Il y a quelques jours, surprise avec ce titre d’un journal français:
restaurent l'esclavage au Nigeria."
Ah bon, vraiment ?
Parce que l’esclavage avait disparu avant Boko Haram?
Il est grand temps de secouer les écailles qui obturent la vue des bons esprits qui, depuis leurs certitudes d’occidentaux shootés au «progrès» bisounours, regardent de loin, très très loin, les réalités brutales d’un monde contemporain confronté massivement au trafic d’êtres humains.
Le sort tragique des lycéennes enlevées par les milices islamistes de Boko Haram au Nigeria et vendues comme une marchandise s’inscrit dans une réalité déjà bien ancrée: celle d’un esclavage moderne infra-médiatique, bien moins spectaculaire que celui d’antan (le «commerce triangulaire»), mais communément pratiqué en maints endroits de la planète sur fond d’exploitation de la misère humaine.
Cet esclavage prend aujourd’hui de multiples formes parmi lesquelles on peut distinguer quatre types (qui se recoupent souvent en partie dans la pratique).
1/ Esclavage à motif prostitutionnel
Il existe l’esclavage implicitement consenti par des familles, qui, poussées par la misère, livrent une ou plusieurs enfants ou adolescentes à des réseaux lucratifs, fondés sur la prostitution féminine, à l’image de ces centaines ou milliers de Congolaises qu’on retrouve ensuite au Maroc ou ailleurs.
Une réalité Sud-Nord, mais aussi Nord-Nord, portées par de puissants réseaux européens qui brassent des centaines de millions d'euros.
Document : « Des mineures congolaises forcées à se prostituer » (agence Syfia Grands Lacs, 28.04.2014)
2/ Esclavage à motif « travaux forcés »
Il existe aussi l’esclavage induit par certains grands entrepreneurs à l’abri des dictatures, comme dans plusieurs pays du Golfe arabo-persique (incluant le «vilain petit Qatar» -dixit Pierre Vermeuren-, organisateur du Mondial de foot 2022), où des milliers d’ouvriers travaillent, souvent privés de papiers, dans des conditions de servilité dignes du temps de l’Oncle Tom.
Document : Quarante-quatre «esclaves népalais» morts sur les chantiers au Qatar en 2013 (cf. Le Monde du 26 septembre 2013)
3/ Esclavage à motif confessionnel/ethnique
Une autre forme d’esclavage, plus idéologique, se retrouve dans des aires de conflit géopolitique comme les espaces soudanais, centrafricain, somali, mauritanien.
Des clivages confessionnels et/ou ethniques y induisent des logiques de razzias où la privation de liberté et la resocialisation forcée dans une autre religion apparaît comme légitimable, à l’intérieur de sub-cultures locales bien ancrées, au nom de la sainte cause.
Des milliers d’enfants chrétiens sud-soudanais ou Nuba auraient par exemple été l’objet, au cours des trente dernières années, de ce type de mise en servitude, dénoncée par plusieurs ONGs.
Document : Mende Nazer, Slave, my true story (2005)
4/ Esclavage à motif domestique
Mais il existe aussi l’esclavage domestique, subtil et mal repéré, qui livre sans défense un individu déraciné dans les mains d’une famille ou d’un dominant (un homme, parfois une femme), qui en fait ce qu’il veut.
Un esclavage repérable depuis longtemps et à grande échelle, notamment en Afrique coloniale française (cf. l’ouvrage en anglais de Martin Klein publié en 1998), et reconnaissable aujourd’hui y compris en Europe et en France, comme l’illustre l’excellent travail d’une association comme le CCEM.
Document : Tina Okpara, Ma vie a un prix, Michel Lafon, 2010
Soulignons que ces dossiers n'ont rien d'une litanie victimaire. Car si les personnes privées de liberté sont réifiées, perçues comme des produits ou des objets, elles ne se résument jamais à ce que les maîtres voudraient qu'elles soient.
Ces individus bafoués demeurent acteurs, résilients, et porteurs d'une parole forte. Des hommes et femmes dont les historiens, anthropologues, sociologues et autres journalistes recueillent parfois des récits saisissants, intelligents, et pleins d'espoir, à l'image du Je suis encore vivante de Naomi Baki (Le Cerf, 2013) dont ce blog s'est déjà fait l'écho.
Bibliographie
Rappelons entre autres, pour terminer ce survol indicatif, tout l'intérêt de l'Atlas des esclavages (Marcel Dorigny et Bernard Gainot, Autrement, 2006), les travaux d'Olivier Pétré-Grenouilleau (notamment son Dictionnaire des esclavages, Larousse, 2010), et les recherches de Jean-Michel Deveau, déjà citées précédemment dans ce blog.
Chercheur et expert confirmé, Jean-Michel Deveau a notamment assuré pendant dix ans à l'UNESCO la vice-présidence du comité scientifique La Route de l'esclave, et nous laisse une précieuse synthèse sur le retour de l'esclavage au XXIe siècle (Khartala, 2010). Il a aussi publié en 1998 un Femmes esclaves: d'hier à aujourd'hui (ed. France Empire).
Commentaires
Merci Sébastien Fath.
"Il est grand temps de secouer les écailles qui obturent la vue des bons esprits qui, depuis leurs certitudes d’occidentaux shootés au «progrès» bisounours, regardent de loin, très très loin, les réalités brutales d’un monde contemporain confronté massivement au trafic d’êtres humains."
Là je vous approuve à 100 %.
Les médias ne voient que ce qu'ils veulent voir. Les personnes qui lisent régulièrement la publication de l'ONG protestante "Portes-Ouvertes" savent depuis longtemps que des chrétiens sont régulièrement massacrés au Nigéria et ailleurs. La "grande presse" a été longtemps silencieuse : "il ne faut surtout pas stigmatiser l'islam" !
Il y a quelque chose de profondément indécent dans cet éclatement-dilution de la notion historique d'esclavage.
Cela rappelle l'émiettement du suprématisme ethnique baptisé "racisme" que l'on met volontiers à toutes les sauces pour mieux déréaliser la notion: "racisme" anti-jeunes, "racisme" anti-ceci, anti-cela, etc.
Il y a quelques années, une publication de Dominique Torrès, journaliste à courte vue (comme beaucoup dans une profession vendue au dieu Chronos) a conforté les uns et les autres dans la logique d'émasculation de la notion par trop culpabilisante d'esclavage qu'il fallait, sous une indignation bien de notre temps, resémantiser pour une dilution et une déculpabilisation tranquilles.
Désolé, mais Sengbe Pieh, ce n'est pas un péon de la ruralité étasunienne.
Et la senzala ce n'est pas un réduit pour travailleurs sans papiers dans un émirat du Golfe persique.
Bonjour Monsieur Sébastien Fath,
Si vous avez des informations concernant des prises de positions publiques des instances représentatives des communautés musulmanes de France, d'Europe ou d'ailleurs (de toutes obédiences) visant à dénoncer fermement, clairement, intégralement et une bonne fois pour toutes les activités de cette abominable secte nigériane intitulée Boko Haram, merci de nous le faire savoir...
Bien cordialement,
Je ne puis faire cette recherche à fond cher Eric.... Concernant le CFCM, principale instance représentatives des musulmans de France, il condamne clairement les activités de Boko Haram et a appelé à prier pour les otages.
http://www.lavie.fr/debats/chretiensendebats/l-appel-le-cfcm-invite-a-prier-pour-les-otages-de-boko-haram-01-03-2013-37244_431.php
Mais pour mieux vous renseigner je vous invite à aller directement sur les sites confessionnels rattachés à l'islam de France.
Bien à vous
Un pasteur de l'Eglise nigériane lance un appel pour la libération des écolières enlevées par le groupe islamique Boko Haram, ici :
https://www.youtube.com/watch?v=z0nkIEy_4Ug&list=UUqnbu3dpuqx7O3KRgZQarnA
Des responsables d'Eglises veulent réagir par l'organisation "Love Jos" qui organise une conférence :
http://d0h.r.mailjet.com/redirect/nv69hpzwgzb5gssf7lctxs/www.lovejos.org.uk/ ).http://d0h.r.mailjet.com/redirect/nv69hpzwgzb5gssf7lctxs/www.lovejos.org.uk/
Malheureusement leur site a été attaqué et fonctionne en mode minimal.
L ESCLAVAGE CELA ME MET HORS DE MOI MAIS ONT NE PEUT PAS SURVEILLER TOUTE LE TERRE ENTIER ET FAIRE RESPECTER LA LOI CONTRE L'ESCLAVAGE.
ON PARLE AUSSI D UN CERTAIN ESCLAVAGE DANS GERMINAL,. LES GENS VIVENT MAL , MANGE MAL ET MEURT A CAUSE DU COUP DE GRISOU .
VOILA UN ESCLAVAGE QUI A ENCORE DES NOUVELLE RACINES AUJOURD'HUIS ..............................
LES GENS QUI ONT UN EMPLOI MAIS QUI DORT DEHORS ,LES GENS QUI N ONT PAS ASSEZ POUR VIVRE ET QUI MANGENT AU RESTOS DU COEUR, MOI J'AI VU UNE GRAND MERE DE 87 ANS AU RESTOS DU COEUR , EST CE NORMAL ?!!!!!!!!!!!!!? !!!!!!!!!! EST CE QUE CE NETS PAS UNE FORMES D ESCLAVAGES
LES SDF QUI MEURT DEHORS EST CE QUE CE NETS PAS UNE FORMES D ESCLAVAGE ,VOIR LES MISERABLES
CITATIONS DE VICTOR HUGO,EXERGUE,LES MISERABLES TOME I
27 Octobre 2012, 16:17pm | Publié par hugo
VICTOR HUGO
EXERGUES
LES MISERABLES TOME 1
TANT QU IL EXISTERA ,PAR LE FAIT DES LOIS ET DES MOEURS ,UNE DAMNNATION SOCIALE CREANT ARTIFICIELLEMENT , EN PLEINE CIVILISATION , DES ENFERS ,ET COMPLIQUANT D UNE FATALITE HUMAINELA DESTINEE QUI EST DIVINE ; TANT QUE LES TROIS PROBLEMES DU SIECLES ,LA DEGRADATION DE L HOMME PAR LE PROLETARIAT,LADECHEANCE DE LA FEMME PAR LA FAIM, L ATROPHIE DE L ENFANT PAR LA NUIT ,NE SERONT PAS RESOLUS, ; TANT QUE ,DANS CERTAINE REGIONS , L ASPHYXIE SOCIALE SERA POSSIBLE ; EN D AUTRES TERMES ,
ET A UN POINT DE VUE PLUS ETENDU ENCORE , TANT QU IL Y AURA SUR LA TERRE IGNORANCE ET MISERE, DES LIVRES DE LA NATURE DE CELUI CI POURRONT NE PAS ETRE INUTILES
Question : où commence "l'esclavage à motif « travaux forcés »" et le travail mal payé ?
Les paysans ou les cheminots français du début du XXe siècle ne seraient-ils pas aujourd'hui considéré comme semi-esclaves ? Cette frontière entre esclavage et salariat est-elle tracée par quelque organisme international ?
A quel âge, par exemple, est-il légitime de faire travailler un individu ? Cet âge doit-il être le même dans le monde entier ? Et au sein d'une famille, quand les enfants aide à la récolte ou à l'accueil de la boulangerie ?
Autre point : que penser quand l'esclavage volontaire des parents assure le mieux-être des générations suivantes ?
Bien entendu, des limites doivent-être données, mais il me paraît bien difficile de définir une mondialisation des valeurs du travail, sans leur imposer mon schéma occidental.
Et vous, qu'en pensez-vous ?