Le God gap a longtemps été le principal handicap électoral des démocrates aux Etats-Unis.
Défiant tous les pronostics initiaux, Barack Obama semble assez bien parti pour surmonter cet obstacle.
A l’inverse de Ted Stranger qui a parié urbi et orbi, en France, sur la victoire de… John McCain aux prochaines élections générales aux Etats-Unis, je parierai l’inverse: car Barack Obama n’a pas seulement réussi à remporter de haute lutte l’investiture démocrate contre une valeureuse Hillary Clinton.
Obama a aussi, et surtout, réussi à réduire un peu le God Gap, à savoir le gouffre qui sépare un Parti Républicain abonné au vote religieux, et un Parti démocrate désespérément en mal d’électeurs croyants.
Un des visages de ce tournant est incarné par la pasteure pentecôtiste Leah Daughtry (voir photo d'introduction de cette note), chargée avec d’autres d’animer la prochaine convention démocrate d’août 2008.
Interviewée il y a trois jours sur le Christian Post par un journaliste de l’Associated Press, elle défend le point de vue de «People of Faith», un groupe de pression cherchant à promouvoir foi religieuse et engagement démocrate, et se dit convaincue qu’Obama peut toucher une part de l’électorat religieux, y compris évangélique.
Trois handicaps
La partie n’est pas gagnée d’avance pour Obama.
Soupçonné d’être d’origine musulmane (ce qui n’est pas un atout pour l’électorat chrétien américain), étiqueté comme à gauche du parti démocrate (un autre handicap pour l’électorat religieux), il a longtemps passé pour encore moins armé que John Kerry dans la conquête des votants pratiquants.
Reconquête
Mais il a réussi à renverser en partie la vapeur sous l’effet de trois facteurs décisifs.
1. Le premier facteur est son charisme personnel, immense.
Barack Obama est une «personnalité» exceptionnelle et un immense orateur (son fameux discours, traduit en français sous le titre, De la race en Amérique, est déjà un classique). Ce trait attire l’électeur, y compris l’électeur religieux, qui préfère les politiciens aux allures de prophète aux politiciens passe-muraille.
2. Le second facteur est son habileté à jouer sur les nouveaux réseaux religieux, notamment les megachurches, élément que j’avais expliqué dans une note précédente.
A l’inverse de Mc Cain, il est tout à fait à l’aise au sein des sous-cultures religieuses militantes états-uniennes d’aujourd’hui, même s’il est en décalage avec elles sur certains points (positions par rapport à l’avortement).
3. Le troisième facteur est la sincérité réelle ou supposée de ses accents religieux.
Obama dit être devenu chrétien suite à une démarche personnelle, suivant un vocabulaire tout à fait en phase avec la rhétorique protestante évangélique.
Barack Obama émaille par ailleurs ses discours de très nombreuses références religieuses, et ses spectaculaires promesses récentes d’étendre le programme «Faith Based» initié par G.W.Bush (financement public aux œuvres sociales religieuses) ont convaincu d’assez nombreux électeurs que cet homme est finalement «God compatible».
Il reste à Obama beaucoup de travail à faire du côté de l’électorat évangélique blanc (environ 25% seulement de ces derniers pensent voter pour lui).
Du côté d’autres électorats religieux en revanche, y compris les évangéliques afro-américains, la tendance est nette: mieux que Kerry en 2004, Obama a su atteindre une crédibilité suffisante dans ces milieux pour que le God Gap ne soit plus, pour les démocrates, un handicap insurmontable.
Jusqu’à la victoire ? A suivre.
Commentaires
Excellente analyse, comme toujours. J'ajouterai un élément toutefois: la tendance du "gap" qui se referme peut s'intensifier ou s'estomper dès lors que l'on connaîtra le co-listier de McCain. On assiste en effet à des intentions de report du vote religieux "par défaut" parce qu'il n'y a pour l'instant personne dans les camps républicain et démocrate qui commande de manière significative et indiscutable le vote des évangéliques et autres croyants indécis. Si McCain choisi un co-listier "conservateur", alors il faudra ajouter un quatrième handicap pour Obama en dépit de ses appels du pied à destination de l'électorat religieux. Et la pronostique de Ted Stanger se trouvera justifiée. On a assisté à cette même situation d'intention de vote "par défaut" en faveur de Mitt Romney avant les premiers caucus républicains jusqu'à ce que Mike Huckabee arrive en piste et modifie la donne s'agissant du vote religieux.
Juste un petit mot pour redire ma désolation de voir s'insinuer la classique erreur "évangéliste" pour "évangélique" jusque dans les colonnes du Journal "Le Monde" version électronique un lien vers un reportage de daily motion, posté par France 24, du journaliste Philippe Gassot...
http://www.dailymotion.com/relevance/search/%25C3%25A9vang%25C3%25A9listes%2BMcCain/video/x6b8ns_mccain-et-les-evangelistes_news
Les pédagogues ont encore de beaux jours devant eux...
Donc, Continuez!!!
réponse à Benoît : "évangélistes et évangéliques" : je propose , pour nous "venger" pacifiquement, que tant que certaines personnes persisteront à nous appeler "évangéliques", nous disions "catholistes" au lieu de "catholiques", na, surtout que vous avez le même prénom que le pape actuel ( enfin, pour vous c'est votre vrai prénom, pas pour lui ... )
Bonjour M. Fath.
C'est la première fois que je vous laisse un commentaire, mais je visite déjà votre blog de temps à autres depuis pas mal de temps. Je suis un jeune chrétien de 18 ans, j'habite à Dole dans le 39.
Je voudrais tout d'abord vous remercier pour l'ensemble de vos articles (je ne les ai pas tous lus mais ce que j'ai lu m'a beaucoup éclairé), et particulièrement ceux sur le lien entre foi et politique aux Etats-Unis. Je m'intéresse beaucoup à la politique en général, et ces questions me font fréquemment réfléchir. Je pense qu'il est impossible de savoir toute la vérité sur la sincérité de la foi des Présidents américains, Républicains comme Démocrates : les enjeux politiques de l'électorat chrétien sont tellement immenses dans ce pays, que chaque politicien est obligé de les séduire. C'est bien triste, parce que ça s'éloigne absolument des principes de l'Evangile... Mais je pense tout de même que c'est d'autant plus difficile à comprendre pour nous évangéliques français, que nous vivons dans un pays profondément anti-Américain, et donc l'image que nous avons des politiciens de ce pays est forcément plus noire qu'ils le sont réellement.
Il me paraît évident que Bush n'a rien d'un vrai chrétien, et qu'il s'est moqué des évangéliques qui ont voté pour lui. Sans compter qu'il est membre des "Skull ans Bones"... D'ailleurs, votre article sur ses liens avec le catholicisme m'a fait comprendre bien des choses, et je vous en remercie particulièrement. Le pire de tous les hypocrites me paraît être Reagan, qui a tout de même été le premier à se servir de termes pseudo-religieux sur le bien et le mal comme l'Empire du Mal (repris par Bush dans son "axe du mal") pour désigner des enjeux politiques. Etant acteur de cinéma avant de se lancer dans la politique, il n'avait aucune difficulté à feindre une foi en Jésus. Et ce, d'autant plus que son prédécesseur et rival dans sa première campagne, Carter, est un des Présidents donc la vie et l'action politique, selon moi, reflète le plus le véritable Evangile. Déjà, c'est le seul Président démocrate (à ma connaissance, vous devez connaître ça mieux que moi donc corrigez-moi si je me trompe) qui s'est exprimé clairement contre l'avortement. Et en général, il a promu la paix et la justice. Carter est le seul Président dont je suis absolument sûr qu'il était réellement chrétien. J'aimerais savoir si vous partagez ces analyses.
Obama aussi s'y met maintenant à séduire l'électorat chrétien. Je dois dire que cet homme me séduit depuis le début, il est jeune, donc tendu vers l'avenir, mais a choisi un vice-Président qui compense son manque d'expérience, il paraît fondamentalement honnête et réellement soucieux de l'intérêt du peuple avant le sien personnel, il a des idées qui me paraissent très bonnes. Mais la seule chose qui me choque, c'est son soutien à l'avortement, cette usine de mort. Nous savons pourtant qu'un foetus est un être humain à part entière, et qu'il est aimé de Dieu. Comment est-il donc possible de se dire chrétien et d'être partisan du meurtre de millions d'innocents ? En-dehors de ce point, je serais partisan d'Obama sans réserve, mais réellement cela me choque, et je ne comprends pas comment des chrétiens peuvent être séduits par cela. D'un autre côté, Bush est totalement contre l'avortement (c'est à peu près son unique bon côté), et en 8 ans de présidence il n'a rien pu changer à ce niveau-là, ce sont principalement les Etats qui en décident. Mais tout de même, c'est un point essentiel, je ne parle pas en France où de toute façon il n'y a plus aucun parti à s'opposer à l'avortement (sauf l'extrême-droite, pour qui je ne voterai certainement pas, pour d'autres raisons), mais aux Etats-Unis où le débat est encore vif c'est une question essentielle pour les chrétiens. Qu'en pensez-vous ?
Philip