Le quotidien français Libération n'en parle quasiment pas, Le Monde le mentionne davantage: selon une enquête européenne, la France détient désormais officiellement le record d'Europe du soutien scolaire payant (secteur qui croît de 10% par an, avec un marché de 2,2 milliards d'Euros annuel).
Ce genre de données devrait pourtant faire les gros titres de l'hexagone, car on se trouve là au coeur d'un des principaux facteurs de la crise sociétale qui frappe la France depuis ce début de millénaire: le sabordage de l'école républicaine.
Le problème est que la Gauche, qui devrait logiquement "monter au créneau" sur la question du soutien scolaire payant (inégalitaire) est gênée aux entournures: c'est en effet largement sa culture "anti-sélection" qui est responsable de la situation actuelle.
On a scrupuleusement nivelé par le bas, via non seulement le maintien du collège unique,mais aussi le dogme du non-redoublement, les programmes bâclés et les prescriptions rectorales autoritaires (consignes sur les notes à doper vers le haut, interdiction des remarques négatives sur les copies de Bac -nouveauté cette année en Histoire-Géo-).
Or, on ne le répétera jamais assez, le prolérariat (les catégories défavorisées, si on préfère) ne s'émancipe que grâce à la sélection républicaine, fondée sur une revendication de qualité des contenus ET des formes pédagogiques, des concours exigeants (au lieu du copinage) et une vraie culture du travail et de l'effort.
L'égalitarisme d'une gauche démagogique (je me souviens, étudiant, des slogans infantiles et effarants de l'UNEF contre toute "sélection") a ruiné le magnifique outil républicain que constituait l'école publique et laïque, aboutissant à une usine à gaz qui décourage les bons élèves, abêtit les élèves en difficulté, et fait prospérer les charognards en tout genre de l'éducation payante.
Cet égalitarisme à la française négateur d'égalité réelle n'est évidemment pas le seul responsable; l'explication est multifactorielle, et intègre des variables européennes qui dépassent le cas français. Il reste que si la situation relative de l'éducation française en Europe s'est fortement dégradée en 30 ans, c'est bien parce que certains facteurs culturels franco-français ont joué de manière spécifique. Or, c'est durant les années 1980 et 1990 que le système scolaire a vraiment basculé en France.... durant la période d'hégémonie culturelle de la Gauche socialiste.
Bal des mercenaires
Enseignant durant deux ans en Egypte, dans le système scolaire égyptien (en 1993-95), j'avais découvert, à l'époque, ce système à deux vitesses (des cours pour tous, de médiocre qualité, et un vaste système de cours particuliers payants). Les pères jésuites, pour lesquels je travaillais au Collège de la Sainte Famille, m'avaient alors expliqué que ce poids délirant du soutien scolaire était le signe d'une éducation publique en faillite, générant et encourageant l'inégalité.
A l'époque, la France était le contre-modèle! Le bon modèle! C'est fini. Et vive les systèmes à multiples vitesses, et danse le bal des mercenaires du cours à domicile! Canigou gratuit pour tout le monde à l'école (brouet basique), et aux riches et favorisés les aliments de qualité qui font si cruellement défaut à l'ombre de Marianne...
Homeschooling
Pas étonnant, du coup, que nombre de systèmes d'école à la maison (home schooling aux Etats-Unis) fournissent aujourd'hui des résultats bien supérieurs aux résultats de l'école publique. Les acteurs du mouvement "homeschool" (dont un certain nombre de chrétiens militants, y compris protestants évangéliques) s'en réjouissent.
Tant mieux pour eux si ça marche! Avec de jeunes élites bien formées pour demain, dossier à suivre...
Mais du point de vue républicain, en revanche, il n'y a pas de quoi pavoiser. C'est en effet un certain idéal de la République, fondé sur l'effort, la qualité, la sélection et l'égalité des moyens, la mixité et la laïcité qui s'est effondré au profit du modèle de l'école Bisounours au rabai promu, depuis des années, par une certaine gauche infantile (parfois relayée aussi par la droite), qui a confondu refus de sélection, nivellement par le bas (vecteur de déclassement et d'inégalité réelle) avec esprit républicain.
Commentaires
Le dogme du non-redoublement ? La France est l'un des pays où il y a le plus de redoublement, non ? Et il est extrèmement difficile d'essayer de discuter de l'efficacité des redoublements avec des enseignants : l'écrasante majorité est persuadée que ça marche, que c'est essentiel et nécessaire. Alors que toutes les enquêtes montrent la piètre efficacité ou la franche nuisance de ce dispositif. Il n'y a pas de dogme du non-redoublement en France. Au contraire.
Excellent article, M. Fath, je transmets le lien à mes amis enseignants.
Cela fait 20 ans au moins que je constate ce "nivellement par le bas" (qui ne touche pas que l'école d'ailleurs). Comme vous, je regrette profondément le déclin de l'école républicaine. Cette école, "laïque, gratuite et obligatoire" est devenu un "machin" dirigé par une administration paperassière (évaluation des enfants de maternelle, surcharge de travail du aux formalités administratives) et par un chef d'Etat qui supprime un poste de fonctionnaire sur deux sans aucun discernement, bien sûr au détriment de l'école publique. Des événements historiques sont retirés des cours d'Histoire (le christianisme y est presque totalement absent, on n'enseigne plus Charles Martel ou d'autres).
Le pire est effectivement le sacrifice des enfants qui non seulement font les frais d'un enseignement nivelé par le bas, mais aussi le deal de drogues, la violence intra et péri-scolaire qui sévissent de plus en plus, laissant la police impuissante. On va droit dans le mur.
Causeur en parle : http://www.causeur.fr/l%E2%80%99ecole-est-finie,10277
Bonne lecture
Bonjour,
Dans quel pays vivez-vous, "Une heure de peine"? Bien-sûr que Mr Fath a raison de pointer le nouveau dogme du non-redoublement. Ce n'était pas comme ça il y a 15 ans, c'est comme ça partout maintenant. On redouble presque plus et dès qu'on râle, on passe dans la classe supérieure, même si on ne f...iche strictement rien en classe et qu'on n'a pas le niveau. Résultat, des classes de plus en plus médiocres, des bons élèves démotivés, et une fuite en avant qui dévalue les diplômes et rapetisse la qualité des contenus, eh oui "Une heuyre de peine", il faut vous réveiller, c'est l'heure de faire face à la réalité!
Bonjour,
En tant que membre d'une famille avec pas mal de profs du public, et moi-même professeure des écoles publiques, je suis bien d'accord avec votre critique du système scolaire actuel... et vous n'avez pas approfondi la question de la formation des enseignants qui n'est plus que l'ombre de ce qu'elle a été. Lui subsiste-t-il même une ombre ?!
Cependant, je suis aussi protestante évangélique et ai eu l'occasion d'intervenir dans une de ces écoles privées dont vous semblez vous méfier. L'investissement des parents, aussi bien sur le plan financier que sous forme de divers services pour soutenir ces œuvres, qui n'existent que grâce à cet investissement, est un sacrifice coûteux et volontaire qui redonne au parent toute sa place dans l'éducation de ses enfants, et apporte aux enfants toute la cohérence et la continuité de discours dont ils ont tant besoin pour s'épanouir. L'école n'est plus le lieu sacro-saint où les parents déposent leurs enfants en tremblant par peur du jugement ou de l'échec, qu'ils ont parfois eux-même vécu, mais tous les intervenants - parents compris - sont mus par le même désir de voir les enfants grandir sainement avec des valeurs qui les construiront solidement. Chacun respecte le rôle de l'autre et le soutient. Inutile de vous dire que les problèmes d'autorité et de communication sont gérés tout autrement, même si nous ne sommes pas dans un monde parfait et qu'il y a des remous et des conflits comme partout ailleurs.
J'ajoute enfin que le public concerné par ces écoles n'est pas seulement aisé, loin de là. Mais ces parents accordent suffisamment de valeur à la tâche qui est la leur pour en payer le prix, puisque ces écoles n'ont pas les moyens de fonctionner autrement et qu'elles sont une alternative salvatrice dans certains cas.
Cordialement,
Véronique BAUER.
PS : Un petit bémol que je me dois d'apporter sur l'école publique : on y trouve tout de même de très bons enseignants, motivés et appliqués à leur tâche, et qui obtiennent de très bons résultats. Le défi et d'en avoir de semblables tout au long de son cursus scolaire !
Moi je suis nettement moins enthousiasmé par cet article. S'il existe un fort malaise au niveau de l'école publique, peut être quelques observations plus objectives et nuancées feraient-elles mieux avancer le schmibliblick (ou "machin").
"Sabordage" de l'école républicaine ?? Le mot mériterait une explication... je ne connais et ne voit personne qui veuille saborder l'école républicaine.
"Le prolétariat ne s'émancipe que grâce à la sélection républicaine" (etc) ?? À l'époque où il apprenait la liste des départements par coeur, sans doute ?... le "que" est de trop, à tout le moins.
S'il a suffit de l'égalitarisme gauchiste pour ruiner l'école laïque, c'est que qquchose d'autre n'allait pas, non ?... (c'est ce que vous dites, d'ailleurs, ensuite, avec "l'explication est multifactorielle", mais pourquoi alors commencez-vous par dire le contraire ? )
Bref, dommage...
Mon opinion en vrac : il n'y a jamais eu d'école républicaine comme vous la décrivez, (ou peut être juste l'école primaire ? ) (ce qui est déjà bien, je l'admets), l'école actuelle continue de fournir un travail remarquable dans les "quartiers", la déliquescence de la notion de famille a également une lourde responsabilité dans les difficultés scolaires, (et le bazard dans la famille n'est probablement pas pour rien dans le fait que les parents préfèrent confier leurs enfants le soir aux soutiens scolaires payants, qu'ils voyent surtout comme une garderie), il y a effectivement de gros problèmes idéologiques (mais pas que "gauchistes" ou "par le bas", loin de là malheureusement), la formation pédagogique des profs est un scandale permanent, etc, etc, etc.
(moi, pour dire "multifactoriel", je dis "etc, etc, etc", excusez)
Cordialement.
Réponse à Ista : oui j'admets que ma blognote manque des nuances que je mettrais dans un article académique. et il y a quelques raccourcis, effectivement, que vous signalez très justement.
En fait, mon ton très direct traduit une exaspération accumulée depuis des années devant ce grand gâchis scolaire, mais aussi devant un certain refus d'admettre l'évidence. Jusqu'à quand nous serinera-t-on que "tout va très bien madame la marquise", alors qu'en un demi-siècle, on a grosso modo cassé l'outil scolaire (en dehors de quelques ilots et quelques magnifiques démarches individuelles ou locales)?
Illétrisme en 6e, médiocrité générale en math en terminale, facs à la dérive, mercenariat des cours parts élevé au stade industriel, enseignants découragés et vulnérabilisés, toute puissance des éditeurs scolaires (qui font la pluie et le beau temps et surchargent en camelote indigeste -et paf, j'exagère encore... un peu- les sacs à dos des pauvres élèves)...
Tous les voyants sont au rouge. Et il faudrait continuer à temporiser et couper les cheveux en huit, tasse de tisane à la main?
Quant aux "gauchistes", je n'en parle pas dans ma note. Je ne fantasme pas sur eux, du reste. C'est vous qui l'évoquez, comme si vous me citiez avec des guillemets.
Sur l'école républicaine, certes l'idéal n'existe pas... Mais tous les sociologues de l'éducation qui connaissent bien l'histoire confirmeront que l'ascenseur social, grâce à l'école des hussards noirs, fonctionnait tout de même bien mieux qu'aujourd'hui.
Si vous ne parlez pas des gauchistes, vous parlez de "L'égalitarisme d'une gauche démagogique" (guillemets justifiés). J'admets avoir associé les deux sans y réfléchir... est-il utile d'y réfléchir ?
Certes il y a de très gros problèmes dans l'éducation nationale, et jusqu'aux universités. Je peux comprendre l'exaspération.
Mais l'explication n'est pas aussi simple, ni même le constat.
Tout le monde a ses recettes, et envahit la discussion avec ses recettes. À mon époque, si l'on peut dire, la méthode globale en orthographe, et les mathématiques modernes (quelle horreur, des ensembles ! pourquoi les enfants ne font pas des additions ?! ), avaient le pompon partout.
J'en ai une, de recette : partout où les parents s'investissent plus dans la vie de leur école, et jusqu'au lycée, les résultats sont meilleurs. Et forcément : les profs font plus gaffe, c'est humain. Et ce n'est pas très compliqué, de participer à un conseil de classe, ou de mettre son nez dans le budget d'un collège. Faites.
Niveau politique générale, je n'ai pas de recette. J'appuierai sur la pédagogie des enseignants, je crois, j'ai l'impression que c'est le fil à tirer pour que le reste se résolve (je place l'autorité dans la pédagogie).
Cordialement.
@André M. : Dans quel pays je vis ? Mais dans celui dont toutes les enquêtes montrent qu'il est l'un de ceux où l'on redouble le plus : en 2006, l'OCDE notait que 38% des élèves de 15 ans avaient redoublé au moins une classe (http://www.scienceshumaines.com/index.php?lg=fr&id_article=15054), en février 2011, un rapport commandé par la Commission Européenne montrait que deux élèves français sur dix redoublent dans le primaire, ce qui est le plus fort taux en Europe (http://www.scienceshumaines.com/index.php?lg=fr&id_article=15054). Un conseil : réveillez-vous et ne faites plus confiance aux discours catastrophistes... Le moins que l'on puisse dire c'est que votre idée selon laquelle la France souffrirait d'un manque de redoublement est fausse au vu des chiffres.
J'ajoute, qu'en tant qu'enseignant, j'ai toujours trouvé extrèmement difficile de faire comprendre à mes collègues que toutes les enquêtes montrent que les redoublements ne servent à rien (cf. les nombreuses synthèses faites par F. Dubet) tant ils sont animés par une conception extrèmement méritocratique du passage dans la classe supérieure. Alors un dogme anti-redoublement, je le cherche toujours... Certains pays nordiques ont supprimé le redoublement (tiens, encore quelque chose qui questionne sérieusement l'idée qu'il faudrait plus de redoublements en France...). Ce dont on a besoin, c'est d'autres dispositifs, de soutien, de remédiation, de motivation, d'orientation...
Je suis parfaitement d'accord avec cet article (même si l'on peut discuter du dogme sur le non redoublement, effectivement). Comme d'habitude en france on ne réfléchit pas plus de 2 min avant de prendre de décision et on ne pense pas aux effets de bords, qui peuvent être souvent énormes. Et voilà où on en est actuellement...
Article intéressant, parfois un peu trop polémique. Comme vous dites, le pb est complexe. En Finlande, le système marche très bien, avec le collège unique!
Vous avez tort sur le redoublement, on est là aussi au top en France, ss résultats. En effet, souvent le redoublement stigmatise et démoralise les élèves encore plus.
Je suis, enseignante, pour plus d'exigence (niveau, effort, réflexion, comportement), mais contre la majorité des redoublements.
Ce ne sont d'ailleurs pas les remarques négatives (très rabaissantes souvent) qui relèvent le niveau.
Bonjour, j'ai fait mes études au Canada, le système de soutieen scolaire est bcps plus avancé, l'état rembourse 70 % des frais de soutien scolaire