Lorsque l'an dernier, le slogan "TROPICANA réveille Roland Garros" s'est décliné dans de multiples émissions et blogs internet, personne de s'est douté qu'il y avait peut-être là un jeu de mot.
Le "réveil" revêt en effet un double-sens dans la culture protestante. Ce n'est pas seulement le réveil du matin (avec un bon jus d'orange sans sucre ajouté). C'est aussi le "réveil" évangélique, marqué notamment par des conversions et du zèle.
Ce clin d'oeil nous introduit dans le dernier opus (épisode 4) de notre "saga de l'été" consacrée à TROPICANA et son fondateur, Anthony Rossi, dont nous avons vu, dans les épisodes précédents, les années de formation et de conversion (opus 1), la percée économique (opus 2) et l'entreprenariat missionnaire (opus 3).
Tony Rossi, exemplaire du sociotype évangélique
En 1977, les actions Tropicana de la Aurora Foundation étaient évaluées, selon Dan Denton, à 46,9 millions de dollars; celles de la Bible Alliance, à 1,5 million de dollars.
2.800 résidents de Bradenton, Floride, sont alors employés par la firme, qui développe des profits colossaux. Durant les dix dernières années au cours desquelles Tony Rossi dirige la firme, les profits doublent tous les deux ans et demi [1]...
Commentaire de Rossi, à l'âge de 77 ans: "je ne dépense pas vraiment d'argent moi-même, que puis-je faire de mon argent? Le Seigneur m'a donné la capacité d'aider, et à mon âge, je peux encore le faire, déclarait-il. Je ne travaille plus dur, mais je peux aider."
On s'inscrit assez bien, ici, dans la logique décrite par les deux universitaires américains Mark Noll et Larry Eskridge dans l'ouvrage collectif More Money, More Ministry (ci-contre): les manifestations matérielles de la Providence divine sont d'autant plus bienvenues qu'elles nourrissent le "ministère", à comprendre au sens de la dynamique de propagation du message de l'Evangile.
Par son refus de jouir de ses richesses et son goût pour l'investissement et l'engagement religieux, Anthony T. Rossi emblématise un versant de la dialectique entre l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, dont le sociologue allemand Max Weber (ci-contre) a délimité les contours dans un grand "classique" de la sociologie des religions.
Il illustre aussi, de manière assez caractéristique, une composante essentielle du sociotype évangélique, présenté comme exemplaire [2], et toujours bien repérable en 2011 : l'accent sur le choix personnel, le travail comme vocation, le changement et l'entreprenariat.
Rien d'étonnant dès lors si sa veuve, Sanna Barlow Rossi (1917-2007), a publié, en 1986, après le décès de son époux, une biographie intitulée "Anthony T. Rossi, chrétien et entrepreneur".
Auparavant, la fructueuse multinationale Tropicana a été cédé, en 1979, à Beatrice Food Compagny (pour la somme de près d'un demi milliard de dollars), puis a rejoint le groupe PepsiCo.
Tony Rossi, une trajectoire exemplarisée
Little Rascal or Man of God ?
Mais il reste encore, de la marque évangélique du fondateur, une trace durable, à la fois dans certaines options de sponsoring de Tropicana, mais aussi dans l'héritage laissé par Rossi, jusqu'à cette petite biographie illustrée, toujours en vente en 2011 au prix de 10 dollars et 95 cents.
L'argument de vente de cette biographie intitulée A little Rascal résume, à l'usage des enfants, la quintessence du sociotype évangélique représenté par Rossi, entre chrétien fervent et entrepreneur prospère:
"L'histoire enseigne :
Que la Parole de Dieu peut changer les coeurs.
Que Dieu peut être votre plus proche ami.
Que la créativité, sous la Souveraineté de Dieu, peut être utilisée pour faire du bien.
Qu'en travaillant dur et avec honnêteté, par une sage planification financière, on peut être béni de Dieu, et utilisé pour faire du bien à son prochain et pour la gloire de Dieu" [3]
[1] Souligné par John Kyle, dans la préface de Sanna Barlow Rossi, Anthony T. Rossi, Christian and Entrepreneur: The Story of the Founder of Tropicana, op. cit., p.8.
[2] John Kyle, dans la préface de Sanna Barlow Rossi, Anthony T. Rossi, Christian and Entrepreneur: The Story of the Founder of Tropicana, termine son propos en espérant que le "modèle d'Anthony T. Rossi soit un grand encouragement pour chaque lecteur" (p.9).
[3] En anglais : "Story teaches: *That God's Word changes hearts. *That God can be our closest Friend *That creativity, under the Lordship of Christ, can be used for good. *That honest, hard work and wise financial planning may be blessed of God, used for the good of others and the glory of God."
Commentaires
Merci Sébastien pour cette Saga Tropicana. C'est bien la première fois que je lis cette histoire que je ne connaissais pas. J'ai lu les quatre épisodes.
On trouve là le capitalisme utilisé à bon escient. Mais de tels exemples sont plutôt rares et en ces temps de crise, ils feraient beaucoup de bien.
L'Ethique Protestante et l'Esprit du Capitalisme. Bon d'accord, je vais bouffer du Weber :)