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Entre peuple et institution, le paradoxe du CNEF

CNEF fail.jpgLa sociologie des religions pointe classiquement l'affinité entre culture protestante évangélique et base populaire. Fondé sur des communautés locales de fidèles "engagés", l'évangélisme est réputé mobilisateur. Apte à "bouger les foules"!

A l'inverse, on lui attribue généralement (et à raison) une faible expertise institutionnelle. Héritier, avec d'autres, de la Réforme protestante qui a désacralisé l'institution, il s'accommode fort difficilement des instances centralisatrices.

Et pourtant! En France, la principale structure représentative des évangéliques, à savoir le Conseil National des Evangéliques de France (officialisé en 2010), semble s'inscrire en faux, en tout cas pour l'instant, par rapport à ces tendances.  

En cinq ans, le CNEF est en effet parvenu à se crédibiliser efficacement en tant qu'institution représentative, rassemblant plus de 700 pasteurs lors de sa seconde convention nationale (janvier 2015).

Regroupant environ 70% du paysage protestant évangélique français, il a impulsé une dynamique d'implantation d'églises locales coordonnée au niveau national, et s'est également révélé apte à mutualiser des outils d'analyse et de débat performants en matière de droit et de laïcité (campagne "Libre de le dire"). 

 

Très faible mobilisation sur la Toile pour un projet CNEF 

En revanche, en matière de lien avec le "peuple" évangélique, c'est une autre histoire. Plusieurs événements régionaux ont certes été organisés avec un certain succès, voire un succès certain (lien), mais rien n'indique pour l'instant que le CNEF se soit acquis une large popularité locale.

Après avoir renoncé à l'idée d'un webzine fédérateur (le magazine Connexions, laissé en jachère), le CNEF est confronté actuellement à un fiasco qui illustre sa popularité problématique, via une campagne de levée de fonds auprès des internautes évangéliques.

L'idée, exposée sur la plate-forme de crowd-funding iGive.today, était pourtant a priori "vendeuse": il s'agissait de financer un film présentant les évangéliques au grand public, avec l'aide de 6000 euros de dons de la part des internautes. Le projet, plutôt rassembleur, et la cible financière, accessible, plaidaient pour une large mobilisation. 

Patatras, rien n'en a été. En dépit de sa représentativité proclamée, le CNEF n'a rassemblé en plus d'un mois et demi que.... 300 euros sur 6000 espérés, soit 5% des objectifs!

Tandis qu'un chanteur rap chrétien, Manou Bolomik, réussissait quant à lui (sans l'appui d'une caisse de résonance comme celle du CNEF) à lever plus de 15.000 euros dans les mêmes conditions. D'autres projets, la plupart en lien avec Topchrétien, ont également été généreusement dotés grâce à la mobilisation des internautes.

Force est de constater qu'en dépit de tout ce que l'on peut écrire sur la force du "réseau" évangélique, ce dernier ne se mobilise pas systématiquement. 

Et en la circonstance, il s'avère que pour l'heure, le CNEF peine, en France, à se connecter avec le peuple évangélique. C'est le paradoxe de ses débuts: solide sur l'institution, fragile sur ses bases populaires, à rebours des "classiques" de la sociologie évangélique. 

Commentaires

  • Si le parlement européen lançait une campagne de levée de fonds pour produire un film présentant son importance et son fonctionnement, il ne récolterait pratiquement rien non plus.

    Le CNEF est aux évangéliques ce que l'Europe est aux français : ils sont pour devant la caméra et dans les sondages, parce qu'on leur a appris que c'était la chose à répondre, mais ils sont contre en privé, et en réalité. Les raisons de leur hostilité se rejoignent : ces institutions sont pilotés par des bureaucrates, imbus d'abstractions fumeuses, et assez fous pour s'imaginer que leurs "stratégies" vont contrôler tant soit peu le futur.

    A cela s'ajoute, dans le cas du CNEF, une absence de vision spirituelle ressentie par la base, qui s'inquiète donc de la dérive du radeau ; et enfin, malgré quelques communiqués faussement grondeurs, un manque de prise de position concrète vis-à-vis de la déchristianisation accélérée de notre société : Le président du CNEF est issu d'une fédération membre de la FPF, qui accepte en son sein des églises qui ont fait le choix de bénir les mariés homosexuels. Être consterné et le faire savoir était bien, couper les ponts avec la FPF était le pas suivant attendu.

  • FPF et CNEF, le mariage "béni"de la carpe et du lapin, l’alliage de matériaux composites... Et parfois, double emploi, chevauchements et redondances... Ce qui est loin d'être générateur de limpidité.

    Tôt ou tard, les pôles - déjà au départ relativement disparates - qui sont au sommet du CNEF vont en effet devoir affronter des difficultés sérieuses avec leurs bases fondatrices, qui sont notamment loin d'approuver unanimement tout ce qu'impliquent des choix à l'échelle "confédérale" (implicite, de fait), qui risquent de se révéler être inévitablement des compromis de style "Realpolitik" : Raison d'état oblige.

    Il est vrai que la représentativité face aux organismes institutionnels présente certains avantages, administratifs, juridiques et autres. Le temps nous dira quel en est le prix à payer...

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