Il existe en France une solide tradition d'anti-américanisme, parfois superposée à un anti-protestantisme séculaire, prompte à brocarder le "puritanisme" d'une "Amérique qui fait peur".
L'affaire Polanski, consécutive à l'arrestation de ce dernier en Suisse le 27 septembre 2009 suite au viol d'une mineure de 13 ans perpétré en 1977, vient nous redonner illustration de cette veine anti-américaine.
Face aux réactions corporatistes et démagogiques de Frédéric Mitterrand, nouveau Ministre de la Culture, je vous recommande la mise au point de Maître Eolas, avocat au barreau de Paris.
Publié dans Le Monde du 29 septembre 2009, son entretien remet les choses en perspective. Il rappelle qu'il ne s'agit pas de nier l'immense artiste qu'est indéniablement le cinéaste franco-polonais, mais de rappeler que la loi est la même pour tous, et qu'un acte pédophile commis par un cinéaste ou un chômeur reste un crime imprescriptible, et que justice doit être faite.
Corporatisme
Je ne résiste pas à vous en proposer deux courts extraits. Le premier dénonce le corporatisme élitiste d'une partie des milieux culturels français:
"On attaque un des leurs, les artistes le défendent: c'est du corporatisme. À l'inverse, lors des débats sur Hadopi, certains artistes réclamaient une sévérité impitoyable contre les téléchargeurs, quitte à bafouer un droit fondamental. Cela creuse le divorce entre les artistes et l'opinion publique."
Le second extrait brocarde l'anti-américanisme démago du Ministre de la Culture:
"Lorsqu'il parle d'une "certaine Amérique qui fait peur (...) qui vient de nous présenter son visage", c'est un énorme cliché. Sur cinq chefs d'accusation, la justice américaine n'en a gardé qu'un seul après un arrangement et une indemnisation de la victime. Ce n'est pas de l'acharnement, au contraire la justice américaine est attachée à l'égalité et ne regarde pas la qualité de l'accusé."
La Suisse et les Etats-Unis adoptent, en la circonstance, une attitude bien plus républicaine (principe d'égalité devant la loi, pas de passe-droit aux privilégiés) que celle de la France, restée beaucoup plus aristocrate (société de privilèges) qu'elle ne veut bien l'admettre!
Mais c'est tellement facile, pour défendre un pair, de tourner encore et encore un doigt accusateur vers la puritaine Amérique...
Comme l'écrivait déjà il y a quelques années Philippe Roger dans un livre remarquable, à lire et relire: "On peut donc prédire encore de beaux jours à l'antiaméricanisme français" (L'ennemi américain, ed. de poche 2002, page 583).... si l'on en juge en tout cas à la réaction pour le moins déplacée de Frédéric Mitterrand.
Je vous invite à lire l'ensemble de l'entretien de Maître Eolas, en cliquant sur ce lien.
Commentaires
Merci de vous mouiller dans cet article. Je suis entièrement d'accord pour dire que le droit est le même pour tous (ou devrait l'être). Malheureusement "l'élite" bien pensante, dont le ministre de la culture n'est pas de cet avis.
Ce n'est pas l'Amérique qui me fait peur, mais l'avenir de notre culture. Nous avions déjà comme ministre Jack Lang dont je ne pense pas beaucoup de bien, mais je crois qu'avec Frédéric Mitterrand, nous atteignons le fond. J'ai eu l'occasion de lire dans un article de presse des extraits de son livre "La mauvaise vie" dans lequel il révèle son côté obscur. Partant de là, je comprends bien pourquoi il prend la défense de quelqu'un qui est poursuivi pour "une histoire de moeurs". Qui se ressemble s'assemble !
Sur son billet, Maitre Eolas réfute la qualification de pédophilie. C'est sur le commentaire n°29 (ses commentaires sont en rouge):
http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/09/29/Quelques-mots-sur-l-affaire-Polanski#c108285
« Non, ce n’est pas un pédophile et cette affaire n’a strictement rien à voir avec la pédophilie. 13 ans, pour un pédophile, c’est trop vieux. »
Excellent article pour remettre les choses à leur place.
Toutefois je suis très surpris de trouver une photo d'avocat à côté de votre paragraphe de présentation de Maître Eolas ? Est-ce une photo de lui ? Si c'est le cas, et je suppose alors que vous devez le connaître vu le soin qu'il prend à ne jamais dévoiler son visage à ses lecteurs, ne vaudrait-il mieux pas retirer cette photo, dans son intérêt ? Si ce n'est pas lui, pourquoi mettre cette photo ici ?
La photo que vous publiez n'est pas celle de maitre éolas (vous n'en trouverez pas sur internet, il y veille). La personne en photo est Laurent Gloaguen, blogueur (blog embruns http://embruns.net/ )
Merci pour l'info concernant la photo, que j'ai bien-sûr retirée, après erreur de ma part.
Bonsoir
Oui le droit est le même pour tous...
Et de voir que notre république qui garde des réflexes d'aristocratie, est juste...
Mais la réaction de certaines de nos autorités se comprend mieux si nous connaissons un peu de leur propre passé !
enfin, me semble-t-il !
sincèrement
Jean
Regardez qui a défendu Polanski (en se fichant pas mal de la victime de 13 ans et des conséquences que ça a eu sur sa vie):
Frédéric Mitterrand et Kouchner.
Moi j'appelle cela la gauche caviard qui est allée à la soupe.
Pas joli joli! Et le droit des femmes alors! Une adolescente violée, ça ne compte pas?
Monsieur Fath, l'affaire Mitterrand n'a pas dû vous échapper. Vous en pensez quoi? Qu'est-ce que cela révèle sur notre pays et ses moeurs?
Sur l'affaire Frédéric Mitterrand, mon avis de citoyen est le suivant: l'attitude de Benoît Hamon est, dans le fond, bien plus immorale que celle de Frédéric Mitterrand.
Dans son livre de 2005, Frédéric Mitterrand ne cache rien de ses turpitudes et tourments, liés à une éducation répressive et à une sexualité difficile. On peut en penser ce que l'on veut, y compris que recourir à la sexualité tarifée est déplorable.
Il reste que:
1/ Frédéric Mitterrand est honnête, il se dévoile sans se donner du tout le beau rôle.
2/ Frédéric Mitterrand n'a jamais dit que ses aventures tarifées étaient moralement justifiées. Il me semble qu'il écrit même plutôt le contraire.
3/ Les "jeunes garçons" dont il parle sont des étudiants (plus de 18 ans), pas des enfants.
Face à cela, vous avez un apparatchik arriviste, Benoît Hamon, qui monte au créneau pour effectuer de glauques amalgames, laissant entendre que Frédéric Mitterrand ferait l'apologie du tourisme sexuel, ce qui est faux.
La manoeuvre de Hamon, qui n'a de toute évidence pas lu le livre en question (daté de 2005) est fort peu reluisante, digne, en effet, des pratiques dénonciatrices du Front National.
Elle en dit long sur la vacuité de l'argumentation du PS, réduit à surfer sur la démagogie la plus primaire.
Ceci dit, je ne suis pas fan de Frédéric Mitterrand, qui aurait bien mieux fait de se taire au moment de l'affaire Polanski. Mais comparé à Hamon, Mitterrand affiche une stature morale supérieure.
Je crois que vous avez raison en soulignant l'honnêteté de Frédéric Mitterand sur lui-même, et en jugeant cette honnêteté moralement supérieure à l'hypocrisie éventuelle de ceux qui veulent le faire condamner.
Cependant je crois aussi que s'arrêter là dans l'examen de conscience serait très défectueux. Un moraliste du 17 ième a écrit : "L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu". Autrement dit, l'hypocrite reconnaît encore le bien en tant que bien et le mal en tant que mal. Et là il est moralement supérieur à celui qui se contenterait de constater ses propres "turpitudes", puis de les excuser, ou pire, de s'en vanter.
Je ne dis pas que cela soit le cas de Mr. Mitterand. Mais la conséquence d'une amnistie médiatique, sans qu'il y ait eu de sa part un regret sincère de la faute, sans ce que les moralistes chrétiens appellent la repentance, ne peut qu'aboutir à un progrès du mal, tant dans sa conscience que dans celle du public.
Je suis toujours étonné quand des intellectuels s'aventurent à parler de "morale" sans mentionner aucun cadre de référence. Par quels critères jugez-vous donc ce qui est moral et ce qui l'est moins ? Par les sentiments citoyens ? par les vertus républicaines ? c'est flou et changeant. Le chrétien est quant à lui bien plus cohérent, en rappelant que les fondements de la morale sont déjà écrits et immuables :
Ainsi si vous relisez Romains ch. 1, vous trouverez bien cette fatalité morale effrayante que le mal toléré se transforme en mal approuvé :
"C'est pourquoi Dieu les a livrés à des passions infâmes... et, bien qu'ils connaissent le jugement de Dieu, déclarant dignes de mort ceux qui commettent de telles choses, non seulement ils les font, mais ils approuvent ceux qui les font."
Romains ch 1 versets 26 à 32.
A. C.
@ Anonymous Coward:
C'est bien, vous avez fait votre devoir de "bon chrétien": condamner "moralement" F. Miterrrand.
Vous avez la conscience plus tranquille, Dieu est-il satisfait ?
Ah, vous avez oublié de mentionner la destruction de Sodome et Gomorre, et les flammes éternelles qui attendent les "impies".
Je me demande dans quelle société nous vivrions si le pouvoir était aux mains de certains fondamentalistes chrétiens...
Peut-être y pendrait-on les homos haut et court comme en République Islamique d'Iran...
""Tu es sans excuse, homme, toi qui juges, QUEL QUE TU SOIS: oui, en jugeant autrui, tu te condamnes toi-même, puisque TU EN FAIS AUTANT, toi qui juges." (Lettre aux Romains chapitre 1)
Comment comprenez-vous ce passage de l'épître aux Romains, François ?
Pour moi ce "qui que ce soit qui juge", n'est ni un hypocrite, ni un pervers scandaleux, mais un propre juste. Il s'abuse lui-même en se croyant irréprochable dans son observance extérieure de la loi, tandis qu'en réalité il est tout aussi pécheur que ceux qu'il blâme ; puisque la loi demande une obéissance de coeur à Dieu.
Il me semble que Paul n'enseigne pas ici que Dieu sera dans l'incapacité de juger, mais qu'au contraire il juge tout le monde, et que tous sont trouvés coupables : l'Hypocrite (PS ?), le Pervers (FM ? RP?), le Moraliste (Couard Anonyme Bon Chrétien), et l'Auguste Commentateur, qui a tout appris et veut tout oublier (vous).
De l'universalité de la condamnation, résulte l'unicité du moyen de salut, le pardon gratuit en Jésus-Christ, proposé à tous. N'est ce pas plus beau, la Bible, que tous nos snobismes blogosphériques. Et plus vrai aussi, n'en doutez pas.
A. C.