Les coptes (chrétiens) d'Egypte seraient aujourd'hui au moins 6 millions, soit (de loin) la communauté de chrétiens d'Orient la plus nombreuse. Cela vaut la peine de découvrir de plus près ces chrétiens.
Quand on parle aujourd'hui d'Eglise copte, de quoi parle-t-on? Le pape Chenouda III, récemment décédé, de quelle Eglise était-il le chef? C'est l'occasion de rappeler une diversification très ancienne du christianisme, suite au Concile de Chalcédoine (451).
L'Église d'Alexandrie, qui constitue très probablement le premier foyer de christianisme en Egypte, existe depuis les temps apostoliques. Elle s'est divisée en deux branches après le Concile de Chalcédoine (451). La majorité a formé ce qu'on appelle l'Église copte orthodoxe, qui domine encore aujourd'hui largement le paysage chrétien égyptien. Et la (petite) minorité a constitué l'Église grecque-orthodoxe d'Alexandrie (rattachée à la communion orthodoxe).
Le pape Chenouda III dont les coptes n'ont pas encore fini aujourd'hui de faire le deuil était à la tête de cette Eglise copte majoritaire. Ce qui explique l'énorme impact de son décès: circulant hier soir dans le quartier d'Al Azhar, j'ai pu ainsi voir ces grandes bannières (cliquer ci-dessous pour agrandir), commémorant la disparition de "Baba Chenouda Al Talat" (le pape Chenouda III).
Bannière commémorative de BABA CHENOUDA AL TALAT (photo SF, 25 avril 2012)
Eglises des trois conciles
La rupture/diversification chalcédonienne de 451 qui a donné naissance à cette Eglise autocéphale a profondément marqué l'histoire et l'identité du christianisme égyptien, jusqu'à nos jours.
Rappelons qu'elle n'a pas touché que les chrétiens d'Egypte. Outre les "coptes", d'autres Églises se sont associées à cette diversification: les Églises éthiopiennes, les Églises syriaques, et l'Église apostolique arménienne.
Ces Églises sont souvent qualifiées d'Eglises des trois conciles. On les qualifie souvent de "monophysites", mais c'est un tort!
Eglise miaphysite
Elles sont en réalité "miaphysites", suivant une doctrine inspirée de saint Cyrille d'Alexandrie (impliqué dans la mort d'Hypathie) à propos de la nature du Christ, qui fut l'objet de débats passionnés durant les cinq premiers siècles du christianisme.
Que signifie ce terme de "miaphysite"? Il recouvre une doctrine qui postule que les deux natures de Jésus, Fils de Dieu (humaine et divine) coexistent, mais sans qu’il y ait égalité entre elles, selon la formule: «unique nature incarnée (mia physis) du Verbe de Dieu sans mélange et sans confusion».
Cela peut paraître anecdotique aujourd'hui (quoique), mais pour les chrétiens de l'époque, ces débats étaient vitaux! Ils touchaient au coeur même de la foi.
Et pour les "coptes" (chrétiens) d'Egypte, c'est l'option miaphysite qui l'a emporté: la nature de Jésus est divine, et seulement divine, même si elle s'incarne dans une Humanité que le Verbe Divin a fait sienne. Il y a donc accentuation de la nature divine, mais sans nier une partie humaine.
On ne peut donc pas parler, stricto sensu, de monophysisme, car cette dernière doctrine nie toute partie humaine dans la nature du Christ. On est dans les nuances! Mais c'est souvent à partir de toute petites nuances que les grandes diversifications (certains disent "divisions") s'opèrent, et cela, dans l'histoire protestante comme dans celle du christianisme oriental.
Depuis 451, et l'adhésion de la grande majorité de la population égyptienne à la doctrine miaphysite, l'Église copte majoritaire (celle qui a perdu récemment le pape Chenouda III, en attente actuellement de successeur) est considérée, depuis, comme schismatique par Rome et Constantinople. Elle ne dépend donc pas du pape des catholiques, Benoît XVI, ni de Bartholomeos, le patriarche orthodoxe de Constantinople, (ci-contre).
La conquête arabe, entre 639 et 642, a renforcé la nouvelle hégémonie de l'Église copte autocéphale, hégémonie qui reste incontestable aujourd'hui en 2012, même s'il existe aussi, aux côtés de l'Eglise copte majoritaire, plusieurs autres Eglises coptes, y compris des Eglises coptes protestantes... mais nous en reparlerons.
Pour en savoir plus, consulter notamment Christian Cannuyer, L'Egypte copte : les chrétiens du Nil, Paris, Gallimard (Découverte), 2000.