C'est bien connu: changer de nom, pour une union d'Eglises ou une Faculté de théologie, n'est pas forcément bon signe, contrairement aux apparences. C'est souvent l'indicateur d'une crise larvée, le symptôme d'un besoin de renouvellement.
Est-ce ce désir de tourner la page qui pousse aujourd'hui la plus puissante dénomination protestante d'Amérique à envisager de changer de nom?
Force est de constater en tout cas qu'un tabou est tombé: la très puissante Southern Baptist Convention, première confession protestante des Etats-Unis avec plus de 16 millions de baptisés par immersion, colosse missionnaire, s'interroge sur son nom.
Née en 1845 sur la base du désir d'embrasser la cause esclavagiste du Sud, la SBC a le blues. Après un virage conservateur et un renouveau démocratique, au cours des années 1970-80, une rigidification appauvrissante a frappé la SBC d'atonie.
Des forces vives sont parties vers d'autres horizons baptistes (c'est le cas des célèbres Bill Clinton, Al Gore et Jimmy Carter, mais aussi de centaines de milliers d'autres moins connus), après des débats tendus et coûteux. L'image de la dénomination s'est dégradée (le soutien fort apporté à la première administration Bush Jr. n'a pas amélioré les choses), et la démographie interne stagne. Voire baisse!
Le moral est en berne. Oui, le géant baptiste a le blues, et pas seulement parce que le blues est une musique vernaculaire du Sud. Les "batailles" internes, retracées par la sociologue Nancy Ammerman, ont induit un "changement".... aux fruits amers? La Convention Baptiste du Sud cherche son cap, hésite, doute (un comble pour une dénomination qui a érigé le conformisme conquérant en règle d'or).
Depuis que Nancy Ammerman a pointé dans un second grand livre, en 1993 (cliquer ci-contre), les nouveaux scénarios à l'oeuvre au sein du géant baptiste après son virage conservateur, une chose est sûre: l'abscès de la crise d'identité n'est toujours pas résorbé.
C'est sans doute dans ce contexte qu'il faut situer le débat passionnel qui vient de commencer, aux Etats-Unis, autour de l'hypothèse d'un changement de nom. Derrière les propos lénifiants des responsables sur le souci de dépasser le "provincialisme" et d'universaliser la mission de la SBC (ce qui, dans les faits, a déjà largement été réalisé, la SBC constituant une énorme machine missionnaire), on peut faire l'hypothèse d'un malaise qui ne dit pas son nom....
Et qui se cristallise, justement, sur un nom qui devient lourd à porter.
Commentaires
Comme vous dites "Née en 1845 sur la base du désir d'embrasser la cause esclavagiste du Sud"... même si c'est compliqué, même s'ils ont fait amende honorable (et seulement contre le racisme, semble-t-il, et non contre l'esclavagisme, mais je me trompe peut être ? ) (mais vu le niveau de racisme atteint, c'est déjà pas mal), c'est quand même un trés lourd passé.
Oui, c'est vrai, il y a eu Martin Luther King, ouf.
Qu'en pensez-vous ?... Si le changement de nom est un "faux nez", les difficultés que rencontre cette église viennent-elles de... ses embrassades de jadis à la cause esclavagiste ?
Et quelle conséquence aussi pour nous ? Car l'esclavagisme était un commerce lucratif de ce coté de l'atlantique aussi, et beaucoup de protestants y ont participé, forcément avec la bénédiction de leurs églises, mais je me trompe peut être ? ... en tous cas les voix officielles actuelles protestantes européennes rappellent à qui mieux mieux leurs oppositions à l'exclavagisme... n'y a-t-il eu que ça ?
Cordialement.