Centre Missionnaire de Carhaix: en attendant plus ample information

Cette note constitue la 3e, et la dernière (avant longtemps) consacrée dans ce blog au Centre Missionnaire Evangélique de Bretagne (CMEB), dit aussi Centre Missionnaire de Carhaix.

Suite à une rencontre constructive avec Franck Keller et Samuel Charles, du CMEB, qui s'est déroulée lundi 21 novembre 2011 au Centre Evangélique (CEIA) de Lognes (où le Centre Missionnaire ne tient pas de stand), voici quatre dernières remarques complémentaires, pour clore l'aperçu donné ici des débats qui agitent ce centre et son environnement.

Besoin d'accès à la parole

1. Le surprenant déferlement de commentaires confirme amplement, a posteriori, la nécessité du risque pris d'évoquer la situation d'imbroglio dans laquelle se trouve le CMEB, suite à diverses campagnes de mailing (dossiers envoyés à de nombreux responsables du protestantisme, mais aussi à la MIVILUDES).

Bien que délicat et douloureux pour les acteurs concernés (au CMEB et à l'extérieur), la mise à disposition d'éléments de réflexion et de débat paraît, à ce stade, plus salubre que la chappe de plomb, qui semble avoir déjà trop duré au vu de l'ampleur des réactions passionnelles (n'en déplaise à quelques partisans acharnés du "silence dans les rangs").

Cet afflux de commentaires nécessite naturellement un tri, et ouvre des pistes dont certaines seront étayées, d'autres pas, comme il est presque toujours de règle dans ces cas de figure où la parole se libère. Il s'est dessiné sur fond de fonctionnement cahotique du blog (la plateforme Hautetfort a connu plusieurs ratés ces derniers jours), mais je rassure tout le monde: la liberté d'expression a été donnée à toutes et tous sans parti pris (en cas de "bug", il faut simplement renvoyer le commentaire, et il est publié ou republié).

 

Le CMEB n'est pas une secte

2. Le dossier Carhaix apparaît complexe, ramifié, plus ancien que je ne l'imaginais (F.Keller et S.Charles font état de contentieux familiaux qui remontent au début des années 1990), et illustre de multiples difficultés de régulation sur lesquelles la lumière est loin d'être faite; d'un côté, un faisceau de griefs (dossiers de correspondance nominatifs, commentaires -surtout anonymes- sur ce blog), de l'autre, un ancrage local solide et une ligne de défense "en bloc" (qui ne reconnaît, pour l'instant, aucun disfonctionnement interne). 

Des chantiers de réflexion se dessinent clairement, des hypothèses interprétatives sont permises, mais tirer des conclusions tranchées serait, à ce stade, prématuré.

A cet égard, il est utile de rappeler, à l'attention des observateurs peu informés des réalités protestantes, qu'il ne saurait être question, au vu des pièces actuelles, de qualifier le CMEB de secte.

Institution qui contribue au paysage protestant français (et à sa vitalité éditoriale) depuis 45 ans (cf. note 1), dotée d'un rayonnement régional dont le journal Regard d'espérance porte notamment témoignage, le CMEB est par ailleurs favorable au libre choix des fidèles en matière d'adhésion liminaire (mais aussi de désaffiliation). Le Centre missionnaire de Carhaix n'est pas une secte (au sens journalistique du terme), quelles que soient les difficultés de régulation, voire les dérives éventuelles, survenues depuis (voire même avant) le départ de la Fédération Protestante de France.

 

Un CMEB qui a choisi de démissionner des Assemblées de Dieu en 1976

3. Dans un commentaire posté le 16 novembre 2011, le "Centre Missionnaire unanime" affirme que le départ du CMEB des Assemblées de Dieu (ADD), en 1976, "fut le résultat de sanctions décidées à l’encontre du Centre Missionnaire (et de quelques autres églises) par les A.D.D. pour son entrée à la Fédération Protestante de France".

Vérification faite à partir des sources de l'époque, cette formulation est pour le moins excessive.

Lors de ma rencontre, lundi dernier, avec Franck Keller et Samuel Charles, ces derniers ont nuancé et affiné cette version CMEB (ce qu'ils avaient déjà fait dans un courriel), et ils ont bien fait.

En effet, c'est bel et bien Yvon Charles (président depuis 45 ans) qui a pris à l'époque la décision de quitter les ADD par un courrier du 7 mai 1976 dont je dispose d'une copie intégrale, pour une série de raisons dont les fameuses "sanctions" prises par les ADD ne sont qu'une toile de fond.

Ces "sanctions", légères, n'obligeaient nullement Yvon Charles à quitter les ADD. Voir, dans le départ du CMEB, un simple "résultat" de ces sanctions ne tient pas.

Du reste, on voit bien, à la lecture du courrier de démission rédigé par Yvon Charles, que la première raison de la rupture invoquée par le CMEB n'a rien à voir avec une quelconque sanction ADD, puisqu'il s'agissait pour Yvon Charles de dénoncer (dixit) les "récentes positions prises par les conventions Sud et Nord" qui "acceptent officiellement de couvrir les péchés graves de plusieurs pasteurs".

Les ADD n'ont donc pas exclu le Centre Missionnaire, c'est ce dernier qui a claqué la porte de la principale dénomination pentecôtiste de France, confirmant le diagnostic de l'historien Jean-Yves Carluer en 2002 sur une tendance au repli, et une propension à la forte auto-identification du groupe.

Franck Keller et Samuel Charles soulignent cependant à juste titre qu'une réconciliation s'est opérée ensuite en 1990 avec les ADD, ce dont fait effectivement état un Document Expériences que ces derniers m'ont aimablement communiqué (couverture ci-contre)... Mais une nouvelle brouille, plus récente, s'est ensuite produite (ne détaillons pas).  

Tout ceci, en soi, n'a rien d'extraordinaire. Après tout, divisions, querelles, départs et réconciliations marquent toute l'histoire du protestantisme, identité chrétienne friande de débat, de pluralité, et rétive à la centralisation institutionnelle.

Encore faut-il donner une version fidèle des faits, et ne pas faire passer le partenaire pour l'auteur d'une rupture, quand c'est de sa propre autorité que l'on claque la porte.

 Les "ADD" constituent la principale union d'églises pentecôtistes en France

 

Malaise face au flot de témoignages anonymes à charge

4. Enfin, la surprenante quantité de témoignages anonymes à charge dans la rubrique "commentaire" des deux premières notes postées dans ce blog sur le CMEB suscite, à la lecture, un certain malaise.

On comprend certes fort bien la nécessité sociale de cette pratique, au moins provisoirement, pour une partie des témoins qui souhaitent s'exprimer (besoin de protéger des membres de la famille, encore dans le centre?).

Mais je fais crédit à Franck Keller et Samuel Charles, du CMEB, de pointer à juste titre les limites d'une accumulation de dénonciations anonymes qui, en outre, n'ont pas de valeur juridique (à l'inverse de lettres nominatives).

Il paraît étrange, à la longue, que presqu'aucun commentaire à charge ne s'exprime de manière nominative. Que certains aient de bonnes raisons d'avoir peur, soit. Mais tous?

C'est pourquoi, tout en assumant sans regret le choix d'avoir contribué indirectement (au travers de la fonction "commentaires" de ce blog) à une expression longtemps rentrée, j'ai pris la décision de ne plus accepter de commentaires supplémentaires à partir du mercredi 30 novembre 2011 à minuit (clôturant ainsi un "cycle Carhaix" de 3 semaines).

Que celles et ceux qui souhaitent, après cette date, s'exprimer dans un sens ou dans l'autre sur ce dossier Carhaix le fassent autrement, et de préférence à visage découvert (c'est à cette condition seulement qu'un témoignage peut être vérifié et versé au dossier).

 

En attendant plus ample information, l'historien ne peut s'empêcher, pour finir, de réitérer ce souhait qu'un jour, une thèse de doctorat soit consacrée à cette expérience communautaire protestante au coeur de la Bretagne, dont l'itinéraire, l'identité et l'évolution, c'est peu de le dire, ne laissent pas indifférent!