Directeur d'études à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes entre 1992 et 2015, directeur du Groupe Sociétés Religions Laïcités (GSRL) entre 2002 et 2007, président de la Société Internationale de Sociologie des Religions entre 2007 et 2011 entre autres responsabilités, auteur ou co-auteur d'une bonne vingtaine d'ouvrages de référence sur les protestantismes et les sciences sociales de la religion et de la laïcité, le sociologue français Jean-Paul Willaime est depuis plus de 40 ans une des principales figures de proue, en Europe et dans le monde, de l'étude du fait religieux et laïque.
Rien d'étonnant si, pour un tel homme, la retraite administrative n'induit en rien un retrait de la scène intellectuelle: fort de son expérience, il continue avec bonheur à éclairer les débats, comme l'illustre un passionnant interview dans l'hebdomadaire protestant Réforme de cette semaine.
A contre-courant d'un prêt-à-penser jacobin qui a vu,en un siècle, une montée en puissance sans précédent de l'Etat dans tous les aspects de la vie (et pas seulement les finances des ménages....), il développe une analyse attentive aux dynamiques sociétales et aux initiatives individuelles, trop souvent confondues avec l'intérêt particulier. "On ne réforme pas une société par décrets", souligne-t-il, et il est temps de "pratiquer le sacerdoce universel des acteurs sociaux" afin de réduire le fossé, devenu lourd de menaces, entre décideurs et la population.
Plaidant pour plus d'humilité et moins de "nationalisme méthodologique", il attire l'attention des lecteurs sur l'importance d'une meilleure éducation au pluralisme culturel, "qui nous aiderait à mieux comprendre le monde décloisonné dans lequel nous évoluons", en sortant des poses de donneur de leçon dans lesquelles les Français s'enferment trop souvent.
Appelant aussi à moins d'idéologie et à plus de connaissance empirique, en prise avec le réel (d'où son plaidoyer raisonné -auquel je m'associe pleinement- pour des statistiques ethniques qui permettraient de mieux repérer les discriminations), il livre plus qu'un regard personnel: c'est une véritable pédagogie contre la peur et une invitation collective à la confiance qu'il dessine, d'un trait sûr.
A bon entendeur...