George W. Bush Jr, toujours officiellement président des Etats-Unis, s'est livré ces dernières semaines à quelques confidences révélatrices sur ses convictions religieuses.
Mais comme elles ne cadrent pas avec les caricatures outrancières que bon nombre de Français, y compris très informés, ont confondues avec le Bush réel, ces confidences ont rencontré, ici, un silence et une indifférence... assourdissants.
L'idée reçue, archi fausse, qui a prévalu en France, malgré quelques tentatives de clarification (dont mon livre Dieu bénisse l'Amérique) est la suivante: George W. Bush serait un fanatique religieux, du type fondamentaliste, qui a conduit la guerre en Irak pour des motifs chrétiens.
La réalité est pourtant très éloignée. On sait déjà depuis longtemps que la guerre contre l'Irak a été largement décidée par les néoconservateurs (pas du tout théocrates ni fondamentalistes).
Mais si besoin était, on a maintenant la confirmation, par George W. Bush Jr. lui-même, qu'il n'a rien d'un fanatique religieux au sens où on l'entend habituellement.
N'en déplaise aux adeptes des racourcis malhonnêtes, il n'est pas, et n'a jamais été, l'Ahmadinejad des Américains.
On peut aller plus loin, et se demander s'il est juste de le classer parmi les protestants évangéliques, vaste courant fervent et bibliciste qui modèle aujourd'hui environ un tiers du christianisme états-unien.
Jugez plutôt:
Une foi différente, mais des "valeurs communes" avec le roi saoudien
Dans un entretien rapporté le 13 novembre 2008 par l'Associated Press, il souligne devant le roi Abdallah d'Arabie Saoudite que si sa foi est différente de celle du roi saoudien, "leur foi aboutissent à des valeurs communes".
Imagine-t-on un instant un évangélique pur et dur, un fondamentaliste protestant, un croisé, déclarer une chose pareille en s'adressant à un chef wahhabite?
Dans un autre entretien rapporté le 9 décembre 2008 par l'Associated Press, George W. Bush souligne qu'il n'est pas "littéraliste" quand il lit la Bible. Il défend par ailleurs la théorie de l'Evolution, pas incompatible d'après lui avec l'idée d'un Dieu créateur.
A la question si la Bible est littéralement vraie (question à laquelle tous les fondamentalistes états-uniens répondraient "oui"), il répond: "probablement pas", à l'inverse d'une majorité d'Américains si l'on en croit nombre de sondages (cliquer ici ou là)!
Pas une croisade religieuse, une décision politique
Plus significatif encore, il souligne qu'il prie le même Dieu que les autres religions (conviction contraire aux confessions de foi évangéliques), affirme qu'il ne peut dire qu'il a été choisi par Dieu comme président, et termine en affirmant que la guerre en Irak n'a pas été dictée par ses convictions religieuses, mais des considérations strictement politiques.
Il est certes nécessaire de prendre ces déclarations avec recul.
Bush Jr ne déformerait-il pas la vérité? Certes.
Mais le CONTEXTE de ces remarques invite à plaider pour la sincérité.
Bush n'a plus rien à perdre. Il est en phase de retour sur lui-même, au terme de huit ans de présidence, pas en phase de dissimulation tactique.
Mon analyse est la suivante, dans la ligne de ce que j'écrivais déjà en 2004: George W. Bush Jr. n'a rien d'un évangélique fervent, largement battu sur ce plan par un Jimmy Carter, voire même (ne riez pas!) par Bill Clinton.
Il est certes, selon toute probabilité, un chrétien, un croyant... Mais certainement pas ce fondamentaliste croisé pur et dur que nos fantasmes français ont cru voir à la Maison Blanche.
S'il y a de la croyance aveugle, conquérante et impériale, chez le président Bush, elle est sans doute davantage à chercher du côté de la politique que du côté du christianisme.
Commentaires
Bonsoir
Voilà ce qui devait être dit !!!
Sincèrement
Jean
ouf!vous êtes revenu à votre blog,cela me manquait! bonne année 2009 à vous et votre famille et merci pour vos articles si intéressants.
Merci pour cet article intéressant. Le moins qu'on puisse dire c'est que la plupart des médias français ne sont pas objectifs, notamment pour ce qui touche aux évangéliques et à Israël. Mais il y a bien longtemps, Soljenitsyne disait déjà que la liberté de presse existe bien... pour les journalistes, mais pas pour le public. Les contre-vérités assénées quotidiennement sont légions.
Je ne saurais que trop conseiller à chacun de diversifier ses sources d'informations (médias étrangers, journaux ayant moins de notoriété) et Internet nous en offre de nombreuses possibilités.
Avec mes meilleurs voeux pour 2009, et toujours de bons articles sur ce blog !
Merci pour cet article...
Ces remarques récentes de Bush ont fait dire à Richard Land, l'un des ténor (relativement modéré) de la droite évangélique que si Bush est encore le "commandant en chef" il n'est pas le "théologien en chef" (http://erlc.com/article/land-bush-not-theologian-in-chief).
C'est là l'une des rares fois où il se permet une critique de Bush dont il a toujours été un très fervent partisan allant jusqu'à offrir une justification théologique à la guerre préventive au moment de l'invasion en Irak (http://erlc.com/topics/C35/)...
La foi de George W. Bush...
Un verset m'interpelle:
Galates 5:22
Le fruit de l'Esprit est: amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur, maîtrise de soi.
Selon la Bible, tout chrétien possède le fruit de l'Esprit.
Ma question sur ce sujet est donc la suivante: Mr Bush se reconnait-il dans le fruit de l'Esprit?
M. Fath,
Je suis un fidèle lecteur de votre blog depuis ses débuts, je trouve vos articles très pertinents et les apprécie beaucoup, surtout pour votre objectivité. Habituellement je ne laisse pas de commentaires, cependant cette fois-ci je me permets de réagir, n'étant pas d'accord avec ce que vous dites.
Vous affirmez qu'un évangélique ne dirait jamais avoir de "valeurs communes" avec une autre religion. Mais, moi qui suis moi-même évangélique, je trouve effectivement, pour avoir lu le Coran en entier, que si l'on prend UNIQUEMENT l'enseignement moral, en faisant abstraction de tout le reste, les différences sont effectivement minimes. Je suis donc entièrement d'accord avec Bush lorsqu'il dit cela. Par ailleurs, vous remarquerez que peu de personnes dans le monde ont des valeurs aussi proches des valeurs chrétiennes habituelles, sur les questions comme l'avortement, l'homosexualité, la famille, etc., que les musulmans fondamentalistes.
Ensuite, vous citez Bush qui dit qu'il pense que toutes les religions du monde prient le même Dieu, affirmation que vous jugez incompatible avec la foi évangélique qui, d'après Jésus qui affirme dans l'Evangile qu'il est "la Vérité, le Chemin et la Vie", voient en la foi en Jésus-Christ crucifié la seule porte du salut. Mais, logiquement, l'un de ces deux postulats n'exclut pas l'autre. Il est tout à fait possible que tous les hommes aient le même Dieu, et que Jésus soit le seul qui mène à lui. Et en spécialiste de la question que vous êtes, vous n'êtes sans doute pas sans savoir que c'est une théorie défendue par un nombre de plus en plus grand de théologiens évangéliques, notamment Américains. Cela ne change strictement rien au fait que Christ, par sa mort sur la croix, est la seule porte par laquelle les hommes peuvent être sauvés. Pour ma part, si vous désirez connaître mon opinion, je ne pense pas que toutes les religions du monde aient au fond le même Dieu, mais cette possibilité n'est en rien contraire aux Evangiles, lesquels ne nous donnant pas de réponse sur cette question, ni dans un sens ni dans l'autre. Et par ailleurs les découvertes de l'ethnologie moderne, qui montrent que tous les peuples primitifs ont à l'origine un seul Dieu, Créateur, qui par la suite s'est reproduit pour créer d'autres dieux, semble renforcer cette hypothèse.
M. Bush affirme lire la Bible en entier tous les ans, suivant un plan de lecture de la Bible en un an bien connu. J'ignore si c'est vrai ou non, mais si c'est vrai cela montre qu'il attache de l'importance à la Parole de Dieu sur le plan personnel. Vous m'avez néanmoins appris qu'il n'était pas littéraliste, je pensais qu'il l'était ; mais même là un groupe, certes minoritaire mais existant, d'évangéliques Américains, penche vers une lecture métaphorique des textes bibliques, notamment pour le récit de la Création. Et de plus, j'ai lu en détail les documents en anglais que vous nous proposez en liens, et je n'y ai rien vu qui dise que Bush croit en l'évolution : il dit seulement qu'il pense qu'on peut concilier la théorie de l'évolution avec l'existence d'un Dieu créateur, sans préciser que c'est ce qu'il pense lui-même.
En définitive, j'ignore si Bush est réellement un évangélique convaincu. Je constate seulement que sa politique, notamment sa politique étrangère, est en total désaccord avec la Bible, ce qui me donne personnellement de gros doutes au sujet de sa foi. Mais franchement, je trouve votre analyse ici beaucoup trop orientée. Ce qui me permet de vous demander, question que je me posais déjà quelque peu à la lecture de vos articles sur Obama et McCain : n'avez-vous pas parfois tendance à orienter vos analyses sociologiques en fonction de vos propres convictions politiques ?
Cordialement,
un ficèle lecteur
Bonjour «fidèle lecteur»
Et merci pour votre contribution.
Je commence par préciser un point: en aucun cas mon évaluation de l’identité religieuse du président Bush n’a de lien avec mes convictions politiques. Cette évaluation est strictement basée sur des faits, des sources, que j’essaie de rassembler et de citer, par-delà les rideaux de fumée des médias…. Et parfois aussi de l’entourage du président Bush.
Je vous donne raison sur un point : si le rythme de lecture biblique de G.W. Bush est bien celui qu’on dit, à savoir lire la Bible en un an, c’est un point fort en faveur de son identification comme évangélique. Du reste, je n’exclus pas qu’il soit protestant évangélique.
Simplement, les éléments que j’avance m’invitent à penser qu’en tous les cas, ce n’est pas un évangélique strict, encore moins un fondamentaliste. Relisez- moi : mon propos est essentiellement de dire que Bush n’est pas un fondamentaliste, ni un évangélique ‘hardcore’, contrairement au portrait qu’on a fait de lui. Et je maintiens cette affirmation.
Vous me dites que beaucoup d’évangéliques sont prêts à affirmer des valeurs communes avec l’islam wahhabite: vous avez probablement raison, quoique je serais moins affirmatif que vous en ce qui concerne les millions d’évangéliques du Sud des Etats-Unis qui votèrent, il n’y a pas si longtemps, pour Jerry Falwell et Pat Robertson (qui identifient l’islam à Satan). Mais ces évangéliques là, que je qualifierai d’ouverts et de modérés, ne sont pas des évangéliques conservateurs et fondamentalistes. Ces derniers sont dans une logique de combat contre l’islam, pas de convergence. Or, c’est à eux qu’on a identifié Bush, si bien qu’il est juste que je souligne le décalage entre l’image et la réalité.
Vous me dites que beaucoup d’évangéliques pensent que des religions différentes prient le même Dieu. C’est votre droit d’avoir cette conviction, et c’est juste aussi de souligner que plusieurs millions d’évangéliques américains seraient d’accord avec cela. Mais là encore, les évangéliques ‘purs et durs’, et les fondamentalistes, refusent énergiquement cette idée. Comme c’est à eux qu’on a comparé Bush, il est normal, là encore, que je souligne le décalage : Bush n’est en aucun cas un fondamentaliste, ni même un évangélique conservateur comme Richard Land (Convention Baptiste du Sud), qui s’est d’ailleurs désolidarisé des récentes affirmations religieuses du président.
En résumé, veuillez s’il vous plait me relire : vous constaterez que je n’ai jamais écrit nulle part que (je vous cite) « qu’un évangélique ne dirait jamais avoir de "valeurs communes" avec une autre religion ». Ce que j’écris, c’est que les fondamentalistes et les évangéliques conservateurs les plus intransigeants (ceux que je définis par la formule «purs et durs») ne formuleraient pas ce genre d’affirmation conciliante face à un dignitaire musulman wahhabite. Ce qui ne veut pas dire que des millions d’évangéliques plus modérés, de Rick Warren à Brian Mac Laren ou Billy Graham, ne seraient pas prêts à dire ces choses…. Mais ce n’est pas à ces derniers que les médias ont comparé Bush, mais plutôt à Falwell, Robertson et les plus fondamentalistes des évangéliques des Etats-Unis, d’où mon correctif.
Merci en tout cas pour vos remarques qui permettent de préciser certaines choses, et bonne année!
Un évangélique ne se définit-il pas, entre autres par l'appel à annoncer l'Evangile à tous les hommes, d'après l'ordre de Jésus : "Allez, faites de toutes les nations des disciples" ? Tous les hommes, logiquement ça inclut les musulmans, je ne vois pas pourquoi on ferait une exception pour eux. Un véritable évangélique à le devoir d'aimer les musulmans, et de leur témoigner de Jésus-Christ, et d'ailleurs dans les faits on constate que des musulmans viennent à Jésus, en Occident comme dans leur propre pays. Donc, j'irais presque jusqu'à me demander si ces gens que vous caractérisez par la formule "purs et durs", qui haïssent l'islam et l'assimilent à Satan, méritent encore réellement l'appellation d'évangéliques.
Une dernière question : comment comprenez-vous la rhétorique si clairement religieuse de Bush sur "l'Axe du Mal" ? Formule d'ailleurs empruntée directement à un autre Président Américain, le tout premier néo-conservateur : Ronald Reagan, qui parlait déjà à son époque de "l'Empire du Mal" pour désigner l'URSS ? J'ignore quels mots exactement ces deux hommes utilisent en anglais, n'ayant jamais lu cette formule en anglais mais je suppose que le mot "Mal" est la traduction de "Evil", un terme avec un sens très nettement religieux. Tactique politique pour plaire aux fondamentalistes ? Personnellement c'est ce que je pense, pour Reagan comme pour Bush, je ne considère aucun de ces deux hommes comme mon frère en Christ. Vous, que pensez-vous de ces formules ?
Réponse 2 au "fidèle lecteur"
1/ Je crois que du point de vue des évangéliques "purs et durs", ces derniers diraient faire la distinction entre islam (qu'ils dénoncent) et musulmans (qu'ils disent aimer). Cela ne veut pas dire qu'il respectent toujours cette distinction, mais enfin, ils déclarent vouloir la faire, ce qui n'autorise pas à leur refuser l'étiquette d'évangélique.
2/ Sur l'Axe du Mal, oui, c'est une traduction du terme Evil, et oui, vous avez raison, il y a une connotation religieuse. Oui encore, je crois qu'il y a là une tactique pour plaire aux fondamentalistes, mais pas seulement. Il y a aussi un côté "cow boy", manichéen (blanc/noir, bien/mal, bon/méchant) qui renvoie à la culture du Western et des pionniers.... qui n'a effectivement pas grand chose à voir avec le Sermon sur la Montagne...
Merci pour l'article + les réactions + les réponses de Sébastien auxquelles je souscris. Je dirais juste que Bush lui-même, en flattant les évangéliques dont il n'est pas, a entretenu l'amalgame dans lequel les média français, ignorantissimes en matière religieuse, se sont engouffrés. Moi non plus, je ne considère pas Bush comme un frère en Christ. Curieuse Amérique, prête à destituer un président pour une histoire de secrétaire, et qui met 8 ans à comprendre qu'on n'est peut-être pas un vrai chrétien quand on conduit des guerres à la limite du personnel (il faut venger papa) et de justifier l'usage de la torture. Quel bilan! Et quel désastre pour le témoignage chrétien!