Ce «dimanche prétentieux qui veut paraître rose» (dixit Gréco), notre président Nicolas Sarkozy lui règle-t-il son compte?
Force est d’observer que son souci de faciliter l’ouverture des commerces 7 jours sur 7 sonne le glas d’une certaine conception du dimanche, jour à part, et pourquoi pas, «jour du Seigneur».
Mais voilà, nous avons beau vivre dans un pays très sécularisé, où 5 Français sur 100 seulement vont au culte ou à la messe chaque semaine, tout le monde n’applaudit pas.
La preuve, regardez cette affiche,.
J’ai photographié cette affiche il y a trois jours (28 avril 2008), dans les rues de Paris, non loin de mon lieu de travail, dans le 17e arrondissement.
Je la trouve fascinante.
Du point de vue de la sociologie des religions, elle diffuse au moins trois messages.
Premier message
Premier message: le combat d’une organisation d’inspiration chrétienne pour éviter le travail dominical. Classique, hyper-classique même.
Mais il est intéressant que dans la France quasi néo-païenne de 2008, on se batte encore pour cela, quand tant de pays voisins ont banalisé le travail dominical.
Second message
Second message: on se place du point de vue du droit du travail.
Rien, dans l’argumentaire présenté, ne renvoie à une quelconque obligation religieuse. C’est du point de vue syndical, du point de vue du respect des travailleurs, que le syndicat chrétien lutte contre le travail du dimanche.
Là encore, c’est finalement assez classique.
Troisième message
Troisième message: on suggère que le dimanche, c’est réservé à la couette!
Là, c’est beaucoup moins classique, et c’est cet aspect qui me semble le plus intéressant dans l’angle choisi par la CFTC. Le visuel laisse clairement entendre ceci: un dimanche matin, c’est pas une vie d’aller au boulot quand des avatars de Béatrice Dalle et Brad Pitt pourraient s’adonner aux galipettes sous la couette!
Vous me direz, j’ai l’esprit tordu….
A d’autres!
On n’a pas choisi un beau jeune couple par hasard, on n’a pas choisi par hasard non plus de les montrer au lit, et ce n’est pas par hasard qu’on parle d’excitation. IL ne faut pas être grand clerc pour saisir le message: le dimanche, on devrait pouvoir s’adonner en paix au joies du calin, et oublier le turbin de la semaine.
D’un point de vue socio-historique, cet angle publicitaire choisi par la CFTC m’inspire ce commentaire: nous avons ici un parfait exemple de combat contre un effet de la sécularisation, EN UTILISANT un autre effet de la sécularisation.
Je m’explique: il s’agit bien ici, pour le syndicat chrétien, de lutter contre le travail du dimanche, car le dimanche est un jour à part, non pas seulement un acquis social mais aussi «le jour du Seigneur», comme l’affirma explicitement le secrétaire général adjoint du-dit syndicat (ci-dessus) dans les colonnes du Figaro (30 avril 2008).
On lutte donc bien contre un des effets de la sécularisation, qui vise à gommer le caractère spécifique du dimanche.
Mais nous vivons dans une société trop sécularisée pour que ce combat puisse aujourd’hui être audible sur la base d’une argumentation religieuse.
La CFTC emprunte donc à la société sécularisée un de ses arguments: l’épanouissement du couple, si possible jeune, beau et sexuellement actif. C’est au nom de «l’excitation» à préserver (couette, nous voilà) qu’on défend le dimanche.
Ce propos s’inscrit, historiquement, en décalage avec l’enseignement de l’Eglise catholique, auquel se rattache pourtant de loin la CFTC.
Rappelons en effet que l’Eglise catholique a longtemps regardé d’un mauvais œil la sexualité conjugale le dimanche, le mari étant plutôt enjoint de ne pas s'approcher trop près de sa femme…
La messe plutôt que la bagatelle
Du reste, toute activité un tant soit peu fatiguante, en-dehors de la pratique religieuse, était mal vue le dimanche, comme l’illustrent ces extraordinaires représentations médiévales du «Christ du dimanche», blessé de tous côté par ceux et celles qui transgressent le repos sacré (voir le livre de D.Rigaux).
Le «jour du Seigneur» devait être au Seigneur, pas à la bagatelle.
Il est donc révélateur de voir aujourd’hui le repos dominical défendu AU NOM de l’excitation du couple: c’est à l’intérieur d’un système de valeurs sécularisées que le syndicat chrétien se positionne, car il n’a probablement pas d’autre choix s’il veut obtenir un impact.
Commentaires
Bonjour,
il y a une vingtaine d'années, j'ai rencontrés des Evangéliques britanniques impliqués dans la campagne "Keep Sunday Special" ("Le dimanche doit rester un jour spécial", pourrait-on traduire), laquelle campagne relevait (et relève toujours) d'une association non confessionelle, Relationships Foundation. De nombreux lieux de culte avaient affiché des informations sur cette campagne pour inviter leurs fidèles à y prendre part.
Pouvez-vous, M. Fath, me dire si les Evangéliques français ont réagit à la nouvelle législation, si oui comment, sinon pourquoi?
Cordialement,
Frédéric Maret.
http://www.keepsundayspecial.org.uk/
http://www.relationshipsfoundation.org/
Cela rappelle une autre vérité dérangeante : pas de lois sociales sans idée chrétienne d'une justice supérieure due à tout homme au delà du simple jeu des intérêts matériels.
Sans cela, dans le système libéral, les plus riches et les plus influents ou les plus nombreux gagnent les élections.
Sous la IIIe république rurale et bourgeoise, tant pis pour les ouviers.
Pour ceux ci la seule alternative se trouve alors dans la révolution communiste.
un site très intéressant sur le travail du dimanche : www.travail-dimanche.com, avec une pétition que je recommande de signer !
Bonsoir,
Sébastien votre article me semble quelque peu "tiré par les cheveux" et je m'étonne que votre sagacité habituelle (non, non, sans ironie) soit quelque peu prise à défaut.
En effet, vous êtes a priori, le seul en France qui puisse penser une seul instant que la CFTC soit le défenseur des valeurs chrétiennes et en l'occurrence du jour du Seigneur.
Allez donc consulter leur site cftc.fr et plus particulièrement le chapitre "fondement et identité de la cftc", vous vous apercevrez qu'il n'y est jamais fait allusion au Christ ni à la Bible.
Par ailleurs j'ai été moi même adhérent de la cftc à EDF et j'y ai côtoyé leurs principaux dirigeants : aucun d'entre eux n'était croyant pratiquant et je doute même qu'ils fussent seulement "croyants".
La bataille du dimanche n'est qu'un alibi (respectable) pour exister dans le monde très concurrentiel du syndicat. Si quelques valeurs réellement chrétiennes ont pu prévaloir à l'origine du mouvement ; il y a belle lurette qu'elles ont disparues au profit de valeurs humanistes et syndicales, tout ce qu'il y de plus classique !
Désolé, Sébastien, mais sur le coup, vous avez (à mon humble avis) perdu du temps sur cet article.
A moins que votre intention, ne fusse autre ?!
Cordialement.
Bonjour Albert, et excusez-moi d'intervenir ici.
La CFTC prétend défendre des valeurs chrétiennes. Pas Jésus ni la bible. Il est question de valeurs.
Ce que je veux dire ici, c'est que l'humanisme peut très bien se targuer de puiser ses origines dans les valeurs chrétiennes. Il s'agit là d'un fait de type social, pas de foi. D'ailleurs je ne crois pas que la CFTC revendique quoi que ce soit en matière de foi.
Les valeurs chrétiennes me parlent de moralisme. Rien à voir, donc, avec la foi.
En ce sens, je trouve que S. Fath a raison d'écrire que ce syndicat défend des valeurs chrétiennes. Il ne s'est pas trompé.
Bonsoir LionEl,
excusez-moi, mais je ne comprends pas bien. Selon vous, la cftc défend des valeurs chrétiennes, mais celles-ci seraient déconnectées de l'enseignement de Jésus et de la Bible. Par contre les valeurs humanistes défendues par la cftc, puisent leurs origines dans le christianisme !!
Votre contre-sens se passe de commentaires. Je persiste et signe : "le syndicat "chrétien" (sic) se positionne à l’intérieur d’un système de valeurs sécularisées" tout simplement, parce-qu'il est une organisation elle-même "séculière""!!
Pour conclure, attention de ne pas idôlatrer Mr Fath. Celui-ci est un excellent historien et sociologue, mais il lui arrive aussi de se planter !!
Cordialement.
idolâtrer?
ça alors!
Désolé LionEl.
Autant pour moi. Je retire "idolâtrer", terme excessif et non opportun.
Sans doute une espèce de lapsus (religion, idole, ...).
Toutes mes excuses.
Je voudrais pas donner l'impression d'insister, mais j'ai reçu ce mail aujourd'hui, alors forcément, je pouvais pas laisser passer l'occase :
"Bonjour,
De graves menaces pèsent sur le repos dominical.
La proposition Mallié, qui devrait être examinée le 11 décembre par l'Assemblée, prévoit l'ouverture de tous les commerces le dimanche.
Sous la pression des courants d'idées matérialistes, et des lobbies marchands, l'Assemblée s'apprête à nous proposer comme programme du dimanche d'aller errer comme un zombie dans les galeries marchandes, chez Confo, chez Casto, chez Leroy-Merlin ?
Il semble que sous la pression, l'ouverture le dimanche après-midi aurait un peu de plomb dans l'aile. Continuons! Réagissons ! Place à la vie associative, culturelle, sportive, bénévole, spirituelle et bien entendu familiale !
Signons tous une pétition de soutien au repos dominical :
Un site de gauche : http://www.commerce.cgt.fr/spip.php?article253
Un site citoyen : http://www.travail-dimanche.com/component/option,com_wrapper/Itemid,116/
Un site religieux : http://www.repos-dominical.com/petition/ ".
Donc voilà qui illustre mes propos précédents. La confusion des genres est bien apparente : syndicat, politique, religion, humaniste
, .. tous unis face à la menace consumériste ! Dans ce contexte, il est tout à fait normal que la cftc, qui demeure un syndicat tout ce qu'il y a de plus classique, se positionne dans un "système de valeurs sécularisées" pour obtenir un impact, auprès des salariés du monde ...."séculier". Rien d'étonnant à cela.
Hou, hou ... Mr Fath, vous êtes là..??
Peut-être ne répond-il que le ...dimanche ??
Allez promis, je vous embête plus.
Chô et bonne continuation à votre blog