Le drame de Stains (Seine-Saint-Denis) qui a coûté la vie à deux personnes et traumatisé une église locale haïtienne à l'occasion de l'effondrement d'un plancher, lors d'un culte de Pâques, suscite cette réflexion de Frédéric Dejean, spécialiste des enjeux spatiaux posés aux évangéliques en contexte urbain:
"La meilleure manière de rendre justice aux deux personnes décédées est d’engager un dialogue ouvert et constructif entre les Églises et les mairies."
J'invite à lire la note qu'il a consacrée au drame sur son blog (lien), ainsi que la blognote signée par Bernard Boutter, spécialiste des églises de migrants (lien).
Pour ceux qui n'ont pas eu accès à Weibert Arthus et Emmanuel Toussaint, Radiographie de la communauté protestante haïtienne de France, Paris, éditions de l'Alliance, 2008, rappelons par ailleurs ces quelques éléments sur l'évangélisme haïtien en France, composante de "la nouvelle France protestante". Ces fidèles ne sont pas membres d'une nouvelle religion. Ils se rattachent au protestantisme, dans sa variante évangélique (axée sur la conversion et la ferveur).
Début de l'implantation protestante haïtienne en France en 1977
S'il y a une présence protestante haïtienne en France depuis plus d'un demi-siècle, le premier rassemblement protestant évangélique haïtien à caractère cultuel se serait tenu, d'après les deux auteurs, dans un appartement au 44 rue des Chartres, à Paris, à la fin de l'année 1977.
Depuis, au gré des apports migratoires et des dynamiques de structuration interne, le champ protestant haïtien en France s'est déployé sur la base d'une soixantaine de communautés locales. En 2008, les auteurs évaluaient ses effectifs à 10.000 personnes (Arthus et Toussaint, p.54).
Mais depuis, le tremblement de terre de Haïti du 12 janvier 2010 a nourri une diaspora importante qui a gonflé les effectifs, d'où la nouvelle évaluation 2012 donnée par Emmanuel Toussaint à Céline Hoyeau, auteure d'un excellent article dans le quotidien La Croix.
Cette évaluation 2012 propose désormais une fourchette comprise entre 12.000 et 17.000 personnes.
Entre 12 et 17.000 fidèles répartis en trois groupes
Ces protestants haïtiens en France sont répartis en trois groupes:
1/ des églises indépendantes ou de micro-réseaux (c'est à cet ensemble que se rattache, semble-t-il, l'église haïtienne de Stains)
2/ des églises rattachées à l'Alliance des églises évangéliques haïtiennes de France (une petite trentaine de communautés), proche de la Fédération Protestante de France
3/ des églises rattachées à l'Union des Églises évangéliques haïtiennes et afro-caribéennes de France, membre du Conseil National des Eglises Evangéliques de France (CNEF)
Dans la seule île-de-France, l'annuaire de la communauté haïtienne d'Europe, citée par Arthus et Toussaint (p.58) mentionne "une cinquantaine de lieux de culte protestants haïtiens en région parisienne".
Souvent de petite taille, précaires et marqués par une certaine tendance au repli sur soi, ces lieux de culte ne vivent pas pour autant "dans un désert ni dans un monde à part" (Arthus et Toussaint, p.13).
Ils s'inscrivent dans un jeu complexe d'interrelations, de réseaux et de négociations avec les autres acteurs confessionnels et les pouvoirs publics, entre logiques de dialogue, malentendus interculturels et portes fermées. Le contexte, pour la plupart, est la "précarité spatiale", selon la formule de Frédéric Dejean.
Arthus et Toussaint nous apprennent, au sujet de ces protestants haïtiens en France, que "certains ont subi les grognes des différentes municipalités" (p.13)... Un dossier à suivre.