Pour commencer l'année 2016 en combinant détente et culture, voici un "must" à déguster sans modération: le formidable livre premier, intitulé "La genèse", que le sociologue Olivier Bobineau, appuyé par l'illustrateur Pascal Magnat, a consacré à "l'Empire" des papes. Publié à la fin de l'année 2015, inspiré d'un ouvrage savant publié en 2013 chez CNRS éditions, cette BD fastueuse, jubilatoire, drôlatique et infiniment généreuse nous en apprend plus sur le catholicisme que bien des livres "académiques" classiques.
Documenté avec une précision digne des meilleurs historiens, didactique sans être jamais pesante, cette BD d'exception permet de comprendre l'idéologie catholique romaine au-delà des pièges de l'histoire sainte et du libelle anticlérical. On n'est pas non plus ici dans une histoire trop timidement critique restée, en réalité, profondément Katolisch und Französisch (pour reprendre une critique allemande de l'Histoire du christianisme en 14 volumes parue chez Desclée/fayard au tournant des XXe et XXIe siècles).
Avec le premier tome de L'Empire, place à hardiesse, le sens, le rire et l'incarnation. Si Rabelais avait vécu aujourd'hui, il aurait donné ce volume en lecture obligatoire dans son abbaye avant-gardiste de Thélème.
D'Augustin, "premier monstre sacré du christianisme" (p.56 et suivantes) à la Réforme grégorienne, qui invente le pape comme "vicaire de Dieu omnipotent" (p.134) en passant par la crise des images en Orient, "ou comment l'empereur s'impose au religieux" (p.87), c'est un feu d'artifice de culture et d'humour, sans jamais perdre de vue le souci premier de l'oeuvre, à savoir l'intelligence du fait catholique, et, au-delà, du fait chrétien.
Evitant à la fois le ricanement pamphlétaire, et la révérence déguisée, ce volume est conduit, de bout en bout, par un souci d'honnêteté servi par une vitalité intellectuelle et une générosité rarement rencontrées à cette échelle.
L'illustration de Pascal Magnat force aussi l'admiration par sa capacité à jongler, sans jamais tomber dans la fosse, entre humour et didactisme, avec un sens du trait que n'aurait pas renié Max Weber, si ce dernier avait été graphiste à Berlin au XXIe siècle. Le site Planètebd, qui fait référence, ne s'y est pas trompé, saluant ni plus ni moins un "livre génial", rempli d'infos et d'humour, et réalisé "avec une neutralité remarquable", servi par un dessin "à la fois très détaillé et cartoonesque" (lien).
Quant à la prestigieuse revue dBD (ci-contre), dans son numéro 98 de novembre 2015, elle salue, par la plume de Henri Filippini un "défi gagné" au service du décryptage, par l'humour et le savoir, du "pouvoir dans l'Eglise".
Gageons que les revues académiques de sciences sociales des religions sauront aussi, dès que possible, saluer cet immense travail de pédagogie joyeuse du savoir académique.
Commercialisé à seulement 24 euros par l'éditeur Les arènes, c'est de très très loin le meilleur rapport qualité-prix du marché pour qui veut comprendre, de manière laïque, ludique, honnête et libre, l'histoire du catholicisme (et son mythe impérial) depuis ses origines et, au-delà, l'histoire politique du christianisme.
Espérons sa traduction prochaine en langues étrangères, et, pourquoi pas, son adaptation pour la télévision ou le 7e art. En attendant, on ronge son frein en l'attente du 2e tome...
Lien vers l'éditeur.
(cette blognote inaugure notre nouvelle rubrique, "Un dimanche en BD")