Aretha Franklin nous a quittés le jeudi 16 août 2018.
Nombre de médias séculiers définissent cette chanteuse d'exception, inoubliable interprète de R-E-S-P-E-C-T -reprise adaptée d'Otis Redding) comme "la reine de la Soul". Et c'est vrai.
Mais quand on lit certains articles qui la réduisent à cela, l'expression sonne comme un ultime outrage.
Car cette immense artiste, aux 75 millions de disques vendus, capable de briller en jazz, soul, blues, rock n'roll, n'a jamais renié ses racines Gospel, comme l'a notamment rappelé l'excellent Bertrand Dicale (lien).
Cette croyante enracinée en milieu baptiste a non seulement commencé par chanter du Gospel, mais a interprété cette musique toute sa vie, à l'extérieur et à l'intérieur des églises.
Son album Amazing Grace (Atlantic Records, 1972) est d'ailleurs souvent présenté comme l'album Gospel le plus vendu au monde.... Un excellent livre lui a été consacré en 2011, sous la plume de Aaron Cohen (Aretha Franklin's Amazing Grace, Bloomsbury, 2011, lien).
Aaron Cohen rapporte que "les médias populaires présentent rarement son parcours à partir d'une perspective Gospel" (p.6), alors que c'est par ce genre musical qu'on la comprend le mieux.
Cette musique Gospel a accompagné les luttes des Droits Civiques dont l'église de son père et pasteur, la New Bethel Baptist Church à Detroit, a été un grand foyer. Le Gospel l'a inspirée jusqu'au bout, quitte même à déborder sur des registres séculiers: Aaron Cohen rappelle par exemple qu'en juin 2009, au Hollywood Bowl, elle termine "Freeway of Love" par une invocation surprise et spontanée à... Jésus (p.5).
Ce qui la distingue aussi est qu'elle n'a pas connu ce parcours en "Aller Simple" tant répété, aux Etats-Unis, qui va de la musique religieuse et chrétienne au succès séculier mainstream, à la manière d'un Ray Charles, par exemple, qui commença par cantiques et Gospel puis a campé durant des années dans le "tout venant" pop et séculier.
Voix des Droits Civiques
Aretha Franklin, elle, n'a pas choisi l'Aller Simple vers le monde séculier.
Elle a certes bifurqué aussi vers la "musique du monde" (elle est la première femme à avoir été introduite dans le Rock n' Roll Hall of Fame, en 1987). Mais ce n'était pas un Aller Simple du chrétien vers le séculier, mais une route à double sens.
Avec de nombreux allers-retours. Elle est toujours revenue au Gospel, n'a jamais abandonné le lien avec les églises et la foi.
C'est une clef de compréhension fondamentale de son parcours d'artiste, de femme, de voix de l'Amérique des Droits Civiques. Détentrice de 18 Grammy Awards, de la Médaille Présidentielle de la Liberté (remise par George W. Bush en 2005), Aretha était aussi une chrétienne libre qui assumait simplicité et parcours semé d'épreuves, et se disait "sauvée par grâce".