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Kamel Daoud, défaite du débat et misère de la sociologie française

france,cologne,monde arabe,réfugiés,le monde,kamel daoud,hugues lagrange,eric fassin,arte,droit des femmes,femmes et religion,immigration,interculturalitéKamel Daoud est journaliste et écrivain, fin connaisseur de l'Afrique du Nord. Dans une chronique engagée publiée en version papier le 5 février (Le Monde), de haute tenue littéraire et réflexive, il publiait sur les violences de Cologne durant la nuit du Nouvel An, impliquant notamment un "rapport malade à la femme, au corps et au désir" dans le monde arabo-musulman.

On a le droit de ne pas être d'accord. Mais Kamel Daoud s'est proprement fait lapider par écrit dans une tribune cinglante, publiée dans le même journal, par 19 chercheurs, qui le taxent, entre autres, d'islamophobe.

Kamel Daoud, écoeuré, a depuis décidé d'abandonner le journalisme. Le Monde, après avoir publié la chronique incendiaire des chercheurs, s'en est inquiété (lien). Parmi les soutiens à Kamel Daoud, le chercheur Hugues Lagrange (CNRS), victime il y a quelques années d'une cabale en partie nourrie des mêmes sources.

Je souscris au diagnostic qu'il opère, sur le caractère "hémiplégique" d'une sociologie française bien mal en point en dépit des apparences. Un "milieu" sociologique dont je me suis distancié peu à peu au fil des années, précisément pour les raisons qu'il avance:

«La majorité des sociologues considèrent les gens étudiés comme des victimes dʼun système économique. Ils font une sociologie des états sociaux, dans un climat dominant/dominé. Ils nʼont pas tort mais sont hémiplégiques au sens où ils ignorent la moitié du problème. Je défends aussi, dans la lignée dʼAlain Touraine, une sociologie des sujets, où chacun est construit par sa culture, tout en étant acteur de son histoire. Cela suppose que lʼon puisse critiquer les autres cultures. Comment, par exemple, ne pas voir avec Daoud que la religion a fait disparaître la mixité de lʼespace public du monde arabe et que cela pose problème quand lʼhomme arabe se retrouve dans un espace public mixte européen? Ce discours de vérité est très difficile à imposer au motif quʼil ferait le jeu des populismes.»

Des propos autrement sensés de ceux portés sur Cologne par le sociologue Eric Fassin, brillant intellectuel entre Arte et l'EHESS, mais sévèrement atteint de l'hémiplégie décrite par Lagrange: Le Monde rapporte que ce dernier, invité de lʼémission «28 minutes», sur Arte, le 14 janvier, pour analyser Cologne, déclarait:  «Ce nʼest pas parce que les gens sont musulmans quʼils ont commis ces actes. Il y a une finalité politique. A qui sʼen sont-ils pris? A des femmes allemandes, blanches. Ils ne sont pas allés violer des prostituées. Cela donne le sens de leur violence.» 

Il ne s'agit pas, en effet, de tout imputer à l'arrière-plan culturel et religieux musulman. Mais politiser à outrance viols et attouchements en balayant toute causalité culturelle ou religieuse? Un tel simplisme idéologisé laisse pantois, mais une large part de la sociologie française en est là, malheureusement.

Encore un des chantiers qu'il faudra reconstruire, sur les décombres de la France des héritiers qui s'écroule lentement, sous nos yeux.

Commentaires

  • Le chemin que prennent nos sociétés et nos penseurs "majoritaires" ou "politiquement corrects" (pour ne pas utiliser d'anglicisme du genre "mainstream") m'interroge et m'inquiète. Et quand bien même un chrétien sait qu'il doit y avoir des temps de tribulation, je n'aime pas la direction que prennent la France (que fait-on à Calais, nous le "Pays des Droits de l'Homme" autoproclamé), la Grande-Bretagne (qui veut une Europe à sa botte mais sans être solidaire, juste de manière très intéressée), l'Allemagne aussi. Et en ce jour de "super Tuesday", je ne parle pas de ce qu'on peut entendre là-bas, aux USA, dont on parle et parlera encore sur ce blog.

    L'Allemagne qui a su ouvrir grands les bras, mais où il y a eu Cologne dont on parle ici et dont il ne faut pas chercher donc à expliquer les faits différemment que certains tenants de la bien-pensance, puis Aldenhoven mi-février, où un pasteur (un ami chez qui j'aurai pu être comme par le passé à cette époque) qui s'attache depuis des décennies à défendre les réfugiés a été battu à son domicile, sans nul doute par des néonazis. S'ils se sentent si forts pour agir de la sorte dans ce pays qui a fait un travail exemplaire après guerre, ça n'est pas rassurant du tout. Un pilier solide qui se fissure, c'est grave, et ça doit nous alerter tous en Europe.

    Et il y en a tant d'autres...

    Puissent Mrs Cameron et Hollande, qui viennent se recueillir ce jeudi chez nous à Potières, sur les lieux mêmes de la bataille la plus sanglante et tout aussi inutile que tant d'autres de la première guerre mondiale (pas Verdun, la Somme, là encore, quand on ne veut pas admettre dans l'histoire "officielle"...) se remémorer ce qui a conduit à ce désastre mondial : le repli sur soi, le déni de la réalité, la mise en scène, le rejet sur l'autre de la faute, absolument partagée, la mauvaise foi, les petits calculs, ...

    Encore une fois, ce sera du "faites ce que je dis, pas ce que je fais", et ça va conduit droit dans le mur. Parfois, ça semble sans conséquence, ou presque. Mais l'effet boule de neige, ou papillon... L'histoire nous enseigne qu'on ne peut pas échapper aux conséquences de nos actes, si insignifiants qu'ils soient ou paraissent. A commencer par l'histoire biblique. Oui, je sais, nombreux sont ceux en France qui vont me parler de fables, légendes, ou je ne sais quoi. Qu'importe, notre histoire de France (ou d'ailleurs) nous montre exactement la même chose.

    Rien de nouveau sous le soleil. Ce n'est pas une raison pour semer encore le poison de la haine, en se drapant dans je ne sais quelle bonne conscience. Pourquoi ce ne seraient que les despotes qui auraient une "vision" pour le monde ? Faire le premier pas... de paix !

    P.S. je n'arrive pas à insérer un lien hypertexte sur l'histoire d'Aldenhoven, alors j'en laisse parmi d'autre ci-dessous (en allemand) :
    http://www1.wdr.de/nachrichten/rheinland/pfarrer-aldenhoven-ueberfallen-100.html

  • Le fait même qu'il puisse y avoir eu une "cabale de 19 chercheurs" contre le simple propos d'un écrivain montre ce que tout le monde savait déjà : la sociologie n'est pas une science... et ses chercheurs n'y peuvent trouver que leurs propres idéologies.
    Jamais aucun journaliste n'aura à redouter une "cabale" de mathématiciens, d'astronomes, de chimistes, de biologistes, à son encontre ; car si son article a raconté des bêtises dans une des disciplines correspondantes, les scientifiques connaissent leur affaire, savent de quoi ils parlent, et rétablissent la vérité en trois lignes, si on les interroge. Mais la sociologie... c'est un postérieur journalistique qui fait sa roue de mots savants ; aussi, les sociologues ne s'y trompent pas, et reconnaissent dans tout journaliste dissonant un concurrent sérieux.

  • Admirable post

  • Géographe moi-même, je dois dire que je suis assez d'accord avec vous Mr Fath. La sociologie était un temps complexée par rapport à l'histoire-géo. Elle est devenue envahissante de nos jours. Même chez-nous. Avec tout un fatras de concepts. Il serait bon de réévalue l'empirie. Partir des faits sans trier avec les filtes d'une "théorie" toute prête. Et puis construire ensuite une réflexion. ça tient mieux la route

  • L'hémiplégie gravissime dont il est question est tout simplement aussi une faute scientifique grossière, de celle que, dans mon temps, on reprochait sévèrement aux étudiants: ne pas escamoter les déterminismes en jeu, soit, mais alors tous sont à considérer (et tout n'est pas que politique); mais cela fait, reste toujours la causalité suprême – ce que je fais, moi, de tous ces déterminismes (Antigone, tous les résistants). Transformer les agresseurs de Cologne en militants en recherche de cibles pertinentes est grossier, grotesque et scientifiquement nul, quel que soit le statut de ce "brillant" sociologue.
    Il y a des leçons d'épistémologie qui ont été oubliées. C'est souvent l'effet de l'"audience", des caméras, de la recherche du bon mot, du plaisir de dire le contraire que la masse inculte. Bravo, en revanche, à Daoud, qui aime assez sa culture pour l'analyser, la stimuler, sans l'immuniser de toute interpellation. Une telle réification des cultures au prétexte qu'elles seraient "islamiques", et donc doivent être à l'abri de l'"islamophobie"se retourne contre elles, less empêche d'évoluer, les gadgétise. gef

  • Merci pour votre post qui permet de ne pas complètement désespérer des élites. Kamel Daoud dénonce ce que beaucoup de Français "de souche" ne peuvent dénoncer sous peine d'être traités de racistes ou d'islamophobes. Il faut le défendre et le protéger coûte que coûte. S'il venait à être assassiné, les antiracistes, anti-islamophobistes et consorts verseraient des larmes de crocodiles et ne manqueraient pas de dire "il l'a un peu cherché tout de même". Tout comme Charlie, Theo Van Gogh, Redecker, Salman Rushdie et bien d'autres l'ont "un peu cherché" !
    "Kamel Daoud ou la victoire des intégristes de la pensée molle" : à lire sur Causeur.
    "Ceux qui ont accusé Kamel Daoud d'islamophobie voudraient que règne le silence. Ce sont les représentants de la reddition annoncée." : http://www.causeur.fr/kamel-daoud-cologne-viols-36995.html

  • Je suis étonné que personne ne mette en cause la responsabilité du Monde de publier une telle tribune. Un journal tel que le Monde devrait favoriser le débat et ne pas participer à la police de la pensée de façon aussi primaire. Il est évident que ce soucis du débat honnête et le plus objectif possible est maintenant loin des préoccupations de ce journal. Au delà du Monde, l'état de la presse dans notre pays est très inquiétant pour le bon fonctionnement de la démocratie.

  • En effet ! Il est plus facile d'accuser K. Daoud d'islamophobie ou de "faire le jeu des populistes" que d'avoir le courage de regarder la réalité en face. Mais par les temps qui courent, cette pseudo-intelligentsia de la sociologie, entend dominer les débats, et exclure par ses diktats ceux qui ne trouvent pas grâce à ses yeux et qui s'interrogent sur les questions qu'elle ne veut pas voir posées, qu'ils soient journalistes, écrivains, philosophes... A cet égard, elle constitue l'avant garde d'un nouvel ordre totalitaire en quelque sorte...

  • D'accord avec Kaliste Vernucci, gef

  • Dans Causeur :
    Manuel Valls, merci pour Kamel Daoud
    http://www.causeur.fr/manuel-valls-kamel-daoud-edwy-plenel-islamophobie-37037.html

  • Un autre article à verser au débat : "Les mères sont entrées dans Paris". On pouvait y entendre
    « Clientélisme, on en a marre ! Corruption, on en a marre ! Islamisme, on en a marre ! En avant tous, on va prendre la République ! »
    Voici le lien : http://www.causeur.fr/brigade-des-meres-islam-laicite-voile-remadna-37224.html/

  • Merci pour cette info cher Patrick. Tout cela fait penser à une ambiance 1789...

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