Durant ces derniers jours, l'affaire Dieudonné a rallumé de vifs débats sur la liberté d'expression, oblitérant d'autres questions de fond, comme le rapport de cet humoriste (et de la nébuleuse qui le soutient) avec la religion.
Fasciné par la Révolution iranienne, Dieudonné n'est pas pour autant un islamiste. Mais il tient un discours structuré et prosélyte sur la religion, sur la base d'un référentiel islamique décrypté très finement par Henrik Lindell dans une analyse publiée sur le site de l'hebdomadaire La Vie.
Commentaires
Ce monsieur n'est qu'un amplificateur des erreurs et des confusions qui l'entourent et qui sont dues à l'ignorance (qui est la chose du monde la mieux partagée), doublé d'un agitateur - provocateur qui a bien compris ce que ses auditeurs attendaient : un nouveau moyen de se défouler par procuration, une nouvelle icône à aduler. Ce ne sera ni le premier ni le dernier, qui Lui est bien au-dessus de toute cette agitation médiatique.
Son discours "structuré" ne tient pas face à une herméneutique rigoureuse (exégèse philologique, historique, socio-culturelle, entre autres) des textes, qu'ils soient coranique ou biblique. Il ne constitue que l'écho de ce qui se raconte ici ou là, il ne s'agit ni plus ni moins que de conceptions populaires sans aucune cohérence scripturaire démontrée. A moins de recourir à la fameuse et pas si nouvelle théorie de la falsification des manuscrits, théorie qui n'a absolument jamais eu le moindre commencement de début de preuve en sa faveur, bien au contraire.
Bref, rien de réellement fondé : la place manquerait ici pour expliquer notamment ce qui concerne les versets bibliques néotestamentaires (Jean 14. 16ss ; 16. 7ss mais pas seulement ceux-là, voir aussi les Actes) à propos du terme grec Parakletos, ainsi que ce qu'en disent indirectement les sourates coraniques (61. 6 ; 7. 157) et ses commentateurs, préfigurant soi-disant la venue de Muhammad, porte-parole de l'islam, au VIIe siècle de notre ère. De pures conjectures, reprises partout et crues par un grand nombre de personnes sans aucun discernement ni sens critique objectif. Basées entre autres sur des hypothèses de traductions fallacieuses. Bref.
Mais comme le chantait un chanteur :
"Les gens croiront n'importe quoi, pourvu que ça vienne de toi."
Alors, en avant pour la liberté d'impression, car ce que beaucoup de gens recherchent, ce n'est pas de connaître la vérité sur ces questions, c'est d'entendre celui et ce qui leur fait plaisir à entendre, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
Un article intéressant sur l'humoriste québécoise Nabila Ben Youssef "Controverse Dieudonné: Nabila Ben Youssef a peur", à lire ici : http://www.lapresse.ca/arts/spectacles-et-theatre/humour-et-varietes/201401/09/01-4726965-controverse-dieudonne-nabila-ben-youssef-a-peur.php
Une bonne analyse du phénomène Dieudonné dans l'hebdomadaire Marianne de la semaine dernière ; le point de vue d'une revue centriste, très critique à l'égard de la politique israélienne et attachée à la liberté d'expression vaut d'être entendu ... Peut-être pas islamiste, Dieudonné est un des vecteurs de la banalisation de thèmes islamistes dans la population musulmane ; derrière son antisionisme c'est bel et bien un antisémitisme de bas-étage qui est servi à un public en manque de repères historiques, prêt à croire les plus pernicieux mensonges - comme l'inexistence des camps de concentration ou le rôle supposé des juifs dans la traite des populations africaines. Je suis comme les journalistes de Marianne étonné par la capacité de Dieudonné à fédérer des populations aussi diversifiées que des jeunes de banlieue, des gauchistes libertaires et des représentants des courants les plus radicaux de l'extrême-droite classique.