L'aperçu des discriminations dont sont l'objet les chrétiens d'Egypte ne doit pas cacher les multiples facettes d'une réalité religieuse qui reste florissante, inventive, bien décidée à construire l'Egypte de demain (n'en déplaise aux salafistes qui se passeraient volontiers de leur concours).
L'extraordinaire richesse culturelle de l'islam égyptien ne saurait non plus être oubliée. Par son histoire, son poids démographique et le prestige d'Al Azhar, l'Egypte est au coeur de l'Umma (communauté globale) musulmane!
C'est pourquoi la séquence "égyptienne" de ce blog (qui couvre les deux semaines d'un séjour prévu de longue date au bord du Nil) ne s'attardera pas indéfiniment sur les inégalités de traitement que subissent les coptes. Mais avant de passer à d'autres sujets, il faut néanmoins rappeler un point très sensible: celui du foncier.
Réglementation foncière très restrictive pour les constructions d'églises
En Egypte, la réglementation en matière de construction d'églises, qui remonte à 1934, doit être signalée. Elle prévoit la nécessité d'un décret présidentiel, rien de moins. Or, l'obtention de ce décret, à la discrétion du souverain (pardon, du raïs, du président) suppose des conditions quasi impossibles à satisfaire. En particulier, on mentionnera le respect d'une distance minimale entre le bâtiment cultuel chrétien et la plus proche mosquée.
De ce fait, lorsque la construction d'une église copte est projetée, il suffit de poser à proximité du terrain à bâtir les fondations d'une nouvelle mosquée, et l'opération immobilière est du coup déclarée... illégale.
L'édification de mosquées, en effet, n'est soumise, elle, à aucune condition de distance par rapport aux églises, et les islamistes (ou musulmans intégralistes) exploitent largement cette absence de réciprocité pour gêner les implantations cultuelles coptes.
Même lorsqu'elle esst acceptée par les musulmans du voisinage, ce qui se produit plus souvent qu'on ne pourrait le croire, la construction d'une église copte suppose de toute façon une procédure qui peut durer des années. C'est la raison pour laquelle les chrétiens des banlieues et des villes nouvelles, comme Medinet Nasr, sont-ils bien souvent dépourvus de lieux de culte en nombre suffisants. L'alternative reste alors d'organiser des rencontres cultuelles clandestines dans des bâtiments d'habitation privée, voire des grottes, comme dans la colline du Moqattam (on en reparlera). Faute de mieux, les coptes sont également réduits à édifier des constructions sauvages.
Pas le symétrique inversé de la situation européenne
On l'aura compris: on n'est pas, ici, dans une situation juridiquement égalitaire, parfois écornée dans son application par des préjugés (comme cela peut se produire parfois en Europe, y compris au détriment des musulmans). On est dans une situation juridiquement très inégalitaire, renforcée en outre par des préjugés. Il ne s'agit donc pas d'un symétrique inversé de ce qu'on observe la plupart du temps en Europe, mais bel et bien d'un degré supplémentaire de discrimination, inscrit dans le droit, au détriment des chrétiens.
En pratique, on estime en Egypte à environ deux églises sur trois qui auraient été bâties sans autorisation en bonne et due forme, ce qui permet au ministère de l'intérieur d'agiter la menace d'une fermeture lorsqu'il veut faire pression sur les chrétiens coptes. La réparation des édifices légalement construits nécessite aussi un permis spécial, de sorte que beaucoup d'entre eux tombent en ruine...