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Alsacien et laïque, encore un effort, c'est possible

alsacienne_alsacien.jpgOn a beau retourner le problème dans tous les sens, les dispositions du Concordat d'Alsace-Moselle relatives au financement des cultes constituent, du point de vue des valeurs républicaines et laïques, une discrimination scandaleuse.

Quid des bouddhistes, des musulmans, des athées, des agnostiques, des évangéliques, des orthodoxes et tutti quanti?

Que l'argent des citoyens (quelles que soient leurs convictions) finance d'office un cartel concordataire dont sont exclus de nombreuses expressions spirituelles et idéologiques est indéfendable du point de vue des valeurs laïques et républicaines.

 

Aussi faut-il saluer le courage de Jean-Claude Val, Alfred Wahl, Jean-Pierre Djuric, Yan Bugeaud, Roland Pfefferkorn et Pierre Hartmann pour leur tribune salutaire, dans le quotidien Le Monde: "Pourquoi nous sommes Alsaciens, laïques et contre le Concordat".

Je ne reprendrai pas leur argumentation, limpide. A lire et relire!

On se bornera à comparer avec les sophismes conservateurs assez décevants, il faut bien le dire, du maire actuel de Strasbourg, Roland Ries (brave homme par ailleurs, mais qui confirme ici que socialisme, en France, rime de plus en plus avec conservatisme, démagogie gentillette et langue de bois).

Ce n'est pas l'argumentaire tout aussi peu convainquant de Jean-François Collange (un haut-responsable protestant qui brandit la "Tradition" au-dessus de tout, on aura tout vu) qui changera quoique ce soit à la situation de discrimination qui marque actuellement l'Alsace-Moselle.

 

Particularisme alsacien compatible avec la loi de 1905!

jean-claude val,alfred wahl,jean-pierre djuric,yan bugeaud,roland pfefferkorn,roland ries,alsace,1905,loi de 1905,séparation des églises et de l'état,laïcité,france,moselle,pierre hartmannJe précise pour finir: je suis alsacien moi-même!

(cliquer ci-contre où l'on me voit dans mon élément :-)

Quasiment né dans une bassine de choucroute (mon plat préféré). Natif de Strasbourg, attaché à mes racines, j'ai usé plus d'une fois mes fonds de culotte sur les chemins du Ried, quand ce n'était pas dans la forêt de Haguenau ou sur les contreforts des Vosges.

Alors, qu'on arrête de faire de la démagogie sur le "particularisme" alsacien. Ce "particularisme" ne serait nullement menacé si l'on cessait de salarier, sur argent public, les clergés du cartel concordataire. Le droit local, en particulier, pourrait parfaitement continuer à prévaloir! Le seul point scandaleux qu'il devient de plus en plus intenable de défendre, c'est celui-ci: que l'argent public finance un clergé.

L'esprit et la lettre de la loi de 1905, et, au-delà, l'esprit et la lettre d'un système républicain digne de ce nom, ne peuvent s'accommoder d'une discrimination instituée, quelle que soit la "Tradition" invoquée.

Commentaires

  • Place Kléber.... ;)

    Merci pour le partage de l'article du Monde en tout cas !

  • Comme vous y allez !
    Discrimination cartel concordataire...
    C'est curieux cette idée jacobine de l'uniformité territoriale à tout prix, une melenchonade cette histoire

    Notre bon vieux pays à toujours connu des particularismes juridiques et il y a toujours eu cette idee curieuse du "progrès" vers l'uniformité l'universalisme : une tête garde à vous !
    Il ne faut pas rayer les traditions, elles portent parfois un équilibre

    Vous faites référence à cette bonne vieille loi de 1905 mais vous semblez oublier que ce texte prévoyait lui même des dispositions spécifiques dans certains territoires pour le meilleur et pour le pire. Alors en matière de modèle de laïcité...

    L'indignation des jacobins est d'ailleurs sélective, que ne vous indignez vous pas pour supprimer les régimes spéciaux de contrées plus lointaines: Guyane... Vous devriez aussi vous insurger contre les associations diocésaines car elles ne sont pas dans la pureté de la loi de 1905, demandons le remboursement des subventions à la construction de la mosquée de Paris, et puis ces lois de vichy qui ont donné des avantages supprimons cette chose affreuse...

    Par ailleurs, les dispositions concordataires ont été adoptées dans la pratique par le juge, ce qui est oublié. Contrairement à ce que vous dites elles ne sont pas forcement défavorables aux autres cultes sur certains aspects

    Moi je pense que s'interroger sur l'adaptation du fait concordataire serait plus intéressant. Et la question va largement au delà : plutôt que d'appeler à l'application d'une loi vidée de son contenu, et à tourner en rond sur la laïcité francaaaaaise et reeeeepublicaine, vous pensez pas qu'il faut penser autre chose ? Innover quoi ! Plutôt que de s'enfermer dans le conservatisme de la loi de 1905. Finalement, c'est cela qui manque dans le débat intellectuel

  • Cher Schtroumpfs,
    Je ne suis pas spécialement jacobin, mais je suis républicain et laïque, et, au-delà, attaché à l'idée de justice et d'égalité des droits.
    C'est pourquoi je suis EVIDEMMENT aussi pour l'abolition d'autres régimes spéciaux comme celui de la Guyane. Quant aux associations diocésaines, elles sont en effet un peu discutables, sur le principe (mais bien moins gênantes que la disposition concordataire qui consiste à financer un clergé alsacien sur fonds publics).

    Quant aux lois de Vichy auxquelles vous faites allusion (financement par les municipalités de la réfection des lieux de culte pré-1905) elles sont en effet tout à fait contraires à l'esprit de la laïcité. Du strict point de vue des valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité), il faudrait mettre fin à cette entorse à la laïcité, d'ailleurs ruineuse pour certaines communes, et profondément discriminatoire (un lieu de culte post-1905 est aux frais de la communauté religieuse, un lieu de culte pré-1905 aux frais de la commune!).

    Je pense que les problèmes de la laïcité aujourd'hui ne sont pas dûs au fait qu'on applique TROP la loi de 1905, mais au fait qu'on ne l'applique pas assez.

    Alors, oui pour l'innovation et l'inventivité, mais dans ce sens-là: une application plus franche et honnête de 1905, et surtout en revenant à l'esprit de cette loi, fondé sur les idéaux de justice et d'égalité des droits de la République.
    En un mot, "l'abolition des privilèges", j'ai dit!

  • Je m'exprimerai plus tard. Pour le moment, voici l'intégralité de la lettre ouverte à François Hollande du député Jean-Philippe Maurer :

    « J'aime cette Alsace des vallons, des plaines, des montagnes et des petits recoins qui ne se retrouvent dans nulle autre région française. J'aime Strasbourg avec ses quartiers si différents et si riches de coeurs gros, fiers d'appartenir à cette métropole capitale chargée d'Histoire. Et surtout, j'aime les Alsaciens car ils ne ressemblent à personne.

    Ce sont des dizaines de nationalités qui ont creusé cette terre et pourtant il n'y a aucun étranger car tous ceux qui restent en Alsace l'aiment et la défendent.

    Qu'est-ce qui fait que nous sommes ce que nous sommes ? Notre géographie bien sûr, mais d'abord notre Histoire.

    Aujourd'hui, un candidat éminent à l'élection présidentielle veut définitivement rendre notre région « normale ».

    Monsieur Hollande, puisqu'il s'agit bien de vous, il y a déjà quelque mois Jean-Luc Mélanchon, votre ancien ami et votre futur allié demandait la suppression du Concordat. Je lui avais écrit mon opposition. Il n'a jamais daigné me répondre. Peut-être un député alsacien de la République ne mérite pas qu'il s'abaisse à cela ?

    Aujourd'hui vous voulez inscrire la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat dans la Constitution alors que le principe de laïcité y est cité en son article 1. Cela ne laisse aucun doute sur votre objectif : vendre l'histoire de l'Alsace à une alliance électorale avec cette extrême gauche qui a toujours haï les Alsaciens parce qu'ils sont profondément modérés, républicains et démocrates.

    Sachez, Monsieur Hollande que si vous ne l'êtes pas, nous, nous sommes lucides sur les conséquences de votre choix. la suppression des textes dit concordataires, malgré la bonne volonté de mon collègue député socialiste de Strasbourg, sera le premier échelon d'un engrenage fatal.

    Au nom de l'égalité, il faudra supprimer bientôt aussi le droit local, le bilinguisme et, enfin, le régime local de la sécurité sociale d'Alsace-Moselle. Est-ce de l'exagération de ma part ? Malheureusement, je ne le crois pas !

    C'est en partie sur ces acquis de l'histoire que notre région a bâti sa richesse, ses universités, qu'elle a pu accueillir les entreprises étrangères conscientes de tous ces avantages qui permettent le maintien de l'a cohésion sociale.

    Soyez conscients que les Alsaciens et les Mosellans ne vous suivront pas. Nous les Alsaciens, avons un coeur mais aussi une tête. Elle est bien faite et vous ne la couperez pas aussi facilement. »

  • Concordat : sujet sensible. Et le mot "cartel" me paraît bien excessif.
    Tout d'abord, je précise que je suis membre d'une Eglise NON concordataire, et j'estime qu'elle doit le rester. En cela, j'adhère par conviction à la nécessité de séparation de l'Eglise et de l'Etat.

    Ceci dit, le Concordat est maintenu en Alsace-Moselle, non simplement par tradition, mais pour des raisons historiques. La France a maintenu le Concordat après 1918, honorant la promesse de Joffre en 1914 à Thann dans son discours « Je vous apporte le baiser de la France » (Source : Dernières Nouvelles d'Alsace). Il faut dire qu'à cette époque, le rattachement à la France n'était pas accepté par tout le monde. Il y eut bien des tensions et l'autonomisme alsacien était une réalité. En 1924, une tentative de l'Etat français de mettre fin au Concordat a tourné court : dans toute la région, on se mit à sonner le tocsin en guise de protestation.
    La menace de suppression du Concordat refait surface à chaque élection présidentielle. Et surtout en cas de victoire de la gauche. Cette même gauche qui trouve des moyens détournés pour subventionner la construction de mosquées et qui accorde des terrains à cet effet, mais qui fait valoir son droit de préemption lorsqu'une Eglise évangélique veut s'installer.

    Quoiqu'il en soit, je propose une solution : un référendum réservé aux Alsaciens et aux Mosellans pour dire s'ils veulent ou non garder le Concordat. Si oui, ils doivent accepter de payer un supplément d'impôt pour le financer. Les autres Français paieront donc environ un euro d'impôt en moins par personne. Ils seront heureux de ne plus financer le clergé en Alsace-Moselle.
    Mais les Alsaciens-Lorrains seraient heureux aussi de ne plus avoir à payer pour des gabegies parisiennes qui ne profitent qu'à une infime partie de la population. Et là, il s'agit de sommes autrement plus importantes que les 50 millions d'euros servant à payer le clergé concordataire !

    Et quid de Mayotte, département français ? Selon le site du Sénat : http://www.senat.fr/rap/r08-115/r08-1157.html
    "Le droit coutumier inspiré du droit musulman et des coutumes africaines et malgaches s'applique à ceux des Mahorais qui ont conservé leur statut personnel, comme le leur permet l'article 75 de la Constitution16(*).
    La loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte maintient ce statut civil de droit local et précise les modalités de renonciation à ce statut au profit du statut civil de droit commun.
    Le statut personnel, statut de droit civil, concerne essentiellement les droits de la personne et de la famille, ainsi que les droits patrimoniaux. Dans ces domaines, les Mahorais ayant conservé leur statut personnel sont donc soumis à des règles particulières : polygamie, possibilité de répudiation de la femme par le mari, inégalités des sexes en matière de droit successoral. Ils bénéficient en outre d'une exception de juridiction. Cependant, la grande majorité de la population méconnaît son propre statut."

    Mais personne n'y touchera, ils ne sont pas fous !

  • Je pense personnellement que la base du problème du Concordat est une contradiction entre les droits allemand et français. En Allemagne, l'ensemble des religions reconnues par l'Etat (catholique, luthérienne, réformée et juive) ont le droit de prélever des "Kirchensteuern" (impôts d'église, mais ce nom s'utilise aussi pour la religion juive) servant entre autres à la rémunération du clergé, sur les citoyens officiellement affiliés leur institution religieuse, uniquement sur ceux-ci et pas sur tous les autres citoyens, ce qui évite le problème que vous évoquez. Système tout à fait acceptable à mon sens, même si on peut s'interroger s'il ne serait pas temps de l'étendre aux nouvelles communautés religieuses importantes issues majoritairement de l'immigration, notamment l'islam. Mais en France, la loi 1905 interdit à l'Etat de recenser les citoyens d'après leur affiliation religieuse, ce qui rend un tel système impossible. Donc, puisqu'il n'est pas possible de payer le clergé alsacien avec uniquement les impôts des adhérents de leur religion... l'Etat n'a pas d'autre solution que de recourir aux impôts de la totalité des citoyens.

    Vous dénoncez le fait qu'en Alsace, le clergé de certaines communautés religieuses spécifiques, en occurence catholique, luthéro-réformé et juif est rémunéré par l'Etat, donc par les impôts de tous les citoyens, quelle que soit leur religion. On peut même aller plus loin : le clergé alsacien est payé avec les impôts de tous les français, quelle que soit leur religion... et leur région. Ainsi par exemple, un athée parisien, un évangélique du PACA ou un musulman breton contribuent au salaire d'un prêtre catholique alsacien !

    (Je suis d'ailleurs moi-même à Strasbourg pour mes études depuis septembre dernier.)

  • @Schtroumpfs

    Monsieur,
    Vous écrivez :
    "Comme vous y allez !
    Discrimination cartel concordataire...
    C'est curieux cette idée jacobine de l'uniformité territoriale à tout prix, une melenchonade cette histoire"

    Demander à ce qu'une loi soit respectée et mise en application n'a strictement rien à voir avec le jacobinisme (et encore moins avec M. Mélenchon).
    Comme vous l'écrivez, si cette loi est "vide de sens", c'est précisément parce qu'on ne l'applique pas complètement. A force de vouloir toujours trouver des exceptions et des particularités, notre système (qu'il soit juridique, ou autre) en perd sa cohérence...
    Jetter des "arguments" comme vous le faites à ceux qui ne pensent pas comme vous ne fait nullement avancer le débat. C'est dommage.

    Bien à vous,
    David

  • L'argument du respect du particularisme alsacien est faible, très faible.

    En-dehors de ses vertus démagogiques, il n'a rien pour lui.

    Car le Concordat d'Alsace-Moselle n'a rien d'alsacien!!!!!!!!!!!!!!!!

    Rappelons que c'est un Concordat passé en 1801-1802 au niveau de toute la France. Il ne subsiste en Alsace-Moselle qu'en raison de l'occupation allemande post-1870, qui n'était pas encore achevée en 1905, lors de la Loi de séparation.

    C'est donc un particularisme "vieille France", un particularisme "vieux romain", dont il s'agit, pas un particularisme spécialement alsacien.

    Pour moi, s'il y a un particularisme alsacien, c'est celui-ci : une région marquée par une culture du travail rhénane, une robustesse intellectuelle éprise de cohérence, et une capacité de résistance aux snobismes (qu'ils viennent d'Est ou d'Ouest) forgée dans un bon sens terrien égayé de joie gourmande.

    Ce "particularisme" est à mes yeux non pas menacé, mais au contraire insulté par le maintien de la discrimination concordataire.

    Mettre fin au salariat par l'Etat du cartel concordataire alsaco-mosellan, ce n'est pas réduire le particularisme, c'est au contraire honorer le particularisme alsacien-mosellan dans ce qu'il a de plus noble en déboulonnant un conformisme discriminatoire qui n'honore pas l'Alsace.

    Mettre fin au scandale concordataire en Alsace-Moselle renforcera le particularisme de cet espace dans ce qu'il a de meilleur : marcher la tête haute, l'esprit clair, à l'abri des démagogues, en se souvenant que «Nùmme d’tote fisch schwimme met’m strom.» (seuls les poissons morts nagent avec le courant -la tradition concordataire-).

    Post scriptum avec cet autre proverbe alsacien à l'attention du cartel concordataire alsaco-mosellan:
    «Was nix koscht esch au nix wärt.» («Ce qui ne coûte rien ne vaut rien.»)

    Des salaires de clercs qui ne coûtent rien aux églises qui les emploient (en raison d'un financement public discriminatoire hérité d'un autre âge) ne "valent" rien du point de vue des valeurs républicaines, et des valeurs universelles de justice. Il est temps que cela cesse.

  • Un article qui me paraît intéressant :
    http://www.pelerin.info/Histoire-Patrimoine/Notre-histoire/Alsace-Moselle-le-Concordat-en-10-dates-cles
    Y sont rappelées quelques dates. On relèvera qu'en 1944, le Général De Gaulle rétablit le régime local des cultes qui avait été supprimé durant l’occupation nazie...
    On y apprend aussi qu'un vicaire touche 1130 euros par mois, un archevêque en touche 4000.

  • Cher Monsieur Fath,

    Pour être juste, votre proverbe alsacien «Ce qui ne coûte rien ne vaut rien», devrait sous-entendre le complément : "ce qui ne coûte rien à personne". Car une des particularités remarquables et magnifiques du salut selon la Bible, est d'être entièrement gratuit pour le pécheur ; il ne lui coûte rien. Mais à Jésus-Christ, il a coûté sa vie.

    Pour redescendre à un niveau plus terre-à-terre, votre blog monsieur Fath, ne nous coûte rien à lire ; mais je suppose qu'il vous coûte du travail, et un des biens les plus précieux en cette vie : du temps. Soyez-en remercié ! Or sans vouloir trop vous chatouiller sur la question, il faut bien que vous mangiez aussi et que vous pourvoyiez aux besoins de votre famille. C'est pourquoi, même si je suis d'accord avec les bienfaits généraux du principe de la laïcité, la position que vous prenez me paraît un peu trop radicale ; un bon principe poussé à l'extrême devient souvent contradictoire et absurde.

    Ainsi, qui constitue la grande majorité des lecteurs de vos ouvrages ? quelle catégorie de la population française en tire un bénéfice informatif quelconque ? Les chrétiens protestants, les chrétiens évangéliques, nul doute. Vous versent-ils un salaire ? Sachons remercier Dieu de sa providence, sans chercher à la caser à toute force dans des principes ou des idéaux humains destinés à être bientôt oubliés.

    Gédéon.

  • Réponse à Gédéon Pilsett

    Merci pour votre mot.
    Mais la fin de votre post me navre.
    Ecrire, comme vous le faites, que ceux qui "tirent un bénéfice informatif quelconque de mes travaux" sont en "grande majorité" des évangéliques, et suggérer par là que mon salaire versé par l'Etat pourrait être comparable à celui des prêtres concordataires est un contresens énorme, qui illustre à quel point vous ne comprenez hélas pas comment et pourquoi je fais mon métier, ni comment le CNRS fonctionne, ni même comment la laïcité fonctionne.

    Si tout le monde raisonnait comme vous, on tomberait dans la balkanisation généralisée.

    Heureusement qu'il reste, en France, des citoyens et citoyennes capables de concevoir qu'un chercheur (quel que soit son sujet ou son identité) écrit POUR TOUS. De la même manière qu'un boulanger (même si sa boutique est à côté d'une grosse église, qui lui fournit indirectement plus de revenus).

    Contrairement à ce que vous imaginez, parmi mes lecteurs, il y bien moins d'évangéliques que de non-évangéliques. Et l'impact de mes travaux est TRES LARGEMENT plus important hors des milieux évangéliques que dans les milieux évangéliques (qui pensent très majoritairement qu'ils n'ont pas besoin de mes travaux pour découvrir qui ils sont). Je pourrais vous donner 1000 exemples, mais au stade où vous en êtes, semble-t-il, je préfère m'abstenir.

    Je n'ai pas été embauché par le CNRS pour éclairer les évangéliques, mais pour éclairer la société française sur les évangéliques, sous l'angle de l'histoire et de la sociologie. En revanche, un clerc est embauché par une église, non pas d'abord pour éclairer la République (qui n'est pas une église), mais éclairer ses ouailles. C'est une différence fondamentale.

    J'ajoute que mes livres n'ont évidemment pas de caractère confessionnel, ils sont diffusés la plupart du temps par des éditeurs généralistes (Le seuil, Albin Michel, Autrement, etc.), alors qu'un clerc défend un point de vue confessionnel (c'est sa mission!), et parle pour sa paroisse (les musulmans et bouddhistes se ruent peu dans les cultes luthériens, et vice-et-versa).

    La recherche universitaire, en France, remplit une forme de service public, accessible à tous (justement parce qu'elle n'est pas confessionnalisée). Une Eglise, en France, N'EST PAS UN SERVICE PUBLIC, et du reste, si j'osais, je dirais que même le fondateur du Christianisme lui-même, un certain Jésus-Christ, avait bien pointé la différence entre Dieu et César si l'on en croit l'Evangile selon Matthieu, 22:21.

    Pourquoi l'évidence est-elle si difficile à entendre?

    Qu'un clerc doit être payé par son église, et un fonctionnaire (CNRS ou pas) par l'Etat?

    La réponse est simple:

    QUAND DES GROS SOUS SONT EN JEU, TOUT EST BON POUR DEFENDRE SON BOUT DE GRAS.
    ET CERTAINS MILIEUX CHRETIENS NE SONT PAS TOUJOURS LES DERNIERS A CE PETIT JEU...
    QUITTE A FRÔLER L'ABSURDE (On prend la pose pour dénoncer la "théologie de la prospérité" des petites églises africaines indépendantes rassemblées dans des hangars insalubres, tout en encaissant sans broncher l'argent des citoyens sous des voûtes chauffées au frais de Marianne: belle éthique à deux vitesses).

    Mais fort heureusement, quelques-uns n'ont pas "plié le genou devant Baal" (private joke).

    LAÏCITE D'ACCORD!

  • Cher Monsieur Fath,

    Je vous assure qu'il n'était absolument pas dans mon intention de vous navrer, même si je savais le point délicat ; je n'ai pas écrit pour vous irriter mais parce que, sincèrement, votre idéal laïque m'apparaissait trop absolu pour être conforme à la réalité des choses.

    Je me serais donc trop trompé ? Je vous avoue que je suis en effet très surpris d'apprendre que votre auditoire se compose en très grande majorité de non-évangéliques ! (si j'ai bien compris ce que vous écrivez). En admettant que seulement 10% des évangéliques et des protestants vous connaissent, au bas mot, cela fait bien 50 000 personnes. Et puisque qu'il s'agit là d'une petite minorité par rapport à la totalité de votre public, j'en déduis que votre sphère d'influence s'étend à au moins un demi-million de personnes. C'est à mon tour d'être navré d'avoir sous-estimé l'intérêt que la République pouvait porter à l'étude des Évangéliques, et donc l'importance de vos travaux. Comme vous êtes évidemment mieux placé que moi pour apprécier ces choses, je ne conteste pas.

    Mais sachez que même de mon point de vue faux, (c-à-d que votre travail rendrait principalement service aux évangéliques, ce que s'imaginent aussi bon nombre de responsables évangéliques en croyant que vous contribuez à leur "visibilité") sachez que le fait que vous soyez fonctionnaire chargé d'étudier les évangéliques, ne signifiait en rien pour moi une insinuation injurieuse ou une assimilation à un clergé d'état. C'est là où je trouve encore votre conception de la laïcité trop radicale : le christianisme a pénétré en occident tous les domaines de la culture, de l'art, de la vie sociale. Un conservateur de musée (payé par l'Etat) à qui on ferait remarquer que finalement son salaire contribue à entretenir le christianisme parce que la majorité des tableaux dont il a la charge sont d'inspiration chrétienne, ne devrait pas, à mon sens, prendre la mouche ni s'estimer atteint dans sa conscience laïque. C'était là l'idée de mon post à votre égard si vous voulez bien la comprendre.

    J'ajoute que si je n'étudie pas comme vous le monde évangélique d'un point de vue universitaire et académique, je l'observe, comme tout poisson de l'aquarium, par la base. Entre autres, je remarque qu'il est souvent difficile pour les pasteurs de petites églises évangéliques d'exercer un "ministère à plein temps" (ce qu'on appelle dans le patois de Canaan "vivre par la foi") ; plusieurs donc recherchent un travail qui leur laisserait assez de temps libre pour préparer les réunions, et le message du dimanche ; un emploi avec une rémunération régulière et beaucoup de vacances... où trouver çà ? Ah ! Ah! Ah ! quel retournement ironique de l'histoire ! quel attentat énorme contre la République ! quel crime de lèse-laïcité ! Je n'invente rien, je ne suppose rien, ces cas là sont loin d'être exceptionnels. Eh bien, monsieur Fath, ces pasteurs-fonctionnaires, ces missionnaires nationaux, les condamnerez-vous... avec leurs ouailles qui se chauffent dans les salles municipales ? Bah ! et pourquoi ? L'État, qui n'est jamais en retard pour ponctionner le citoyen, ne fait-il pas couramment des dépenses plus stupides que celles-là. Le Seigneur a dit de rendre à César ce qui lui appartenait, c'est vrai ; mais il n'a pas préjugé de l'usage qu'en ferait César.

    Empire ou République, le chrétien pour sa part peut s'accommoder de tous les régimes parce qu'il n'appartient à aucun d'eux, il est dans le monde sans y être ; il ne plie pas plus le genou devant la laïcité que devant Baal, pour reprendre votre allusion, même si humainement la liberté est préférable bien sûr.

    Laïcité, comme il vous plaira !

    Gédéon.

  • D'après des amis alsaciens, le fait que les Eglises catholique et protestantes soient subventionnées en Alsace ne règle absolument pas le problème de la fréquentation du culte. Ils auraient même tendance à dire que la religion chrétienne y est riche financièrement, mais pauvre en vitalité spirituelle.

    A ce stade (si toutefois c'est le cas), pourquoi continuer à engranger des bénéfices, si l'Eglise ne remplit d'abord pas sa mission première: annoncer Jésus-Christ et le faire aimer ! (mon point de vue n'est pas neutre, étant croyant et pratiquant...)

    Entre une institution accrochée à l'Etat, mais en perte de fidèles (telle l'Eglise anglicane en Grande-Bretagne), et une communauté "sans être du monde", mais active, mon choix est vite fait.

    Après, il ne faut pas être naïf sur les objectifs idéologiques d'une abolition du Concordat, qui est pour certains cercles laïcistes (et non laïques) une étape importante dans l'éviction de la religion de la sphère publique.

    Quant à Roland Ries, il me semble que cet individu avait justifié la construction de mosquées par la sacro-sainte laïcité. On nage en pleine confusion, non ?

  • Cher Sébastien,

    Je reconnais la force de votre argumentaire puisque je doute du mien !

    Mais je crois que mon approche est totalement différente de la votre. Je me sens plus dans la lignée de Pierre Manent lorsqu'il se dit émerveillé et interpellé par "ce qui est" plutôt que parce qui "devrait être".

    Proclamer la table rase et le retour aux sources, "ce qui devrait etre" est extrêmement facile, j'adorerais voir ce que cela donnerait dans la mise en œuvre.

    Vous passez tranquillement sur un siècle d'application de cette loi et de ses multiples modifications (si vous voulez vraiment le retour a la versoin du 9 decembre, je vous souhaite bien du courage).
    Mais, je crois que vous idéalisez le passé, vous parlez de "lettre" de la loi, de son "esprit", d'un "retour aux sources", de "la" laïcité.
    Or, le problème MAJEUR c'est que personne n'est d'accord sur le sens et la portée de la laïcité , personne n'est d'accord sur le sens et la lettre de la loi de 1905 !!
    Je me garderais bien d'un sens d'un esprit ou d'une proclamation de la laïcité. Si sens lettre il y a c'est justement le paradoxe entre une approche libérale et une approche républicaine, la pluralité de sens, de filiation si vous voulez.
    Vous idéalisez allègrement les choses, ce qui vous permet des raccourcis etourdissant comme sur les lois de Vichy et le financement des lieux de culte (beaucoup plus compliqué que ce que vous indiquez !)...

    Alors c'est vrai ce qui devait être c'est un truc bien carré, bien ordonné, bien simple.
    oui mais le problème c'est que "ce qui est" est le fruit d'une histoire, d'équilibres, de paradoxes... Et à vous ne pouvez à mon avis pas "déconstruire" le tout d'un coup de baguette magique,ou alors et c'est cela qui serait passionnant ce serait pour construire quelque chose d'autres en arrêtant de regarder vers un passé idéalisé

    Bien à vous

  • Avez-vous vu l'ignoble courrier que Hollande a envoyé aux DNA?
    Cette girouette détricote dans son courrier ce qu'elle a dit dans son discours du Bourget: en gros, le concordat d'alsace-moselle, c'est tellement super qu'on va le mettre dans la constitution!

  • L'argument "ça c'est toujours fait comme ça"...
    Du roc!?
    Mais ça fait peur aussi. Avancer et grandir, c'est accepter de changer.

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