Il était ce genre d'homme dont le Général de Gaulle aurait pu dire: "c'était un brave".
Appartenant à cette génération des Paul-Emile Victor ou Jean-Pierre Vernant, mêlant prestance, gourmandise, passion, goût de l'effort et arrière-monde, Jacques Poujol a longtemps oeuvré, en France, pour la valorisation de l'histoire et de la mémoire du protestantisme contemporain, particulièrement autour de la Seconde Guerre Mondiale.
Ancien du maquis de la Soureilhade puis de la Division Leclerc, ce natif de Toulon est sorti du creuset de la Résistance pour construire une carrière professorale, universitaire et administrative qui le fera séjourner aux Etats-Unis, ioù il occupe le poste de conseiller culturel adjoint à New York entre 1961 et 1966.
Fidèle collaborateur de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français, il a apporté, au fil des années, une valeur ajoutée considérable aux contenus du Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français (BSHPF), revue scientifique d'excellence dont j'ai eu l'honneur et le plaisir d'être membre du comité de rédaction entre 2000 et 2011.
Je me souviens l'avoir côtoyé à plusieurs reprises dans ce cadre. C'est peu de dire qu'il n'était pas de ma génération. Nous nous connaissions peu. Mais les "nouvelles recrues" comme moi et bien d'autres ne pouvaient manquer d'observer, en côtoyant Jacques Poujol, ce mélange d'ardeur chaleureuse, d'autorité naturelle et de précision pointilleuse qui le caractérisait. Avec un seul but, faire avancer dans la bonne direction.
Il s'est éteint le 18 février 2012 à l'âge de 90 ans.
De son oeuvre d'érudition et de mémoire, dont on a déjà pu citer tel ou tel texte dans ce blog (sur Daudet en particulier), on retiendra tout spécialement deux grands livres collectifs qu'il a dirigé:
D'abord, Les protestants français pendant la Seconde Guerre mondiale, numéro spécial du BSHPF (1994) et très copieux ouvrage de référence (737 pages) malheureusement trop peu diffusé. Tous les érudits et spécialistes le connaissent, cependant, car c'est l'instrument de travail incontournable et indispensable pour quiconque s'intéresse au rôle des protestants durant la Seconde Guerre mondiale. Avec l'historien André Encrevé, Jacques Poujol en fut le principal maître d'oeuvre.
Ensuite, La France protestante, Histoire et lieux de mémoire (ouvrage collectif dirigé avec H. Dubief), Max Chaleil éditeur, 1992.
Cet ouvrage a connu une troisième édition complétée, en 2005. Il n'est pas à confondre avec La nouvelle France protestante (2011) dont il diffère par le contenu et l'orientation.
Itinéraire savant illustré, La France protestante constitue un outil irremplaçable pour découvrir, région par région, l'apport historique et culturel du protestantisme dans l'hexagone.
En cet âge numérique où les célébrités, souvent surfaites, se construisent souvent sur internet, Jacques Poujol n'était pas "de ce monde digital là". Mais que vienne le jour (?) où ces réseaux internet disparaîtront, il y aura toujours quelques étagères savantes où de précieuses bibliographies transmettront, pour la postérité, la belle oeuvre de Jacques Poujol.
Commentaires
De la part de toute la famille, merci pour cet hommage émouvant à l'oeuvre de notre père, et en particulier pour la conclusion.