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Laïcité de "Celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas" (Aragon)

joan sfar,laïcité,france,tolérance,intolérance,laïcisme,sécularisme sectaire,religion,paris,attentats du 13 novembre 2015,luis aragonJoan Sfar aurait-il trahi son chat?

L'auteur de la formidable série Le Chat du rabbin, avait su, au fil de 6 tomes d'une BD culte, camper un monde multiculturel et multireligieux. Avec un chat sceptique, cynique, mais tolérant.

Aux lendemains des effroyables attentats parisiens du 13 novembre 2015, l'auteur a dérapé, comme d'autres (la peur est mauvaise conseillère), s'éloignant de la patte délicate du félin au profit de la main pesante du dénonciateur.

Joan Sfar a peiné beaucoup de monde en réagissant avec intolérance, à la suite des effroyables attentats du 13 novembre 2015 à Paris.

Mais il retrouvera tôt ou tard sa lucidité. C'est d'autant plus important qu'il est devenu, du fait de sa popularité, un prescripteur d'opinion. Lourde responsabilité!

 

Son chat, bien que très critique face aux religions de certitude, n'aurait jamais défendu ce qu'il a cru bon d'écrire.

Dans la vignette numéro 8 d'une mini-série dessinée censée rassembler, par-delà la drame, Joan Sfar a affirmé ceci, en anglais (nous traduisons) :

"amis du monde entier, merci pour #prierpour Paris, mais nous n'avons pas besoin de plus de religion!

Notre foi va à la musique ! Aux baisers ! A la vie ! Champagne et joie !

#PARISC'ESTLA VIE".

SFAR 1.jpg

Le chat du rabbin, lui, fréquente croyants et incroyants, religieux et mécréants.

Ici, Sfar exclut au lieu de rassembler. Le "nous" se place du côté d'une vie non religieuse, centrée sur la musique, l'amour et le champagne. Et les prières de la religion ne sont pas souhaitées.

La seule foi du "nous" se place ici dans les loisirs et les plaisirs. La laïcité française, c'est pourtant la cohabitation des croyants et des incroyants. On peut être religieux ET laïque. On peut aussi être religieux ET aimer la vie & un pot en terrasse, tout comme l'on peut être non-religieux et ne pas aimer le champagne.

Beaucoup, parmi les victimes des cafés, ou du Bataclan, étaient laïques tout en étant aussi animés d'une foi religieuse, qu'elle soit musulmane, catholique, protestante ou bouddhiste. Toutes et tous, aimaient la vie, qu'ils soient religieux ou pas.

 

joan sfar,laïcité,france,tolérance,intolérance,laïcisme,sécularisme sectaire,religion,paris,attentats du 13 novembre 2015,luis aragon"Celui qui croyait au Ciel et celui qui n'y croyait pas"

Pourquoi construire un mur, une opposition entre un "nous" séculier et d'encombrants croyants, alors que l'heure est plus que jamais au rassemblement et à la fraternité?

Est-ce bien le moment de contribuer un peu plus à la regrettable confusion qui voudrait que la laïcité (espace commun et partagé) soit remplacée par un sécularisme sectaire, antireligieux?

Dans d'autres temps de résistance, au fil du poème La rose et le réséda (1943), Louis Aragon avait eu l'élégance, lui, de faire communier "celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas".

En ces temps d'épreuve nationale, Aragon et bien d'autres (on pense à Eluard) n'auraient pas écarté ou snobé les prières des amis bienveillants qui, de part le monde, s'associent à la peine de la France. Comme si cela ne suffisait pas, Joan Sfar nous a laissé le même jour, dans la même mini série BD (vignette numéro 12), une autre marque d'intolérance en affirmant ceci:

"Amoureux de la mort, si Dieu existe, il vous exècre. Et vous avez déjà perdu, sur la terre comme aux cieux".

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Au-delà d'apparents bons sentiments, le message est terrible, et aux antipodes, notamment, du Dieu de la tradition judéochrétienne et des Evangiles.

Dans la Torah, le rouleau d'Ezechiel nous présente une divinité qui ne souhaite pas la mort du méchant, mais attend un changement de conduite (Ezechiel 18:23, Ezechiel 33:11).

Dans les Evangiles, Jésus invite à aimer les ennemis, prier pour les persécuteurs (Matthieu 5: 44). Ce dieu-là n'exècre pas les meurtriers, Il les aime, Il souffre pour eux, et les invite à changer. Tout à l'opposé du message de haine benoîtement dessiné par un Sfar très mal inspiré en la circonstance, qui sans s'en douter, donne du grain à moudre aux partisans du choc des civilisations (et des dieux).

On rêve que Joan Sfar reprenne sa plume, et écrive plutôt : "si Dieu existe, il n'excècre personne. Il aime chacune et chacun, même le plus égaré, et invite à choisir la vie".

Commentaires

  • Qui sait si Sfar ne serait pas d'accord avec votre analyse, SF? En effet, son "slogan" ne signifie pas "éradiquons la religion", mais "n'en augmentons pas la dose".
    Si "religion" est (ici surtout) à différencier de "foi" (et si la foi laisse effectivement indemne le discernement), il n'y a en effet aucune contradiction à retrouver aux terrasses d'un même café croyants et incroyants. Quant à la musique, les goûts et les couleurs...Quant à l'Amour, oui, vous avez raison, c'est ce qui manque.
    Personnellement je ne discerne pas le "choc des civilisations" dans la réaction à chaud de Sfar. Il me semble plutôt vouloir éviter que les différences s'habillent de "religion", de cette religion qui ne conçoit l'universel que comme généralisation, domination radicales sans respect des singularités, des questionnements existentielles.
    l'usage du "nous" me semble ici énonciatif, réduit à "nous autres qui pensons ainsi", pas à un usafe référentiel massif qui désignerait un bloc. Merci pour Ezéchiel et les Evangiles, d'actualité aigüe aujourd'hui. Bonne journée. gef

  • D'accord avec vous!
    Il y a eu aussi, dans le genre:
    http://www.liberation.fr/france/2015/11/17/c-est-gentil-mais-ne-vous-sentez-pas-oblige-de-prier-pour-paris_1414051
    L'auteur dit que prier pour Paris, c'est faire le "jeu des religions et de ses guerres"
    Il écrit "La France est un pays laïc où toutes les religions ont le droit d’exister mais doivent se tenir cachées dans le domaine privé" Religieux cacher vous, la rue c'est pour les incroyants

  • D'accord avec vous pour le premier dessin. J'ai d'ailleurs moi-même eu un échange assez vif avec une ex-camarade d'études qui l'avait partagé et ne comprend malheureusement toujours pas en quoi il est blessant.

    En revanche, je crois que vous vous égarez sur le deuxième : les "amoureux de la mort" sont certainement les terroristes, pas les croyants en général, et là le commentaire prend tout son sens.

  • Oui, bien-sûr, les "amoureux de la mort" sont les terroristes!
    Mais en théologie chrétienne, ainsi que dans une large part de la tradition juive me semble-t-il, Dieu aime aussi ceux qui tuent et commettent le mal (comme les terroristes). C'est un scandale, LE scandale de l'Evangile peut-être. Dieu aime MEME le méchant. Mais il lui demande de changer.
    Un Dieu qui fait toujours la différence entre le Mal (qu'il ne supporte pas) et ceux qui commettent le Mal (aimés malgré tout, mais appelés au repentir).

  • Je me permets de vous transmettre ce lien, vous y trouverez la publication affligeante de Sfar en fin d'article qui débute par ces mots " depuis 30 ans que j'écris que la religion c'est con..."

    Ce n'est pas l'honnêteté intellectuelle qui doit gêner cette personne...

    http://www.lefigaro.fr/culture/2015/12/07/03004-20151207ARTFIG00229-elections-regionales-le-monde-de-la-culture-reagit-aux-resultats-du-fn.php

  • L'honnêteté intellectuelle? Vous allez trop vite en besogne, jpeg, me semble-t-il. Ce que SFAR incrimine c'est bien "la" religion comme système, qui ne va pas sans bourrage de crâne, faux-semblants, oppositions simplistes. La "foi" est refus de s'enfermer dans ce système, de prendre le parti d'une Vie régie par un Amour autre que purement gnan-hnan, où l'ennemi, que la religion écarte, voire tue allégrement, reste... "à aimer".
    SFAR n'est pas une idole et il patine en ce moment, mais laissons-le exprimer son scepticisme quant aux guerres de religion. gef

  • Aragon, c'était quand même la classe. Sfar ne lui arrive pas à la cheville

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