L'actualité française fait de plus en plus sourire (il vaut mieux en rire), avec un chômage au niveau stratosphérique, des échecs législatifs en cascade (réforme de la constitution, loi travail etc), d'improbables formations anti-radicalisation sur fond de dérives racistes du discours (Cf. l'affaire Rossignol), et un premier ministre cherchant désespérément le "sursaut 2016" (lien).
Certains ferment les yeux. D'autres se précipitent pour se servir des beaux restes laissés sur le buffet rose pâle, avant la débâcle annoncée pour 2017. Beaucoup se désespèrent...
Reste le recul lucide de l'Histoire. Dans ce contexte délétère, ce recul est plus que jamais nécessaire pour résister aux écrans de fumée et se donner de l'air, voire un horizon.
Vue sous cet angle, la géopolitique française, obstinément pro-wahhabite (alliances avec les pétromonarchies, juteux contrats de ventes d'armes, liens personnels avec le Qatar, etc.), affiche ses limites face aux enjeux sécuritaires actuels. Alors que la position russe, entre autres, paraît bien plus respectueuse des faits.
Vladimir Poutine n'est pas qu'un dictateur. Bien des aspects de sa politique sont contestables, mais en désignant depuis plusieurs années ses adversaires islamistes comme "les wahhabites", son administration fait preuve d'une expertise clairvoyante, d'un réalisme robuste et d'une culture historique qui semblent faire défaut aux alliés des Etats-Unis (dont la France).
Ces derniers, enlisés et aveuglés (ou achetés?) dans une lucrative alliance durable (et de plus en plus intenable) avec les puissances wahhabites du Golfe, demeurent pour l'instant dans un déni bien inconfortable.
Pétromonarchies wahhabites, financières du Djihad international
Rappelons qu'Arabie Saoudite et Qatar, en particulier, restent (en dehors de la Corée du Nord) parmi les régimes politiques les plus rétrogrades de la Planète, et les principaux financiers du djihadisme pacifique (écoles coraniques) ou guerrier (milices). Les sophistes aux poches pleines qui le nient devant les caméras font valoir les études portant sur la faiblesse du financement étatique direct.... Ecran de fumée! On sait bien que du côté qatari comme du côté saoudien, c'est par les très riches familles régnantes, théoriquement considérées comme des acteurs privés (abondamment dotées en comptes offshore, Panama et cie...) que passe l'argent en direction des fondations qui construisent à tour de bras madrassas, mosquées rigoristes et centres d'entraînement djihadistes, du Mali à l'Indonésie.
Tant que les autorités françaises resteront dans le déni officiel, et continueront à affirmer que Qatar et Arabie Saoudite n'ont rien à voir dans la fièvre djihadiste actuelle, tous les moulinets médiatiques et formations d'Etat contre la radicalisation ne serviront strictement à RIEN, la source première du phénomène restant protégée, et même flattée par nos plus hautes autorités (cf. légion d'honneur récente au prince héritier saoudien).
D'un point de vue sociologique, il est important de rappeler que beaucoup de musulmans, en France, sont parfaitement conscients de la menace wahhabite. Et sont bien plus honnêtes, dans la dénonciation de l'alliance franco-saoudienne, que nos dirigeants soit-disant laïques et progressistes.
Un portail comme Oumma.com, par exemple, dénonce régulièrement, avec courage, clairvoyance et humour, diverses dérives sectaires des pétromonarchies (lien).
Tirer le signal d'alarme contre le wahhabisme prosélyte, ce n'est donc en aucun cas dénoncer l'islam en bloc, mais isoler une redoutable tendance sectaire qui a grandi en son sein, avec l'assentiment de grandes puissances occidentales pétrophiles, au point de déstabiliser aujourd'hui l'échiquier international.
Pour éclairer ces sujets par l'Histoire, rappelons pour finir tout l'intérêt de trois ouvrages.
Le premier est Le pacte de Najd, de l'universitaire tunisien Hamadi Redissi, aux éditions du Seuil (lien). Le wahhabisme expliqué dans l'histoire longue, jusqu'à son triomphe actuel. Limpide.
Le second éclaire brillamment la diversité de la radicalité islamique en Arabie Saoudite, tout en montrant l'ampleur écrasante de la logique clientèliste et rentière de la pétromonarchie saoudienne. Il s'agit de Stéphane Lacroix, Les islamistes saoudiens, une insurrection manquée (Paris, PUF, 2010).
Le troisième livre, déjà ancien, est celui qui m'avait ouvert les yeux, pour la première fois, sur le formatage de la "sainte ignorance" wahhabite et ses terribles conséquences culturelles sur la diversité et le patrimoine de l'islam: il s'agit de l'excellent Slimane Zeghidour, La vie quotidienne à la Mecque (lien).