La victoire de Mohamed Morsi, candidat des Frères Musulmans aux élections présidentielles égyptiennes 2012, est une grande victoire pour la démocratie.
D'autant plus que les résultats ont été "lissés": dans un pays où les listes électorales sont, au mieux, insuffisantes, et où l'armée verrouille la rue, il y a fort à parier que le score réel de Morsi est plus proche de 70% que des parcimonieux 51,73% que la commission électorale lui a finalement attribué.
Reste à souhaiter que le verdict des urnes sera respecté, et que Morsi pourra se frotter au réalités du pouvoir. Dans un pays à large majorité islamiste, il n'est que de juste que le vote populaire soit ratifié. Indéfiniment bafouer la volonté majoritaire, comme cela fut longtemps le cas en Syrie (verrouillée par une dynastie de dictateurs alaouites) ne débouche, en fin de compte, que sur le chaos.
Reste à savoir comment Mohamed Morsi saura gérer une situation ô combien délicate, marquée notamment par une société bi-confessionnelle où la minorité chrétienne, déjà fortement discriminée, a de bonnes raisons de s'inquiéter. Il n'est pas certain que les propos privés attribués à Morsi dans certains médias soient, mot pour mot, exacts.
"Se convertir, payer tribut, ou partir"
Rappelons ces propos rapportés par le site égyptien El Bashayer: selon les propos attribués à Morsi (à l'époque simple candidat), les chrétiens doivent "se convertir, payer tribut, ou partir".
Même si Morsi avait réellement prononcé cette phrase, ce qui reste à prouver, il s'agit de "propos de table", d'ordre privé. Nouvellement élu, il a au contraire annoncé s'engager à "être le président de tous les égyptiens", comme le titre sagement le quotidien français Le Monde. Et il y a fort à parier que Morsi, poussé par la Realpolitik et la contrainte externe, va effectivement chercher à servir tous les Egyptiens, y compris des chrétiens.
Parti longtemps interdit en Egypte, le mouvement des Frères musulmans, dont l'histoire est fort bien expliquée par le talentueux journaliste qu'est Xavier Ternisien (Fayard, 2005), n'a aucun intérêt à se décrédibiliser aux yeux des très puissants soutiens internationaux de l'Egypte, à commencer par les Etats-Unis.
Mais ne tombons pas dans l'angélisme: du point de vue des relations religion et politique, et sous l'angle de l'histoire contemporaine du pluralisme religieux, l'expérience Morsi, en Egypte, sera scrutée de très près: car cette "première" historique qui voit un Frère Musulman à la tête du plus grand pays arabo-islamique du monde reste une expérience à haut risque.
Commentaires
Juste pour signaler une coquille : bafouler au lieu de bafouer.
Merci cher Alain. Parfois, je bafoule au lieu d'écrire clairement :-)
Et il n'y a ba foule bour me dire, alors berci !