Antidote plus que jamais nécessaire au néocléricalisme de la bien-pensance qui prétend libérer les gens malgré eux, le magazine Causeur nous propose, dans sa sixième édition papier (octobre 2013), un dossier roboratif.
Son thème : "Religions, communautés... La France à la carte". Bâti autour du dernier opus d'Alain Finkielkraut (L'identité malheureuse), ce dossier a pour mérite de proposer un vrai débat. On peut être d'accord, ou pas du tout d'accord avec la ligne, pas grave!. Le but est d'échanger sur le fond.
Pour le plaisir des lecteurs, je relèverai pour ma part surtout la brillante réaction de Jean-Christophe Rufin au livre de Finkielkraut. A méditer... Extrait ci-dessous.
"Depuis 1974, date à laquelle l'immigration a été officiellement arrêtée (!), hormis au titre du regroupement familial, les arrivants ont le choix entre "réfugié" et "clandestin". Quand l'immense majorité d'entre eux sont à la recherche de travail, de sécurité et de dignité, bref aspirent à devenir des citoyens, nous leur offrons le statut de sans-papier ou de demandeur d'asile: dans les deux cas, nous faisons d'eux des victimes.
La diversité de leurs histoires, la réalité de leurs agissements, le rôle que beaucoup ont joué dans des situations souvent dramatiques, nous les jetons dans la grande fosse commune du statut victimaire.
Voilà pourquoi, et Finkielkraut passe trop rapidement sur ce point, l'identité est aujourd'hui doublement "malheureuse". Certes, l'identité française ressort blessée et aphasique d'un XXe siècle calamiteux. Mais, en face, les identités que la France accueille n'en sont pas moins dénaturées et ignorées. Entre un "nous" rongé de culpabilité et un "Autre" enfermé dans l'anonymat du statut de victime se joue une partie perdant-perdant".
Extrait de Jean-Christophe RUFIN, "Pas de nostalgie camarade!", magazine CAUSEUR, n°6, octobre 2013, p.42 (l'article complet va de la page 40 à la page 43).