Le protestantisme, dans le champ religieux, et le socialisme, dans le champ politique, partagent un trait commun: une revendication contestataire et prophétique.
Nous avons affaire là à deux protestations qui cultivent, en leur espace propre, un refus des clergés du statu-quo au nom de valeurs collectives fondées notamment sur le principe d’égalité (thème du sacerdoce universel chez les protestants, de la justice sociale chez les socialistes).
Affinités électives
Cela ne signifie pas qu’être protestant implique être socialiste, et réciproquement, bien qu’il ne soit pas rare en France d’observer cette synthèse, comme l'a notamment rappelé, sous l'angle historique, Patrick Cabanel.
Mais on peut faire l’hypothèse de certaines affinités électives, vérifiées par le poids, en Europe, des pays de culture protestante dans la galaxie social-démocrate.
La France, avec sa petite minorité protestante, n’a pas été la dernière à vérifier ces confluences: dès l’origine de la République, le cœur de la majorité des protestants français a penché à gauche.
Non pas vers la gauche communiste (bien qu’on puisse trouver quelques protestants communistes), mais vers la gauche socialiste. Jusqu’au gouvernement Jospin, cette tendance lourde s’est maintenue.
Décrochage
Problème : on ne la voit désormais plus fonctionner. Depuis plusieurs années, les données de sondage indiquent un effritement de la «préférence socialiste» des protestants français. Aujourd’hui, elle n’existe plus. Parmi d'autres, le sondage IFOP du 5 avril 2007, commenté dans ce blog, en donne la mesure.
On peut bien-sûr y voir une influence de la montée du protestantisme évangélique, réputé plus conservateur. Jean-Paul Willaime l’a pointée, à juste titre, dans l’hebdomadaire Réforme. D'autres causes peuvent être avancées, notamment le conformisme économique du PS, allié à une éthique libertaire, ou le vieillissement des protestants français (or plus l'âge est avancé, plus on a statistiquement des chances de voter à droite).
Ces explications ne sont cependant pas suffisantes. Et si la raison de fond de ce divorce tenait dans l’évolution du socialisme français lui-même?
Le bal des menteurs
À lui tout seul, le spectacle donné depuis quelques années par le Parti Socialiste français suffirait à décourager les meilleures volontés. Bien avant Machiavel, le mensonge a toujours fait partie de l'arsenal de l'homme (ou de la femme) politique.
Reconnaissons cependant que depuis la fin des années 1990 et l'énorme scandale de la MNEF, les socialistes français sont allés loin dans cet art délicat.
De Laurent Fabius clamant en 2004 qu'un "non" à la constitution européenne permettra l'élaboration d'un "Plan B" (qu'on attend toujours) à Julien Dray actuellement en posture de victime (sur tous les plateaux télé!) après avoir pourtant été épinglé pour dépenses pharaoniques d'argent liquide par les limiers de Tracfin (cellule anti blanchiment du Ministère des finances), la liste est longue.
Ce sillage passe et repasse par les conséquences du scandale de la MNEF, mutuelle étudiante qui a "arrosé" plus ou moins directement une partie de la génération qui tient encore aujourd'hui les rênes du PS (cf. le procès de 2006 qui éclaboussa jusqu'à Lionel Jospin).
Flash back: le scandale de la MNEF, le début de la fin?
Qu'un homme comme Jean-Christophe Cambadélis, qui bénéficia dans les années 1990, d'après la presse, de plus de 600.000 francs de rémunération en emploi fictif et a été condamné par la justice en janvier 2000 reste membre, en 2009, du bureau national du PS....
Que dis-je! Qu'il reste même secrétaire national du PS (chargé des relations avec l'Europe!) en dit long sur cette culture du déni qui gangrène depuis des années un parti aux abois, sans vraie boussole éthique, qui désespère ses électeurs.
Parions que les futurs historiens du naufrage socialiste acteront le début de la fin à partir de la gestion lamentable du dossier MNEF: au lieu de faire amende honorable, la politique du déni, de l'esquive et du sophisme cosmétique a plombé l'essentiel d'une génération socialiste et discrédité durablement son discours des valeurs.
Eric Besson, transfuge du PS, emblématise à lui seul ces ornières: passé en avril 2007 au service du camp UMP, il a illico renié le brûlot anti-Sarkozy qu'il avait rédigé trois mois plus tôt pour le compte du PS (Les inquiétantes ruptures de M. Sarkozy).
Le petit florilège xénophobe qui ornait ce document, avec en particulier la perle décrivant Sarkozy comme "un néo-conservateur américain à passeport français" n'était donc qu'un montage démagogique et abusif écrit par opportunisme pour le compte de la machine socialiste?
En somme, Eric Besson serait devenu sincère en rejoignant Sarkozy. Auparavant au service de la machine électorale socialiste, il cultivait comme bien des camarades l'art des 'contre-vérités'... Édifiante culture d'appareil.
Les malversations de l'élection du premier secrétaire (2008)
Cet exercice consommé du mensonge s'est enrichi, en ce mois de septembre, des révélations fracassantes publiées par deux journalistes, sur les malversations massives qui ont semble-t-il entaché l'élection en novembre 2008 de Martine Aubry au poste de secrétaire général du Parti socialiste au Congrès de Reims.
Hold-uPS, arnaques et trahisons... Rien de moins. Comme l'écrivait joliment le Canard Enchaîné la semaine dernière, "le pot aux roses est fané"... Ces malversations préméditées seraient d'une ampleur bien plus importante que ce que l'on avait soupçonné sur le coup, elles n'ont pu être l'objet d'initiatives isolées.
Elles mériteraient évidemment un prolongement devant la justice afin qu'on en délimite précisément l'impact, et les responsables. Quel Héracklès nettoiera ces écuries d'Augias?
Le Parti Sinistré (pardon, Parti Socialiste) ne l'entend visiblement pas de cette oreille, à l'image d'une Martine Aubry qui se veut... olympienne et fait son tour de France. "Circulez, y'a rien à voir! Du passé faisons table rase" (sans remuer le fumier qui s'amoncelle pourtant jusqu'au plafond).
Et Martine Aubry refuse, évidemment, de poursuivre les deux auteurs en justice.... histoire d'éviter d'être ridiculisée publiquement?
Cette stratégie de l'autruche pouvait peut-être marcher il y a 50 ans, quand on avait encore les moyens d'étouffer en partie une information interne trop gênante.
À l'âge d'internet et des sociétés civiles en alerte, ça ne marche plus. Les mensonges ou tisanes soporifiques passent pour ce qu'ils sont: une tromperie grossière des électeurs. Comment s'étonner qu'un nombre croissant de protestants français, attachés au 'parler-vrai', se détachent désormais du PS, une pince à linge sur le nez?
Démagogie
Le mensonge a un corollaire plus onctueux: la démagogie, qui consiste à endormir la vigilance critique des électeurs par des formules simplistes. Là encore, force est de reconnaître que le Parti Socialiste français atteint depuis quelques années des sommets stratosphériques, au grand désespoir de ceux qui continent à militer pour des valeurs de gauche responsable.
La démagogie, tout comme le mensonge, sont certes bien partagés, et le PS n'a pas le monopole des combines et détournements (demandons à l'UMP et son ancêtre, le RPR, ce qu'ils doivent au Gabon et à la filière Bongo, ou à Dominique de Villepin ce qu'il a traficoté dans l'affaire Clearstream).
Mais le PS a toujours revendiqué une supériorité morale.... justifiant qu'on le juge selon ses propres critères. Le résultat? Il dégouline de populisme, de démagogie bien-pensante et de mépris de l'électeur.
Tout se passe comme si la catastrophe du 21 avril 2002 (Le Pen au second tour de l'élection présidentielle, signe avant-coureur de la décomposition ultérieure du PS) avait été interprété à l'envers (notamment par Fabius).
Rue de Solférino, on a pointé du doigt le fait que le PS "ne faisait plus rêver" et on est reparti dans la démagogie à fond de train (sur les retraites, sur la sécu, etc.) au nom du "rêve", alors que les Français demandent précisément le contraire: moins de démagogie, moins d'idéologie, plus d'empirisme efficace et de proximité.
On tient là, à n'en pas douter, une des raisons de la nette victoire de Nicolas Sarkozy aux dernières élections présidentielles de 2007.
Faire face aux complexités du réel
Nicolas Sarkozy peut être critiqué sur nombre de terrains, notamment le durcissement excessif de la politique d'immigration de la France, une abolition des droits de succession qui privilégie outrancièrement les héritiers, une gestion à l'emporte-pièce du dossier de la Recherche ou le refus obstiné de réintroduire la police de proximité.
Ses pressions sur les médias et la justice, bien que très classiques sous la Ve République (François Mitterrand ne faisait pas mieux, ou pas pire), posent également question, à l'image de la très peu glorieuse libération anticipée de Jean-Charles Marchiani...Sa tendance à la décision péremptoire et médiatisée, au risque de saboter les solutions concertées demandent aussi correctif, et vigilance.
Mais les Français se sont néanmoins choisi en Nicolas Sarkozy un homme politique pragmatique qui prend des risques pour faire face aux complexités du réel, beaucoup moins idéologue que ses adversaires socialistes le prétendent, qui nomme les problèmes, et qui traite les dossiers sans ménager sa peine, à l'image de la mise en place du RSA, du Grenelle de l'environnement, du chantier des retraites, de la lutte contre les discriminations au faciès, du dossier du téléchargement illégal, voire même de la modernisation des prisons (honte nationale).
Même la gestion de l'ouverture politique est, qu'on soit d'accord ou non, un coup de maître: en recrutant Bernard Kouchner et consorts, Nicolas Sarkozy a réussi ce que François Mitterrand avait tenté, sans grand succès, en 1988, à l'époque de "la France unie": dépasser les clivages pour une gestion pragmatique qui accueille tous les talents.
Pragmatisme ou esbrouffe
Tout reste critiquable bien-sûr! Surtout si les critiques ne se limitent pas à l'indignation morale, mais portent sur l'amélioration concrète des mesures prises. Mais au moins, les problèmes qui 'fâchent' (comme les retraites) sont désignés, et traités, plutôt que maquillés par des discours lénifiants et un angélisme à deux sous.
À l'inverse de nombre de socialistes qui ressassent tout haut 'ne pas toucher aux avantages acquis" tout en pensant tout bas ("bah, les enfants paieront").
De mieux en mieux informés sur les dossiers (internet met désormais des ressources sans précédent à la disposition des citoyens), les Français ne s'y trompent pas.
Contrairement aux cris d'orfraie poussés par ceux qui voient dans la popularité de Nicolas Sarkozy un résultat de sa démagogie, on devrait plutôt poser l'hypothèse inverse: et si le président français était accueilli avec soulagement par les citoyens parce qu'il a su, au moins en partie, sortir d'un certain confort démagogique cultivé aussi bien par le Parti Socialiste actuel que par son prédécesseur à l'Elysée (Jacques Chirac)?
De ce point de vue, l'équivalent de Silvio Berlusconi, en France, n'est pas forcément où l'on pense: et si l'esbrouffe démagogique (et la tentation de se servir dans la caisse) était aujourd'hui plus socialiste que sarkozyste?
Autisme intellectuel et social
La démagogie se nourrit de stratégie... mais aussi d'ignorance. La solution démagogique est souvent marque d'impuissance, face à une incapacité de penser correctement le réel.
Le Parti Socialiste n'est-il pas, sur la scène politique, le mieux placé pour résister à cette tendance? C'est historiquement vrai. Le PS a longtemps cultivé une acuité intellectuelle et une intelligence sociale supérieure à ses concurrents. Mais ce magistère intellectuel appartient au passé.
Ce qui frappe aujourd'hui, c'est l'autisme intellectuel et social d'un parti politique incapable de renouer avec les catégories populaires, parce qu'il ne les comprend plus. Mis à part Ségolène Royal, méprisée par nombre de ses petits camarades pour ses débats participatifs, quels leaders socialistes peuvent se targuer, aujourd'hui, de "faire remonter" les revendications populaires?
Il est vrai que le parti socialiste n'a jamais été un grand parti populaire. Mais tout en parvenant à devenir le premier parti bourgeois de France, il savait exercer, sur de larges franges électorales, une forme de magistère. Aujourd'hui, face à l'absence d'idées constructives et à des affaires comme celle de Julien Dray ou du Congrès de Reims, l'électorat populaire en a plus que marre.
On répondra que les élus socialistes sont plébiscités dans les régions... Il est vrai qu'au plan local, le PS conserve (pour l'instant?) des pans de crédibilité qu'il a perdus au plan national. Mais c'est à l'échelon national qu'une alternance politique peut s'orchestrer et à cette échelle là, force est d'admettre qu'en-dehors d'une posture conservatrice (en gros, "Vivement hier"), le PS n'embraye pas, ou plus, sur les problèmes de fond.
Trois exemples: il se montre incapable d'une pensée cohérente et unifiée sur la manière dont il faut gérer l'impact irréversible de la globalisation sur le marché du travail, en raison d'une approche cacophonique sur l'Europe; il a renoncé depuis belle lurette à une critique construite de la société de consommation et ses excès (dictature des marques, abus du crédit etc.)...
L'hebdo aujourd'hui le plus surchargé de publicités de marques de luxe tape-à-l'oeil est le bréviaire bobo des socialistes, le Nouvel Observateur!
Et le parti n'a rien à proposer non plus sur le lent naufrage du système scolaire français, auquel il a d'ailleurs largement participé en négligeant de combiner massification avec maintien d'une exigence républicaine de sélection et de qualité des contenus (1).
Dogmatisme moralisateur
Or, c'est dans cette prise directe avec les difficultés des catégories populaires qu'on attendrait le PS aujourd'hui.
De l'empirie au plus près des citoyens! De la proximité crédible! Une analyse fondée non pas sur des fantasmes, mais sur des données sociales lourdes! En lieu et place de cet effort, le PS reste un milieu prodigieusement chargé d'idéologie, de dogmatisme moralisateur, alors même que les dogmes sont, depuis longtemps, passés de mode.
Malgré quelques timides inflexions, il continue trop souvent à camper dans les jugements idéologiques péremptoires, sautant sur la moindre occasion pour crier au loup.
Dernière affaire en date, les propos équivoques de Brice Hortefeux dans les Landes (Seignosse) à l'occasion d'une séance photo avec un militant UMP d'origine arabo-portuguaise. Ces propos filmés ont-ils été montés et déformés de manière à en faire un propos raciste?
À voir... Brice Hortefeux a probablement bel et bien dérapé, mais sur un mode badin, peut-être second degré, qui demandait décryptage. L'intéressé dont parlait Hortefeux, un Français d'origine maghrebine et portugaise militant de l'UMP, affirma quant à lui que le ministre l'a "tout à fait respecté", et que le montage fait est "honteux". Un dossier à regarder de près, d'autant que la vidéo en question piégeait une scène off, informelle, détendue, rien à voir avec un meeting politique officiel...
Hypocrisie morale
Qu'aurait-on pu espérer à cette occasion d'une opposition socialiste mature? Une demande ferme de clarification pour commencer et du recul face au buzz internet. Une façon de résister au mirage d'une information immédiate alors qu'il s'agit d'images tronquées, hors contexte, diffusées pour nuire. Et enfin, s'il y a lieu, un recadrage.
Au lieu de cela, mis à part Manuel Valls et quelques autres, ce sont les cris précipités à la démission (Hamon, les MJS...), les tirades moralisatrices devant les caméras, avant même que les faits (et le contexte) soient définitivement établis, sans vérification de la source...
Du berlusconisme rose qui surfe sur l'écume de l'info, opportuniste et narcissique, sans recul critique.
Pour en revenir sur le fond, en admettant que la remarque de Brice Hortefeux était effectivement contestable (et il semble bien qu'elle l'était), quel est le premier gouvernement à avoir largement ouvert ses portes à des ministres compétents "issus de la diversité"? Le gouvernement Fillon, pas les gouvernements successifs de gauche.
Les propos d'Hortefeux méritaient, sans doute, d'être examinés de près, et si besoin, d'être dénoncés. Ils ne méritaient pas cette précipitation et ces appels emphatiques à la démission. Ces derniers sonnent comme de la démagogie, si ce n'est pas de l'hypocrisie morale.
Pour élargir le propos, force est de constater que le Parti Socialiste est resté englué dans un paradigme dépassé, celui de la modernité triomphante où les Grands Récits et idéologies de toutes sortes tenaient le haut du pavé. Un milieu où l'adversaire est démonisé, sommé de revêtir les habits d'un Grand Satan. Un milieu où le débat est "plombé" par les a priori éthiques et idéologiques: le Bien serait socialiste, et le Mal, l'apanage de l'adversaire.
Le "sarkozysme", objet non identifié
D'où l'invention du "sarkozysme", objet non-identifié qui fantasme en Nicolas Sarkozy un dangereux idéologue, alors qu'il n'est qu'un républicain pragmatique qui demande à être critiqué non pas "en bloc", mais au cas par cas.
Artifice classique des rhétoriques pseudo-staliniennes: il y a eu "le fascisme", "le titisme", maintenant "le sarkozysme". L'essentiel est que le Mal soit désigné en un tout qui englobe l'adversaire. Nombre d'intellectuels compagnons de route ont prêté main forte à cette construction, quasi religieuse, faisant fi de la prudence critique qu'ils auraient dû conserver.
C'est tout juste si, en avril 2007, ces bonnes âmes ne nous présentaient pas Nicolas Sarkozy comme un nouveau Pétain! Peu avant l'élection de 2007, un manifeste d'intellectuels affirmait par exemple avec le plus grand sérieux que Nicolas Sarkozy "incarne le risque des aventures impériales, du choc des cultures et de l'affrontement des peuples". On a oublié l'extinction des ours blancs! Et j'en passe... (voir cette pétition Bientôt trop tard.pdf ).
Deux ans après, même si tout n'est pas rose, l'Armageddon prophétisé a du retard à l'allumage...
Les virulents propos introductifs "anti-sarkozystes" du pamphlet d'Emmanuel Todd, Après la démocratie, résument à eux-seuls cette pathologie: démonisation, emphase idéologique, caricature, vision unilatérale, tout y passe dans l'entreprise de démolition du président Nicolas Sarkozy: le contraire d'une authentique démarche d'intellectuel qui se doit d'envisager toutes les faces du problème.
On peut n'être pas 'sarkozyste", ne pas voter UMP, sans tomber dans l'outrance! Emmanuel Todd n'est pourtant pas le premier venu: dans son espace de compétence, il peut s'avérer un chercheur brillantissime.... Mais l'air du temps, le tropisme messianique d'une certaine sous-culture en sciences sociales (où la mise à distance de la foi religieuse n'a pas éliminé les phénomènes de croyance) et l'habitus manichéen d'un PS confit dans ses certitudes ont fait leur oeuvre, ici comme ailleurs, dans et autour du parti.
La fin d'une époque
Résultat: la protestation socialiste est aujourd'hui décrédibilisée en profondeur, et pas seulement parmi l'électorat protestant. La mise au grand jour des malversations massives commises à l'occasion du congrès de Reims et l'affaire Julien Dray donnent, en ce mois de septembre 2009, le coup de grâce à une crédibilité socialiste déjà proche de zéro. On peut maintenant se demander, à l'image des questionnements avancés lucidement par un Manuel Valls, si l'on n'assiste pas aujourd'hui à la mort du Parti Socialiste, ouvrant un nouvel épisode de notre histoire politique.
Pas plus que la défunte SFIO, le PS n'a de rente durable.
L'ambitieuse politique mise en oeuvre par Nicolas Sarkozy et son équipe demande pourtant, comme dans toute démocratie, une opposition de qualité. Une opposition nécessaire! Alors? L'avenir dira si, en 2017, une gauche réconciliée avec le réel, moins donneuse de leçons et moins paternaliste vis-à-vis des électeurs (parfois pris pour de véritables crétins) aura su, ou non, reconquérir les citoyens français et leur "segment" protestant.
Oui, j'ai bien dit 2017 : car en 2012, l'élection est déjà "pliée" (sauf si Nicolas Sarkozy assassine son premier ministre). Les chances du PS en 2012 sont nulles, sans parler de celles du nébuleux François Bayrou, ce Rastignac relooké par Télérama qui dénonce en son adversaire (Sarkozy) un "enfant barbare" (sic), recyclant au goût du jour la vieille rhétorique nauséabonde de l'Action Française, spécialisée dans la chasse à 'l'Anti-France'...
Sécularisation du discours politique
C'est une page passionnante de notre histoire politique et culturelle qui se tourne.
Une page qu'un spécialiste des religions pourrait fort bien analyser aussi comme une étape de la sécularisation du discours politique.
Emilio Gentile note très justement que "Parmi les Républiques démocratiques européennes, seule la France du XXe siècle garde l'empreinte d'une politique sacralisée" (Les religions de la politique, p.243). Cette page est en passe d'être tournée, en tout cas par la majorité des électeurs.
Après le temps des religions politiques, décrites par Emilio Gentile, le temps des "curés socialistes à l'ancienne" qui se gargarisaient d'humanisme et de grands mots (espérance! changement ! De l'ombre à la lumière! Et tutti quanti) comme on se gargarisait de vin de messe cède la place à une vision moins enchantée, moins idéologique, moins manichéenne de la politique.
Une politique désacralisée, en somme, où on se gargarise moins d'"espérance" et de "canditat(e)s de l'espérance", et un peu plus d'efficacité pragmatique, laissant de côté la question des fins ultimes.
Un monde nouveau, multipolaire, globalisé, fort de sociétés civiles informées, dans lequel la droite parlementaire française, positionnée sur une ligne modérée (à la gauche de la politique d'Obama, pour oser une comparaison américaine) est entrée plus vite que la gauche.
Avenue ouverte pour Nicolas Sarkozy
Tendance à la corruption, crise morale, démagogie, autisme intellectuel et social, dogmatisme désuet...
Pris séparément, tous ces handicaps socialistes seraient surmontables.
C'est leur cumul qui crée le trop-plein... pour ne pas dire un sentiment de dégoût, en ce mois de septembre 2009.
Face à des adversaires conservateurs aussi déphasés par rapport aux enjeux du siècle, Nicolas Sarkozy et ses amis voient une avenue s'ouvrir devant eux, au moins jusqu'en 2017.
En attendant la relève
Si je me trompe? Rendez-vous en 2012: en cas de victoire d'un candidat socialiste, je promets de manger mes chaussettes et de poster la vidéo sur Youtube!
Mais ce scénario est très peu probable: ce sont les débris du socialisme sermonneur de papa qui mordront la poussière, en attendant la relève... A moins qu'elle ne s'annonce plus tôt que prévu du côté d'Europe Ecologie?
On ne peut exclure qu'Europe Ecologie réussisse ce que le PS a raté. Affaire à suivre...
Une chose est sûre: une gauche parlementaire de terrain, fidèle aux intuitions de ce qu'on appela jadis la Deuxième Gauche (rocardienne, décentralisée, pragmatique) conserve toute sa place dans l'avenir des Français. Encore faudra-t-il, pour celles et ceux qui en portent les idées du côté socialiste, la reconstruire, en commençant par les fondations.
(1) Je reviendrai à plusieurs reprises sur cette question des enjeux scolaires au cours de cette année 2009-2010.
Commentaires
Ce serait intéressant que vous postiez cet avis sur le site du Tour de France du projet... Vous pourriez avoir d'autres réactions
Merci à Guillaume pour la suggestion
Il m'est arrivé d'adresser un texte ou deux à ce genre de plate-forme, histoire justement d'avoir un retour... J'ai alors été déçu, silence radio.
Alors je ne suis pas chaud pour recommencer.... Mais chaque internaute est libre de proposer, sur les sites où il va, un lien vers ce blog.
C'est un très bon article, bravo !
Bonjour !
A constater que presque tous les grands du PS qui se tapent dessus aujourd'hui, sont des anciens ministres de feu le Président François Miterrand. Et, quoi qu'on pense de ses idées et de son action, on ne peut nier que Miterrand était un grand homme. Aussi longtemps qu'il était là, pendant les années de Gaulle-Pompidou-Giscard d'Estaing puis pendant sa propre présidence, les socialistes avaient un leader incontesté. Depuis qu'il n'est plus là, ses anciens "sous-chefs" se battent entre eux, sans être capables de trouver un nouveau leader pour autant.
Mais, je me permets de vous suggérer une idée aussi : actuellement Sarkozy est le leader incontesté de l'UMP, personne n'est réellement à même de rivaliser avec lui, et le seul qui représentait une certaine (faible) menace pour lui, Dominique de Villepin, a été démoli pendant qu'il était Premier Ministre (à moins qu'il ne réussisse à gagner le procès Clearstream qui se tient actuellement, ce qui est certes improbable mais le rendrait tout à fait à même de prendre sa revanche sur le Président et de devenir très certainement le candidat de l'UMP pour 2012). Mais, lorsque dans quelques années Sarkozy sera lui aussi hors du coup, est-ce que l'UPMP ne deviendra pas ce que le PS est actuellement, tous les actuels ministres qui sont plus jeunes que lui se battant pour sa succession ?
Qu'en pensez-vous ?
Merci pour ce commentaire très pertinent et éclairant sur cette situation politique, pour un protestant (ou pas).
Remarque de forme : pourrait-on privilégier le terme mondialisation à celui, anglicisant, de globalisation ?
Bravo pour tous les articles de ce blog, toujours très instructifs !
Merci pour cette analyse courageuse et lucide.
L'alternative d'Europe Écologie que vous évoquez laisse-t-elle un espoir d'une opposition pertinente dans notre pays ? Son succès récent repose sur la désillusion du socialisme, mais ne souffre-t-elle pas du même handicap de dogmatisme éloigné des réalités ?
Une nouvelle voie autour de Strauss-Kahn a-t-elle une chance de voir le jour ? Mais là on s'éloigne sérieusement du socialisme.
Cela dit, je n'ai pas trop de craintes pour vos chaussettes en 2012 !
Je pense pour ma part que le succès d'Europe Ecologie ces derniers temps, en France comme ailleurs en Europe, est dû justement au fait qu'il reprend justement ce rêve socialiste que Sébastien Fath évoque dans son article, face aux partis socialistes Européens qui dans leur ensemble sont moribonds (et quand on regarde par exemple le Labour Party britannique de Tony Blair et Gordon Brown, on constate qu'il y a largement pire que le PS français, autant en matière de crise interne que de ternissement de l'idéologie). La personnalité politique actuelle la plus "socialiste" serait selon moi... Angela Merkel, la chancelière allemande d'un parti de droite ! Europe Ecologie reprend ce rêve, et y rajoute encore un plus : la promotion de l'écologie. Et l'écologie, c'est à la mode actuellement.
Après, est-ce que ce mouvement sera capable de remplacer un socialisme moribond comme nouvelle force politique Européenne, dans un nouveau clivage qui serait UMP et assimilés vs Europe écologie ? C'est tout à fait possible s'ils réussissent à préserver le rêve qui fait leur force. Mais le préserveront-ils, ou bien une fois qu'ils seront confortablement installés se laisseront-ils aller dans le vide idéologique qui caractérise l'ensemble du champ politique Européen actuel, de droite comme de gauche ? Seul l'avenir le dira.
Ceci dit, peut-être le PS n'en a-t-il pas encore terminé ? Comme je l'ai dit plus haut, tous les actuels grands du parti sont d'anciens ministres de François Miterrand. Une fois qu'un leader incontesté est parti, ses anciens sous-chefs se font la guerre entre eux, c'est un principe de base. Mais d'ici quelques années, quand cette génération ne sera plus là, les jeunes du PS pourront-ils redonner vie au rêve socialiste ? Plusieurs personnalités de la nouvelle génération du PS me plaisent énormément, notamment Bruno Julliard. Sans compter qu'à ce moment-là dans l'ère après-Sarkozy le phénomène des sous-chefs se battant pour la succession du grand chef se manifestera aussi à l'UMP.
Mais pour 2012, effectivement, je ne vois pas vraiment d'alternative à une réélection de Sarkozy. Jamais Europe Ecologie ne seront prêts à temps...
Et pour ce qui est de Strauss-Kahn, personnellement je ne cache pas que j'ai beaucoup de sympathie pour ses idées, c'est probablement le politicien actuel dans les idées duquel je me reconnais le mieux (même si je suis assez mitigé à l'égard de l'individu...) Je pense qu'en le proposant au FMI Sarkozy savait très bien ce qu'il faisait : il a compris que ça lui ferait un rival de moins pour 2012, et que DSK était l'homme du PS le plus à même de le battre. Mais effectivement ses idées n'ont plus grand'chose de socialiste Je pense qu'il ferait beaucoup mieux de quitter le parti pour créer sa propre formation politique, dont je ne doute pas qu'elle sera capable de créer une véritable alternative, très intéressante, au centre gauche.
Après le cimetière des éléphants ... restera-t-il encore quelque chose du PS ? Rien n'est moins sûr.
Et qu'on jette un regard vers le Royaume-Uni ou vers l'Allemagne, la crise des socialismes "officiels" est bien réelle. Alors, si empêtré dans ses affaires "intérieures", le PS ne peut même pas espérer de salut "extérieur" (une belle vague rose), ça devient encore autrement plus compliqué.
Quand retrouvera-t-on un chef convaincant, duquel on pense qu'il est vraiment là pour servir et non se servir (ne serait-ce qu pour "briller"). Ils ont oublié que la politique est un sacerdoce, je crois.
Mon fils a été membre, pendant peu de temps, dans une section du nord de la France (je ne dirai pas laquelle, on ne sais jamais). Il a été dégouté du PS à vie!
Ce que vous dite est en-dessous de la réalité. Vous avez raison de dire que les discours de morale, ça suffit si ce n'est pas respecté sur le terrain (cumul des mandats, fausse démocratie etc.)
Si le PS a si peu de militants réels (bien moinS que 60000 à mon avis), ce n'est pas parce que les français sont idiots. Il y a des raisons importantes. Vous nous aidez un peu à y voir clair, c'est utile.