"Quand sa nourrice, une protestante qu'il a sauvée du massacre, s'approche du lit, le roi éclate en sanglots :
-Ah, ma nourrice, ma mie, gémit-il, que de sang et de meurtres ! Ah ! J'ai suivi un méchant conseil. Mon Dieu ! Pardonnez-le-moi, je suis perdu, je le sens bien !
-Sire, répond la nourrice, les meurtres et le sang soient sur ceux qui vous les ont fait commettre.
Le lendemain, le roi repentant expire. Persécuteur des protestants, il n'a trouvé auprès de lui, pour adoucir ses dernières heures, qu'une protestante"...
L'historien et académicien français Alain Decaux, natif de Lille, est l'auteur de ces lignes très légèrement romancées sur les derniers moments du roi Charles IX, dans le chapitre 8 de Alain Decaux raconte l'histoire de France (Perrin, réed. 2015).
Il n'était pas un praticien de l'histoire comme "science sociale". C'était un conteur très cultivé, fin et passionné, "à l'ancienne", un 'ressusciteur' du passé par la magie du verbe, qu'il maîtrisait avec un art que n'aurait pas renié Boileau. Que de générations a-t-il inspirées!
Pour ma gouverne, ses émissions sur l'ORTF puis sur France 2, de 1969 à 1987, ont été de celles qui ont fait naître ma vocation d'historien. Quand "Alain Decaux raconte", la guerre des Camisards (émission de novembre 1979), difficile de ne pas être pris par l'envie d'en savoir plus, de lire et fouiller pour mieux comprendre des faits soudain rendus si proches. Petit verbatim de cette émission, évoquant Abraham Mazel (lien) :
"Un protestant comme tous ces hommes, un huguenot comme tous ces hommes, qui vivent sous la répression royale, la répression catholique, ces hommes persécutés traqués, eh bien, tout à coup Abraham Mazel a été saisi de quelque chose qui lui est venu là, soudainement, alors qu'il ne s'y attendait pas : l'Esprit a parlé en lui".
Quelle flamme dans ses yeux, quel éclat dans ses mots, quand il ressuscitait ainsi par le récit des pages oubliées de l'Histoire! Auteur d'une soixantaine d'ouvrages, cet admirateur d'Alexandre Dumas était ce qu'on appelle en France, avec parfois une petite pointe hautaine, un "vulgarisateur". C'était un passeur populaire.
Alain Decaux était aussi un chrétien convaincu, par ailleurs rattaché politiquement aux idées de gauche de Victor Hugo. Biographe de l'apôtre Paul (lien), il n'était pas insensible à cette parole, retranscrite dans la 2e épître de Paul aux Corinthiens (12: 19): "Ma Grâce te suffit".
Commentaires
Merci Sébastien pour ce bel hommage !