a écrit tout à fait clairement. Seulement, on en est encore loin. Et pour arriver à ça, il faut adopter temporairement - le temps de remédier à ces graves situations d'inégalité - des mesures d'action affirmative. Temporairement.
>Il est grand temps de mettre fin au décalage entre les >beaux discours universalistes et une pratique concrète >qui laisse à désirer.
D'accord. Mais là c'est à nous de vous interpeller : comment ? Vous proposez quoi ? La stratégie de SOS Racisme a échoué. En plus de vingt ans d'existence, les discriminations n'ont cessé d'augmenter. On ne peut pas demander aux Noirs d'attendre que les Français cessent d'être racistes. C'est comme attendre que la pluie cesse de tomber...
Ce mouvement n'a rien d'équivoque. Il se contente d'innover dans un domaine où on s'est résigné, depuis longtemps, à laisser les choses aller comme elles vont...
Le CRAN, grâce au baromètre qu'il a réalisé avec la TNS Sofrès, a démontré que 61 % des Noirs de France avaient été victimes de discriminations au cours des 12 derniers mois. Doit-on laisser cela sans réponse ?
Par ailleurs, pour votre information, les éditions Danger Public sont dirigées par des blancs... Autant pour le "communautarisme"... Notre dernier livre : "Lettre à un enfant d'immigré", de Nadir Dendoune, qui est une réponse d'un enfant des cités à la politique ultra sécuritaire de Nicolas Sarkozy. Nous vous le recommandons.
Les éditions Danger Public
2e réponse aux éditions Danger public
1/ Je ne vous ai pas mis en cause, en tant qu'éditeur, pour 'communautarisme'. Et le fait que vous soyiez blanc, noir ou autre m'indiffère, inutile de vous coller une étiquette.
2/ Que Patrick Lozès soit UDF n'en fait pas automatiquement un grand républicain. Il y a d'authentiques républicains dans quasiment toutes les familles politiques, tout comme il y a dans toutes les familles politiques des individus qui prennent des libertés avec les principes républicains.
Un grand principe républicain est de respecter le mandat populaire et le principe de représentativité. Dans la rhétorique politique (au sens large), nul ne saurait dire "nous, les Picards", ou "nous, les noirs", s'il n'est pas élu par ces derniers. Patrick Lozès n'a aucun mandat électif de la part des 'noirs de France' pour pouvoir se permettre de titrer son livre "Nous, les noirs de France". Il peut dire "Nous, les associations du CRAN" (petite minorité des "associations noires"), pas plus.
Qu'il se permette de parler au nom de tous les noirs de France prouve (au-delà de son étiquette politique ou de son discours) qu'il prend des libertés avec les principes de la République.
3/ Pour mille raisons liées à l'histoire, et je ne vous apprend rien, la couleur de peau est plus signifiante que la taille des pieds....
Je vous suis tout à fait quand vous soulignez que si c'est la couleur de peau qui discrimine, il faut quelque part le mentionner pour faire évoluer les choses.
100% d'accord sur ce point, c'est pourquoi je soutiens l'idée de statistiques ethniques (à condition de bien les utiliser). Mais je ne suis plus d'accord quand on fait de la couleur de peau la base exclusive du lobbie identitaire, car c'est ouvrir à toutes les surenchères (CRAN contre CRAB, etc.).
4/ Sur la parenté de pensée de Luther King et de Lozès, j'aimerais être convaincu par vos arguments, mais à la lumière de ce que j'ai lu de Lozès, et surtout de Tin, j'en doute... J'espère que l'avenir vous donnera raison, car un Patrick Lozès dans l'axe de Martin Luther King aurait tout mon soutien, ce qui n'est pas, à ce jour, le cas.
5/ Que proposer pour réduire le décalage entre discours et pratique?
-Je serais moins sévère que vous sur SOS Racisme. Le testing me paraît par exemple très utile, car il montre très concrètement les 'discriminations négatives'. Le problème n'est pas l'insuffisance de SOS Racisme, mais l'insuffisance de la justice pour condamner les nombreux cas de discrimination mis en lumière grâce au testing.
-En disciple de la "Deuxième gauche", je crois par ailleurs que plus on multipliera les procédures de contrôle et de vérification par la base, plus la société civile sera puissante, moins les archaïsmes discriminatoires tiendront, car pour subsister, ces derniers ont souvent besoin du secret et de l'ombre.
-Enfin, et quitte à vous surprendre, je ne suis pas totalement fermé à l'idée d'une 'affirmative action' temporaire, même si je m'en méfie, mais à charge que cette action affirmative s'effectue sur la base d'un axe républicain et universaliste clair (c'est-à-dire qu'on n'évolue pas vers un modèle qui se réduise à un aggrégat de communautés qui négocient chacune leur part de gâteau). Or, cette base ne me paraît AUCUNEMENT garantie dans l'état actuel du CRAN, en tout cas quand on lit Tin, bras droit de Lozès pour qui l'universalisme républicain est une "coquille vide".
6/ Attention à l'interprétation des statistiques. Si 61% des noirs de France (ou plus exactement, des noirs sondés par la SOFRES) ont été victimes de discriminations ces 12 derniers mois, rien n'indique que seule la couleur de peau était en cause dans leur discrimination: il y a aussi le statut social (facteur majeur), l'origine géographique, la religion, le sexe (sur ces 61% de noirs, 50% sont des femmes, dont on sait quque beaucoup souffrent toujours de discriminations subtiles, ne serait-ce qu'en terme de niveau de salaire). En faisant croire, en clamant sur les toits et dans la presse qu'à ce sentiment de discrimination correspond d'abord (voire exclusivement) la pigmentation noire de la peau, on tord la réalité, et on surdétermine la couleur de peau au détriment d'une approche globale de TOUTES les discriminations, tâche qu'aucun lobbie communautaire ne mènera à bien car c'est le travail de la République.
7/ Enfin je termine en vous remerciant de cultiver ce débat, d'autant que j'ai le sentiment que, si nous différons sur la méthode, l'objectif reste le même, à savoir la réduction de discriminations insupportables. A nous tous d'essayer de ne pas gâcher cette belle cause.
j'ai oublié de dire qu'il y a un sondage de l'institut csa qui prouve le rejet du cran par les antillais et aussi la manière dont les français blanc perçoivent antillais et africains.
http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article2954 , http://www.cm98.org/index.php?option=com_content&task=view&id=202&Itemid=103
Je prédis la non publication de ce sondage dans la presse nationale.
On ne peut pas faire un parallèle entre les états-unis et les dom-tom ce n'est pas du tout pareil même aux états-unis la communauté créole http://creoleneworleans.typepad.com/creole_folks/ ce démarque de ceux qu'ils appellent les noirs américains.
Les africains naturalisé français veulent dissoudre l’outremer malgré l’opposition des populations ultramarines.
Sachant que parmi les ascendants de ma mère il y a des Arawaks ( l’emplacement de la maison est encore là sur notre terre ) et mon père est métisse mi-blanc mi-noire ( en rapport avec l’esclavage ) quelle est ma race ? en plus le créole de guadeloupe est également une langue métisse constitués de mots ayant les mêmes origines que mes ancêtres humains tout comme la musique et la cuisine guadeloupéenne.
PS : La créolité a été créée par raphael confiant qui a refusé de recevoir patrick lozes http://www.collectifdom.com/spip.php?article657 , pourtant ce dernier ce présente comme étant celui par lequel il faudrait passer pour prendre des initiatives pour cette idéologie.
Je ne suis pas vraiment admirateur de Claude Ribbe mais sur le Cran il a raison. On critique le Crif ok mais il faut aussi le faire pour le Cran. Je pense que même si la lutte contre les discriminations avec un aspect communautaire peut être légitime pour des militants associatifs sincères, républicains et combatifs néanmoins quand certains pour des intérêts personnels et par opportunisme font de la
surenchère aux communautarismes, c'est insupportable et ça fait jeu du Fn aussi.