On connaît la phrase de Charles Péguy: «les protestants sont des gens qui font eux-mêmes leurs poteaux indicateurs».
En termes plus sociologiques, cela revient à souligner qu'en matière d'autorité, "du point de vue protestant, rien n'est sacré", et qu'il "n'y a que des autorités intra pares" (Jean-Paul Willaime, La précarité protestante, 1992, p.20).
Ce qui tend à impliquer, par exemple en politique, que le "parler vrai" doit idéalement primer sur les logiques d'appareil et les soumissions partisanes.
Michel Rocard, ancien premier ministre, en aurait-il donné un exemple au sujet des retraites?
Notons que Michel Rocard, toujours membre du Parti Socialiste français, n'a rien d'un protestant pratiquant. Il s'est même défini un jour comme athée sur le plan dogmatique. Mais il s'est toujours vigoureusement réclamé des valeurs et de la culture du protestantisme de tradition réformée, milieu qui l'a forgé et avec lequel il a conservé des liens très forts.
L'hypothèse selon laquelle le protestantisme aurait une influence indirecte sur sa capacité de recul et de lucidité face aux appareils n'apparaît donc pas farfelue.
Qu'on cautionne ou non cette hypothèse, on lira avec intérêt son entretien décapant paru dans France Soir du 24 juin 2010.
Il y loue la réforme jugée "courageuse" des retraites entreprise par Eric Woerth, ministre UMP qualifié de "type bien", tandis qu'il rappelle les circonstances de l'instauration de la retraite à 60 ans à l'époque Mitterrand, devant des ministres "décomposés".
En héritier des traditions iconoclastes, il appelle aussi à déboulonner le "symbole" dépassé de la retraite à 60 ans, gouffre financier dont le pays n'aurait plus les moyens.
A lire avec attention pour recadrer les choses.
Le quotidien Le Monde s'est également fait l'écho de cet interview sans langue de bois, qui, le moins qu'on puisse dire, sort de la "ligne du parti" actuellement conduit par Martine Aubry, mais aussi de nombre de discours conservateurs qui défendent, soi-disant au nom de la gauche, les privilèges acquis au détriment des générations futures.
NB: en raison du "mouvement social" autour des retraites, aujourd'hui, des centaines de milliers de Français, dont moi-même sont empêchés d'aller travailler (à cause des perturbations SNCF, j'ai dû annuler au dernier moment ma présence à Strasbourg, étant réduit à envoyer mon texte provisoire à Anne-Sophie Lamine, organisatrice d'un superbe colloque sur "Pluralité religieuse et conflits").