A noter, dans l'édition datée du vendredi du quotidien Le Monde, un intéressant dossier consacré à la question du blasphème.
On regrettera que l'excellente synthèse de Jean Boulègue, intitulée Le blasphème en procès, n'y soit toujours pas citée. En revanche, on appréciera notamment la plume efficace, pédagogique et convainquante de mon collègue et ami Olivier Bobineau, récent titulaire (haut la main) de son HDR (Habilitation à Diriger des Recherches). Il signe un billet remarquable conclu par ces mots auxquels je m'associe pleinement: "Combien de prophètes ont-ils été accusés d'avoir blasphémé? Ainsi Jésus, traité de blasphémateur, n'est-il pas condamné parce qu'il se revendique de nature divine en se déclarant Messie, siégeant à la droite du Tout-Puissant, venant avec "les nuées du ciel" (Marc 14, 62-65)? A bon entendeur, salut."
Commentaires
Que dans notre société présente, basée sur la laïcité, la création artistique dispose d'une entière liberté de choix de ses sujets, et de la manière de les traiter, sans avoir à être inquiétée par les agissements de groupes d'opposants, je crois que c'est un principe que la plupart des chrétiens évangéliques français seraient prêts à concéder.
Encore qu'il convienne de faire remarquer que, statistiquement, quand "l'art" critique le religieux, il cible beaucoup plus le christianisme que toute autre religion. Il n'est pas certain que si les libertés prises à l'égard de l'image de Jésus, dans les productions dont il est question, l'avaient été à l'égard d'autres figures historiques et religieuses, les pouvoirs publics, pourtant si sourcilleuses de laïcité, ne seraient pas intervenu pour condamner les auteurs. Chaque cinéaste, chaque écrivain, peut faire ce qu'il veut de Jésus ; en cela Jésus reste encore unique. Pourquoi ?
Mais je tiens à exprimer mon désaccord avec la récupération qui est faite de la vie des prophètes de l'Ancien Testament, ainsi que de la vie de Jésus, dans la conclusion de l'article du monde cité.
En effet, lorsque la Bible mentionne que certains prophètes ont été accusés de blasphème par leurs contemporains, c'est pour souligner qu'ils furent accusés A TORT, et pas du tout pour corroborer l'idée d'un blasphème relatif, l'idée que ce qui paraît blasphème à Paul ne l'est pas forcément pour Jacques, et vice-versa. Le Dieu de la Bible, donc le Dieu des prophètes auxquels Bobineau fait allusion, c'est le Dieu qui se donne pour unique, absolu, éternel ; prendre son nom en vain, dire une parole injurieuse à son égard, ou seulement fausse, c'est, de ce point de vue, un blasphème en soi, devant lequel le concept de laïcité n'a aucune existence. Qu'on ne soit pas d'accord avec le Dieu de la Bible, c'est une chose, mais dans ce cas il ne faut pas prendre comme exemple ses prophètes.
Le évangiles, idem, veulent montrer tous les quatre que Jésus a été condamné A TORT pour blasphème. L'injustice suprême a été non de le crucifier parce qu'il avait SEULEMENT blasphémé, mais de le crucifier alors qu'il n'avait JAMAIS blasphémé. Quant aux innovations qu'il se serait permises vis à vis du Dieu de la Bible (donc du Dieu des prophètes sus-cités), en matière de ce qui devait être considéré comme blasphème et de ce qui ne devait pas l'être, lui-même déclare : "Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis, ce n'est pas de moi-même que je les prononce ; mais le Père, qui demeure en moi, c'est lui qui fait les œuvres."
Cette liberté de Jésus n'est donc qu'une invention pour justifier la thèse de l'auteur.
Pour ces raisons je crois que l'article d'Olivier Bobineau, au reste fort sage, aurait eu une bien meilleure conclusion sans inclure ce singulier hommage aux prophètes et à Jésus, qu'en conscience je ne peux pas partager.
Gédéon.
@Gédéon Pilset
Il est vrai qu'on est jamais très loin de pensées où chacun aurait sa vérité en ces matières, surtout que les artistes se prêtent volontiers à ce genre de discours.
Cependant, il n'est pas évident - mais je n'ai pas lu l'article - qu'il soit considéré que jésus et les prophètes ont été condamné à tord. S'ils disent la condamnation à tord, c'est - je pense - pour dire que la condamnation "à vérité" est impraticable. Un homme ne peut condamner en vérité un autre homme pour blasphème ; en effet si nous nous sommes trompés pour jésus christ, alors nous ne pouvons plus prétendre avoir raison pour personne. Si l'on peut penser justifié de condamner quelqu'un pour un vrai blasphème, alors il fallait ne pas se tromper pour le christ.
(si ce que je dis n'est pas clair, dites le moi)
C'est mon opinion et c'est comme ça que je l'entends quand je dis que jésus à été condamné "pour blasphème".
Cela étant, vous avez raison de souligner que c'est bien à tord, au moins pour jésus christ et les prophètes. Car dans ce genre de débat on s'expose toujours à ce que quelqu'un continue en défendant l'idée que chacun ferait ce qui lui plairait avec ses opinions, ou l'inverse de l'envers, et on arrive à des débats complètement stériles. On arrive à des protestants dont chacun se croit être un pape, selon la célèbre caricature.
Quand on dit que l'artiste est libre de faire ce qu'il veut dans son art - et il est heureux que les évangéliques le "concèdent" comme vous dites, ça serait encore mieux qu'ils l'approuvent et le comprennent, et même l'encouragent - c'est une approximation ; c'est pour dire qu'une autorité morale ne sait pas contraindre un artiste par des règlements x, y ou z.
Le public peut tout de même dire d'un artiste qu'il n'est pas intéressant, pas bon, etc. Aucun besoin de faire appel à la notion de blasphème. Cela peut se voir comme une liberté du spectateur.
Bien sûr, si ce spectateur n'a pas envie de voir le sein... on arrive à une situation plus complexe. Mais c'est là qu'apparaît vraiment la liberté, n'est-il pas ?
Après, il y a beaucoup de gens que certaines positions dites artistiques choquent. Ils ne veulent être ni spectateurs ni non-spectateurs, l'idée même que cela existe les choque.
Quelques fois, ils réagissent par la force, en voulant que soit interdite l'oeuvre choquante. Si, pour une société donnée, cela fait consensus, pourquoi pas ?... dans toute société il y a des non dits, des tabous. Reste qu'obtenir un consensus sur un tabou... ce n'est pas possible règlementairement, cela vient forcément d'un drame vécu, ou d'une douleur présente.
Si cela se peut, c'est mieux de rechercher une solution par l'art, de mon opinion.
@ista
Je pense avoir compris votre raisonnement selon lequel : si les hommes se sont trompés en condamnant Jésus pour blasphème, cela leur ôte le droit de juger tout autre être humain pour un motif semblable. Je suis d'accord avec cette logique, mais permettez moi d'ajouter qu'indépendamment de ce qui s'est passé pour Jésus, un homme n'a pas l'autorité de juger un autre homme pour blasphème, excepté si Dieu en personne le demande. Or, en ce qui touche au judéo-christianisme, de tels jugements n'ont pu s'appliquer légitimement que dans la période de la théocratie juive de l'Ancien Testament, et ils ont été limités au peuple d'Israël. Si certains prophètes et Jésus ont été accusés (faussement) de blasphème, c'était uniquement dans le cadre de la législation religieuse juive de l'époque. Le problème ne se pose évidemment plus au chrétien aujourd'hui.
Par contre, je ne suis pas certain d'avoir été suffisamment clair en taxant de "récupération" l'exemple des prophètes et de Jésus, qu'Olivier Bobineau avance pour défendre une liberté d'expression qui font crier plusieurs au blasphème.
Il est bien évident (à mon sens) qu'un chrétien évangélique ne peut pas 'approuver', des productions artistiques du type de celles qui ont provoqué ce tumulte ; puisqu'elle donnent une représentation de Jésus-Christ sans rapport la personne historique dont les apôtres témoignent. Il peut seulement 'concéder', que les artistes font ce qu'ils veulent, et que lui le chrétien pense ce qu'il veut. Le chrétien est dans le monde, sans être du monde, selon l'expression de son Maître ; donc ce que peuvent dire les média l'intéresse sans doute, mais sans plus. Le chrétien est d'accord pour rendre à César ce que César demande, mais personnellement il n'a pas besoin de l'approbation de César ni de son soutien relativement à l'objet de sa foi.
Citer les prophètes et Jésus comme exemple de personnages, qui EUX AUSSI auraient été accusés par des fanatiques de blasphème, me fait l'effet d'une sorte de compliment magnanime que César voudrait rendre au christianisme. Le chrétien n'a pas besoin de ce cette obole de César. D'une part parce que sa pièce de monnaie est fausse : Jésus et les prophètes n'ont rien de commun avec les artistes en question, ils n'ont pas les mêmes valeurs, on ne peut pas les ranger dans un même sac. D'autre part, même si la pièce de monnaie de César était de bon aloi, le chrétien ne veut rien lui devoir. Ne sais-tu pas, disait Pilate à Jésus, que j'ai le pouvoir de te relâcher, ou de te crucifier ? Mais Jésus ne lui pas retourné de compliment : Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi, s'il ne t'avait été donné d'en haut...
Bon, peut-être que je me suis trompé en prenant pour un geste paternel de César, ce qui ne voulait être que le clin d'œil amical d'un sympathisant : "Au fond, voyez, je suis de votre côté, même si mon emploi dans la maison de César ne me permet pas d'en dire plus". C'est gentil, mais sans aucunement vouloir passer pour hautain, les chrétiens n'ont pas plus besoin de clins d'œil. Chacun doit mener son affaire : celle du chrétien c'est de s'attacher aux paroles de Jésus, celle de l'essayiste c'est d'écrire son article. Ce que je voulais faire remarquer pour conclure, c'est que l'essayiste peut écrire un très bon article sans avoir besoin de citer les Evangiles. Naturellement il en a le droit (encore heureux !), mais enfin, à mon avis, ce n'est pas une bonne idée, et son article sonnera plus naturel s'il s'en abstient.
Gédéon.
Je ne comprends pas non plus pourquoi ce livre de Boulègue n'est pas cité.
Je l'ai lu, c'est un grand bouqin!
@Gédéon Pilset
Oui, je voulais bien dire que "si les hommes se sont trompés en condamnant Jésus pour blasphème, cela leur ôte le droit de juger tout autre être humain pour un motif semblable" : vous avez trés bien résumé ma pensée, je vous remercie chaudement !
Il reste le "concéder" :-)
Vous le justifiez par "Le chrétien est dans le monde, sans être du monde, selon l'expression de son Maître".
De mon coté, je vous rappelle que je "concède" l'exercice de tabous, donc de limites artificielles (je dis bien que les tabous sont artificiels, hein) à l'expression artistique, me rendant compte qu'une société donnée ne peut aborder sereinement tous les sujets. (et aussi qu'il y a des artistes qui se trompent).
Cependant, je voudrais justifier, de mon point de vue que je ne partage pas et qui se contrefiche des citations bibliques, de façon à ce qu'elle soit approuvée et encouragée, la liberté artistique.
Dans un sens religieux, la liberté n'est pas du tout de pouvoir faire ce que l'on veut, et encore moins d'être responsable, comme le prétendent éhontément les protestants. La liberté est donnée par Dieu, n'existe pas sans Dieu (il est ridicule de dire que l'on pourrait choisir librement d'être ou de ne pas être avec Dieu), elle est l'exercice du rapport avec Dieu. Avec Dieu, vous pouvez multiplier les pains, vous pouvez apaiser les tempêtes, mourir, ressusciter, souffrir, etc. C'est ce qui fait votre vie.
Le serviteur souffrant est d'abord un serviteur libre. Allons-y pour la citation biblique sur ce point : Esaïe 52 12, TOB : "Puisqu'il s'est dépouillé LUI-MÊME jusqu'à la mort, et qu'avec les pêcheurs il S'est laissé recensé". Et, pour ce qui concerne la présence de Dieu auprès de son serviteur : "Devant Lui, celui-là végétait comme un rejet... etc".
La liberté n'est donc pas seulement une sorte de condition économique qui permettrait une meilleure motivation du travail humain. C'est le rapport à la présence de Dieu. Déjà que les chrétiens souhaitent être comptés au nombre des sauvés (alors que le serviteur se compte au nombre des pêcheurs, vous l'aurez remarqué), si, en plus, ils veulent limiter la liberté au motif que certains débordements les choquent...
L'expression du christ que vous relevez "du monde sans être du monde" est pour marquer le rapport avec Dieu ; c'est pour dire que Dieu est en rapport avec telle personne, telle entité, tel pays, etc, et donc par là extraite du rapport logique avec les choses ; elle est libre. Un peu comme les pierres qui peuvent devenir des enfants d'Israël, en passant devant les rapports de parenté normaux. Mais, pour autant, le monde reste de la création de Dieu ; il reste le lieu de la liberté, de l'exercice voulu par Dieu de cette relation à Dieu. Je suis complètement opposé sur cette question aux évangéliques qui voient le monde comme une sorte de machin maudit voué à disparaître dans le péché.
Ensuite, pour le cas de l'art et de l'artiste particulièrement. C'est parce que, dans la difficulté d'exprimer la création, voire l'impossibilité, l'art donne les mots pour le faire au moins imparfaitement, ou mieux, et même c'est le chemin de Dieu pour nous le donner à réfléchir. Ainsi, le Christ avec ses paraboles. ("Si le Christ a parlé en paraboles c'est pour que nous réfléchissions un petit peu", a dit quelqu'un). Il y a les psaumes, etc,
Il n'existe pas une expression qui décrirait la création exactement. Et encore moins la Parole de Dieu. Pas même la Bible. Là aussi je m'oppose complètement aux évangéliques. Dieu ne le veut pas, il ne veut pas que nous mangions de l'arbre de la connaissance.
Dans le recherche de ces formes d'expression, il y a bien des mauvaises branches... il y a même des faux prophètes... des antéchrists, quelle horreur ! Ah, si nous savions parler du Christ sans parler des antéchrists, mais même la bible n'y est pas arrivée... alors... le chemin de Dieu est bien étrange.
Cordialement.
En lisant l'article d'Olivier Bobineau, je trouve que la mention de l'accusation de "blasphème" dont le Christ fait l'objet est absolument hors de propos. De même pour les prophètes de l'Ancien Testament.
Mais j'aurais aimé que les journalistes se penchent sur deux aspects :
- Je n'admets pas que ces spectacles soient financés par nos impôts, d'autant plus que lorsqu'il s'agit de subventionner des activités chrétiennes, on refuse en invoquant le principe de laïcité.
- J’attends toujours que ces courageux artistes créent un spectacle du type "Médina picnic". Mais la hantise de devoir (comme Salman Rushdie) se terrer dans un trou jusqu'à la fin de leurs jours de peur d'être égorgés ou étêtés est sans doute plus forte.
A Patrick B / 12.12.2011 :
C'est très clair ; on touche là le fond du problème : sans véritable impartialité, en actes et pas seulement en paroles, la laïcité authentique (à laquelle tout chrétien doué de bon sens est appelé à adhérer bien sûr) est vouée à n'être qu'un vœu pieux (humour), c'est-à-dire condamnée à demeurer un pis-aller négatif, une sorte de "garde-fou" anti-communautariste en quelque sorte... C'est ce que soulignent, entre autres, les documents ci-dessous (communiqués de presse du CNEF des 9 et 31 mars dernier (déjà !) sur ce débat) :
http://lecnef.org/fr/component/remository/func-startdown/29/
http://lecnef.org/fr/component/remository/func-startdown/30/
(CNEF = Conseil National des Évangéliques de France, fondé à la mi-juin 2010)
Quant à la remarque de votre dernier paragraphe, il semble en effet de plus en plus manifeste que dans notre belle Europe, s'il y a des choses qu'il n'est pas "bon" de penser ou de dire, il y a aussi des choses qu'il n'est pas bon de faire dans certains milieux... Quelle vaste hypocrisie / fumisterie, souvent... On n'est pas sorti de l'auberge, ça c'est sûr en tous cas.
Certaines "créations" "artistiques" actuelles (ah le bon chic bon genre très "ministère de la culture" des définitions, en contraste avec les immondices qu'on nous propose de plus en plus souvent !) me font penser par similitude à l'art de s'alimenter : il y a les bonnes choses, bénéfiques pour le corps, la gastronomie diététique (ce n'est pas incompatible), puis il y a les mauvaises choses, qui dégradent le corps, comme la malbouffe que les adeptes du franglais s'obstinent à nommer "fast food". Aussi vite consommé / ingéré, aussi vite oublié...
Avec l'esprit, c'est un peu pareil...
Certains de ceux qui aiment à pratiquer l'outrance dans le spectacle gagneraient en cohérence à utiliser les termes adéquats pour présenter leurs basses oeuvres : ainsi, il ne faudrait quand même pas confondre un vrai bon pique-nique avec la malbouffe. Quand la créativité n'a plus rien de noble à exprimer, le dégoût prend le relais. Ce n'est pas nouveau sous le soleil, loin de là.
"N'invitez pas un aveugle à venir admirer les tableaux d'une exposition ; n'amenez pas un sourd écouter un concert ; car la cécité et la surdité ne sont pas seulement physiques, mais peuvent aussi affecter l'esprit", comme a dit ce bon vieux Tchouang Tseu il y a fort longtemps.
Cela peut valoir à la fois pour le metteur en scène comme pour le spectateur complaisant, dans la mesure où tout cela participe du même et unique processus. L'offre et la demande... De convaincu en convainqueur...
Maintenant, chacun est libre de préférer la morue aux fraises ou la béchamel au chocolat plutôt qu'autre chose, du genre fesse de vache hachée et décongelée arrosée de bonnes sauces synthétiques... Les goûts et les couleurs, à chacun sa vérité, etc...
Qu'ils fassent un peu ce qu'ils veulent, je me fiche personnellement de tout ce qui les concerne, qu'ils ne comptent pas sur moi pour protester, pour défiler, pour revendiquer, pour m'indigner au sujet de ces indignités avérées... Qu'ils blasphèment en paix, ils s'expliqueront avec qui de droit.
Et n'oublions pas : on ira tous au paradis, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, surtout pendant "les fêtes".
Alors, bonnes fêtes "de fin d'année" comme on dit sur France 2 ("laïcité "oblige), allons aux jeux du cirque, consommons et dormons en paix...
Et comme ne l'a pas dit le professeur Jacques Ellul, au nom du pèse, du fric et du saint bénéfice, amène. Voilà le véritable oecuménisme, l'internationale du pognon... Et ça, comme les cours de la bourse, c'est sacré, faudrait tout de même pas blasphémer.
Mais vous devenez lyrique monsieur Lisbonne, c'est très bien, continuez ainsi ! Rien de tel qu'une bonne indignation pour vitaminer la muse qui est en nous, bravo !,
Associer l'art à la nourriture pourrait peut être supporter quelques pondérations, mais c'est vrai que c'est quelque chose qu'on entend souvent, et il est vrai aussi que la cuisine est un art.
Je vais vous parler d'une expérience personnelle qui vaut ce qu'elle vaut à ce sujet. En plus, il y a du mac-donnalds dedans : un repère facile.
Il y a plus de 30 ans de cela, il m'arrivait d'aller en Irlande. Et, forcément, j'ai commencé par aller dans les pubs. C'était sympa, j'y retrouvais effectivement la culture irlandaise authentique et profonde, mais, à mon étonnement, j'y voyais peu d'irlandais... il y avait bien les spécimens typiques, mais, sauf dans les zones touristiques (et donc non authentiques), peu de femmes (pour moi il y a 30 ans c'était vraiment génant), et encore moins d'enfants bien sûr.
J'ai essayé les restaurants gastronomiques irlandais. Non seulement les cantines scolaires françaises étaient d'un niveau artistique très largement supérieur, mais en plus ils étaient souvent déserts.
Si je voulais rencontrer des irlandais, la solution que j'ai trouvé était d'aller dans les... mais oui, vous avez compris ! l'horreur absolue, le blasphème, vomis total ! Les M??-D?? ! ! (je cache, pour les âmes sensibles). (M. Fath aurait censuré, de toutes façons)
La dedans je rencontrais facilement des familles, des gens, bref des irlandais, tels qu'ils étaient, tels que nous sommes.
Devant cette épouvantable situation, je limitais ma consommation au strict nécessaire : 1L de coca, 1 maxi frites, 1 bigmac. (mais au niveau du café, là j'ai vraiment pas pu).
Et, au menu, aussi de quoi réfléchir sur les rapports entre l'authenticité, la culture, le blasphème et... l'art ?
Cordialement.
En réponse à ista / 13.12.2011 :
L’ Irlande ? Oui, mon frère aîné y a vécu 1 an dans les années 2000, du côté de Galloway, je crois que c'est vers le Connemara (république d'Eire)... Il était chargé de gérer une auberge de jeunesse là-bas (Youth Hostel) et y jouait aussi de la musique. Très bonne expérience, paysages inoubliables et contacts très enrichissants avec la population et les gens de passage, m'avait-il-dit.
L'Irlande évoque aussi pour moi la flûte irlandaise. Je joue de la flûte traversière dans l'orchestre de louange de mon assemblée le dimanche en Martinique, et aussi lors de rassemblements ponctuels. J'ai commencé lorsque j'avais 12 ans, je suis issu d'une famille de musiciens en France hexagonale (père pianiste professionnel), mon frère aîné joue du luth baroque, de la guitare classique et des claviers. Il est professionnel à présent.
C'est pour cela qu'en matière d'art, je me suis un peu "lâché" tant je constate d'impostures (de mon point de vue bien sûr) à notre époque. On expose des tas d'immondices dans des musées, bien souvent on flatte le mauvais goût, le voyeurisme et l'exhibitionnisme à outrance, on se sert de la provocation gratuite et vaine pour se faire connaître et beaucoup se torturent les méninges pour trouver du talent à des gens qui ne font qu'étaler des ordures... Et on confond de plus en plus musique, décibels et vacarme. Notre époque ne fait plus dans la délicatesse et la nuance. Bref...
Et à propos de lyrisme, voici un beau poème au ton délicatement surranné en hommage au plus grand artiste de tous les temps, dont de plus en plus de gens aiment à blasphémer le nom, l'oeuvre et le message :
Un Poète qu'on ne lit plus
Il existe un poète aux odes insondées,
Plus vaste que les cieux, plus grand que l'infini ;
Son cœur est l'océan où naissent les idées,
L'univers à genoux chante son nom béni.
Son regard rajeunit les croyances ridées ;
Il sculpte au cœur humain l'espoir dans le granit,
Il calme de la mer les vagues débordées ;
Aigle impossible, il a l'immensité pour nid.
Sa plume est le soleil ; son poème, le monde ;
Les monts et les forêts que la tempête émonde,
Les océans profonds que tord le vent du flux,
Sont les notes sans fin de sa vaste harmonie ;
L'homme est l'écho complet de son œuvre infinie.
Ce poète, c'est Dieu ; mais on ne le lit plus.
Etienne Eggis
(1830-1867)