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Vivre ensemble: de la théorie à la pratique

CM Capture 3.jpgJe fais partie des chercheurs qui utilisent le concept d'islamophobie, car l'évidence du terrain montre tous les jours, hélas, que la haine antimusulmane est une réalité poisseuse qu'on peut rencontrer, de même que la judéophobie, l'anticatholicisme ou l'antiprotestantisme. Cette islamophobie revêt de multiples formes. La plus subtile est un discours officiel bisounours, qui cache une absence d'interrelation concrète et une peur du contact (partage, convivialité, rencontres). La plus évidente est le discours de haine, et parfois, le passage à l'acte.

Je crois pour ma part, en tant que chercheur et en tant que citoyen, que la clef réside dans le dialogue honnête, fait de bienveillance, d'humanité partagée et de franchise sur ce qui rapproche et ce qui distingue.

 

Résidant dans le 9-3, à Bobigny, depuis deux ans et demi, je vis au milieu d'un espace urbain où l'islam est omniprésent. Et je puis témoigner, sans artifice bisounours, que mes voisins musulmans ne ressemblent pas aux caricatures qu'on voit régulièrement.

Une très grande civilité, politesse, honnêteté, + sens de l'humain, voilà ce que j'expérimente au quotidien depuis 2014 au travers de 1000 et 1 anecdotes vécues. Exemples: un voisin, musulman très pieux, qui me rapporte mon portefeuille tombé dans l'ascenseur de l'immeuble; MIXITE hommes-femmes des douches de la piscine publique de Bobigny, fréquentée par une population tout à fait représentative du 9-3, contrairement à la non-mixité de bien des douches de piscine dans Paris intra-muros; la civilité et patience quotidienne des milliers d'usagères et usagers du Tram T1 où se côtoie un kaléidoscope multiculturel unique en France métropolitaine, etc etc etc.

Je ne prétends évidemment pas généraliser à partir de mon expérience vécue au quotidien au coeur du 9-3 (Seine-Saint-Denis), et mes lecteurs savent fort bien que mon blog témoigne d'une vigilance attentive par rapport aux dérapages de la radicalité religieuse, notamment musulmane. Et dans "les quartiers", les problèmes existent, évidemment. Mais on y trouve aussi beaucoup de solutions. De jeunesse, de créativité, d'échange, d'enthousiasme et de partage. Et il importe de rappeler que rien ne vaut l'expérience de terrain, la rencontre concrète, pour désamorcer les peurs et les généralisations malveillantes.

Les discours apocalyptiques édictés par des prescripteurs d'opinion qui n'ont pas la moindre idée de la vie réelle en banlieue doivent être copieusement nuancés!!!

Un rêve? Que la télévision française se mette enfin sérieusement à nous proposer des séries sur cette vie au quotidien dans les banlieues multiculturelles (qui sont souvent bien moins communautaristes que le 1er ou le 5e arrondissement parisien, par exemple!). En-dehors, en partie, de "Plus belle la vie", il n'existe pas d'équivalent français des fameux Soap Operas britanniques, séries qui nous dépeignent la vie quotidienne des quartiers populaires britanniques d'aujourd'hui, loin des états d'âme des élites londoniennes ou des "hémorroïdes de Schmoll" (expression empruntée à Régis Debray, qui se moquait ainsi d'une certaine culture bobo subventionnée à Avignon).

On l'aura compris: il ne s'agit pas de dire que tout va bien! Mais d'affirmer l'impératif de passer de la théorie du "vivre-ensemble" à sa pratique. Plutôt que d'étudier les musulmans "sous cloche", comme le propose aujourd'hui la BBC au travers d'une télé-réalité audacieuse mais équivoque et controversée, "Muslims Like Us" (lien), une série TV de longue durée ancrée dans la vie des familles du 9-3 (musulmanes ou non) serait une contribution formidable.

Et  ô combien plus utile au "vivre ensemble" pratiqué que de coûteuses campagnes d'affiche 'antiraciste' ou des spots télés moralisateurs et sans effet. Chiche?

Commentaires

  • j'adhère à votre invitation quant à un "vivre-ensemble" débarrassé des clichés distillant la haine.
    Malheureusement je doute qu'une enquête dans les familles musulmanes, faite pour saisir aussi leurs questionnements, leurs cheminements (et pas seulement leurs slogans) ne se heurte à quelque ayatollah inquisiteur.
    dans le sud tunisien nous avions noué une relation avec un collègue noir musulmam très ouvert. Un jour il reçut l'ordre de ne plus nous fréquenter. dans un groupe œcuménique un prêtre catholique (prêtre ouvrier) avait invité un imam. Il n'est jamais venu.
    cela n'enlève rien à votre idée mais oblige à inventer des protocoles méthodologiques particulièrement sophistiqués.
    Par ailleurs, reste toujours pour moi ce "biais": le musulman est-il musulman de part en part? d'abord un être humain, ensuite un sujet qui opte pour une foi, un corpus de texte et de valeurs. Pas plus que LE chrétien n'est tel de part en part (contrairement à la labeliisation américaine dans certains milieux), pas plus un musulman n'est une simple illustration d'un modèle théorique. Difficulté, bien connue, de saisir la "négativité" qui fait la personne dans sa singularité. Dans Le Journal de Mohammed, le journaliste et chercheur CATANI (Stock,1973) a réussi une telle saisie. Possible aujourd'hui? AncheK6

  • Merci Sébastien pour ce bel exemple d'humanité. Je cite Aimé Césaire : "Ce n'est pas par la tête que les civilisations pourrissent. C'est d'abord par le cœur." A méditer...

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