Des consommateurs d'un supermarché casher ont été, hier après-midi, abattus lors d'une prise d'otage Porte de Vincennes (Paris, France).
Etre républicain et responsable, en France aujourd'hui, c'est se solidariser des victimes de l'intolérance meurtrière, et proclamer "Je suis Charlie" (hommage aux journalistes", "Je suis casher"" (hommage aux victimes juives du supermarché casher) et "Je suis policier" (hommage aux services de police frappés aussi).
Etre républicain et responsable, c'est aussi relancer une pédagogie (et une rénovation) de la laïcité, mieux protéger les libertés, et ne pas détourner les yeux devant ces trois réalités.
-La première, c'est celles et ceux qui se réjouissent, en France ou à l'étranger, de l'atroce attentat contre Charlie Hebdo et ses suites (en particulier l'exécution antisémite des otages du supermarché kasher). Taire ces éléments au nom de l'unité nationale est irresponsable, lâche et criminel.
-La seconde réalité, autrement plus revigorante, c'est l'immense foule de celles et ceux, bien plus nombreux que les tueurs de liberté, qui se solidarisent sans ambiguité des journalistes, des juifs et des policiers victimes du jihadisme, au nom de la liberté d'expression.
-La troisième réalité, c'est le risque de division du pays, espéré par les nébuleuses jihadistes qui ont inspiré l'attentat. Un risque nourri tantôt de lâcheté (refus de dire le réel), tantôt de sectarisme (chacun tire la couverture à soi), tantôt de xénophobie (cf. les inadmissibles attaques islamophobes, ces dernières heures, contre des mosquées françaises).
Parmi les soutiens à Charlie, en voici un particulièrement courageux. Depuis Alep, en Syrie, une intrépide journaliste musulmane, Zeina Erhaim, a posté sur Twitter un "Je suis Charlie" qui se passe de commentaire. Une femme debout et solidaire des libertés.
Bravo madame, et courage à toutes et à tous.
Fil twitter de Zeina Erhaim: https://twitter.com/ZainSyr
Commentaires
Bravo, de loin, à cette dame!
Il y a une quatrième "réalité" en souffrance: l'incurie de notre enseignement. Si la laïcité se réduit en France à des mesures successives contre des comportements qui ne sont pas toujours des actes de provocation, mais des "expressions" (sur le plan vestimentaire par exemple), et, d'autre part, à des discours tenus par des experts, nous sommes perdus. J'ai eu longuement l'occasion, à travers des publics d'enseignants et de formateurs notamment, de constater que, même quand ils se déclarent, bien sûr, laïques, ils en viennent à exprimer une souffrance devant une réduction de cette belle philosophie, de cet idéal, à une sorte de veille neutralisante, stérilisatrice, les référents de l'Autre se réduisant à des stéréotypes entretenus par la doxa, l'opinion, l'idéologie. On entre alors dans un jeu de marionnettes où, effectivement, le pouvoir critique de se retourner sur soi pour cerner ses propres inconséquences et outrances n'est plus possible. Bien plus, les clameurs en faveur d'un "vivre-ensemble" négligent souvent le fait que les bases anthropologiques de celui-ci ne sont pas établies. Elles l'étaient davantage sous la IIIème République quand la France rurale savait à peu près de quoi on parlait à l'école (même si les contenus scolaires étaient discutables et tout autant idéologiques, bien sûr). Mais aujourd'hui on se gargarise de "diversité" et on la réduit à une sorte de festival des curiosités, négligeant le "même", ce qui nous unit.
Flash: un groupe d'étudiants africains, invités à Noël dans une famille française. Il y a là un feu, dans la cheminée... Surprise de constater qu'il y a plus de convergences, sensorielles, gestuelles, émotionnelles entre un rural blanc et un rural africain qu'entre deux africains socialement distants. C'est dire que l'Imaginaire anthropologique (Bachelard, Durand, Binswanger, les poêtes, le plus souvent, les musiciens...) doit s'élaborer à l'école de manière expressive ET critique (en tenant compte des rapports au monde socio-politiques des personnes. La laïcité bien comprise comporte une réflexion anthropologique, une poétique et une conception philosophique forte du sens et de la vérité, du "rapport au Savoir" si l'on préfère, notamment pour, enfin, différencier une simple "croyance" et une "foi" réfléchie, que la raison ne fait qu'interpeller et stimuler. C'est tout autre chose que la réactivité à des "différences" non réfléchies sur fond du "même", et qui du coup font peur, tout autre chose que les études de belle prestance limitées aux grandes idées, courants et argumentaires (nécessaires, mais inquiétantes quant elles captent l'intérêt et les financements de recherches finalement restreintes à des "clercs"...). Autre chose est possible, que beaucoup d'enseignants de base mettent en œuvre, depuis longtemps, depuis Freinet et tant d'autres... Mais bon, ils n'ont pas de label porteur pour les médias et sur le "marché" (Bourdieu) des idées...
Cordialement, gef
gef
"La première, c'est celles et ceux qui se réjouissent, en France ou à l'étranger, de l'atroce attentat contre Charlie Hebdo et ses suites (en particulier l'exécution antisémite des otages du supermarché kasher). Taire ces éléments au nom de l'unité nationale est irresponsable, lâche et criminel."
Pour cette dernière phrase, c'est pourtant ce que font la plupart de nos médias et nos gouvernants. Oui, je suis entièrement d'accord : c'est irresponsable, lâche et criminel.
Hollande et les siens préfèrent répéter à l'envi "padamalgam !" Hollande se fait même théologien en affirmant que les actes terroristes n'ont rien à voir avec l'islam ! A-t-il jamais lu le coran ? Je ne pense pas.
Quant au pays, il est déjà bien divisé, ne serait-ce que par les "réformes sociétales" (mariage homo, gender à l'école, tentatives de légaliser l'euthanasie etc.), le laxisme de la justice et l'incompétence notoire de nos dirigeants.
Bonjour,
Je suis Casher c'est pour ne pas dire, je suis Juif ?
Je trouve cela intrigant...
Marie-Josée
Réponse à Marie-Josée,
Non pas du tout. Le hashtag/slogan "Je suis casher" a été lancé très tôt par le magazine CAUSEUR, en référence à l'hypermarché Casher où a eu lieu l'attentat. Je l'ai repris du coup, mais je peux dire aussi avec la même conviction "Je suis juif". Ne cherchons pas de querelle de mots ici.
Et si nous étions tout simplement nous-mêmes et solidaires de tous ceux qui sont morts, ont souffert et souffrent encore en tant que nous-mêmes ? Et si je crois que toute vie humaine est précieuse et toute vie perdue est une tragédie, mais que je n'ai pas envie de publier de "je suis qui que ce soit d'autre que moi" sur mes réseaux sociaux ? C'est autorisé où c'est "vouloir se distinguer pour faire du buzz", un "manque de compassion et de décence" et "une volonté déplacée de faire le buzz" ?!
Mes pensées pour tous ceux qui sont morts et mon soutien à la liberté d'expression pour tous, de la part de... moi !
Sur votre tout premier article sur cette tragédie (le dessin « les canards volent plus haut que les fusils »), j'ai publié un premier commentaire exprimant mon appréciation et disant tout simplement que ce dessin-là me plaisait personnellement davantage que ceux de Charlie Hebdo. Un autre commentateur m'a répondu en m'accusant de profiter de la souffrance des familles pour exprimer mon mécontentement des dessins de Charlie Hebdo (que je n'aime effectivement pas, mais j'ai assez de décence pour savoir que ce n'est pas le moment de le développer et que la mort d'hommes est toujours une tragédie, quoi qu'on pense de ces hommes par ailleurs) et vous avez réagi en donnant l'impression que vous l'approuviez. J'ai été très blessé par ces réactions et horrifié qu'on puisse penser cela de moi, d'autant plus que depuis le temps que je commente votre blog vous connaissez mes idées, c'est pour cela que je n'ai plus osé commenter par la suite même pour exprimer ma compassion, de peur d'accentuer encore cette impression, parce qu'il n'y a rien de plus éloigné de mon esprit que cela ! Mais ce soir, je n'ai plus pu m'en empêcher, parce que je n'en pouvais plus d'avoir l'impression que vous considérez tous ceux qui, quelles que soient les raisons, n'ont pas envie de publier cette fameuse image avec écrit « je suis Charlie » étaient des monstres sans cœur qui n'avaient aucune compassion pour les victimes.
Hier, on se prenait à partie ici pour savoir s'il fallait dire « je suis juif » ou « je suis cacher », comme si juif et cacher n'étaient pas intimement liés... ailleurs, sur Facebook, j'ai vu des pugilats virtuels parce que l'un a publié « Je suis Ahmed » parce que c'est un policier musulman mort en défendant la liberté d'insulter sa religion, et l'autre « je suis flic » parce que « je suis Ahmed » ça veut dire que la vie d'un policier d'origine immigrée a plus de valeur que celle d'un policier blanc... de quel côté est le buzz ?! Vous croyez que ça honore les victimes ???
A Patrick B.,
Hollande n'a sans doute pas "lu le Coran" (mais vous laissez entendre que vous, oui, vous l'avez lu). Je doute aussi qu'il ait lu la Bible à fond.
Mais nous tous sommes devant le même problème et la même exigence:
que déduire de ce que nous "avons lu" (ou pas)? dans la Bible la violence n'est pas absente non plus. Il s'agit donc de mieux définir ce qui se dégage des textes, sans nous égarer dans de vaines querelles entre "fondamentalistes et libéraux". Pour moi, ce qui est dit dans le Deutéronome – "Choisis la vie" reste LA constante de l'interpellation évangélique. La mort semble parée de mille promesses délirantes, en revanche, dans d'autres "livres".
Par ailleurs, je ne suis pas hollandiste du tout, mais prôner "pas d'amalgame" est vital, peu importe qui le dit. L'espèce de conférence de Coulibaly, rapportée par un otage sur les crimes commis par LES Occidentaux de par le monde, est l'exemple même de l'amalgame, en sens inverse. L'amalgame durcit et aveugle la pensée, la fige en slogans et en bréviaires. gardons le sens des nuances, qui ne sont pas des signes de faiblesse, mais le signe d'une pensée éprise de justice et de justesse. Oui:pas d'amalgame.
Gef
Réponse à "Un étudiant défend sa foi"
Retrouvons notre calme et prenons un peu de recul. J'ai l'impression que les nerfs de tout le monde sont à vif, et qu'on prend les choses trop personnellement. Excusez-moi si j'ai pu vous blesser sans le vouloir, et sans même vous avoir visé. J'en suis désolé vraiment, car ce n'était vraiment pas le but.
Sachez d'abord que j'apprécie beaucoup vos contributions, et que je n'ai jamais pensé une seconde que vous manquiez de compassion, ni que vous vouliez faire du buzz. Mon propos, dans la blognote que vous citez, ne vous était absolument pas adressé. Il ne visait d'ailleurs personne en particulier, mais répondait à un petit phénomène collectif bien repérable sur le web (internautes qui réagissent au quart de tour avec sens de la provocation pour qu'on parle d'eux).
Sachez ensuite que je suis aussi mal à l'aise que vous devant certains dessins de Charlie Hebdo, et que je ne partage pas leur ligne idéologique concernant la religion... (mais ce n'est guère le moment de le dire, par décence pour les victimes).
La question, avec l'assassinat, n'est pas de s'identifier à la pensée de Charlie Hebdo, mais d'être solidaire des victimes et de toutes celles et ceux qui prennent des risques pour que la liberté vive. C'est le sens de "Je suis Charlie" ou "Je suis juif". Cela dit, je respecte totalement celles et ceux qui refusent ces slogans, et ne les considère nullement comme des "monstres sans coeur".
Quant à faire le buzz, hélas, certains ne s'en privent pas, alors que simplicité et compassion devraient s'imposer dans les premiers jours qui suivent un tel drame. Mais je n'ai jamais pensé une seconde à vous dans ce domaine. Encore merci pour vos précieuses contributions, continuez, c'est bon pour nous tous.
À mon tour de présenter mes excuses donc et d'accepter les vôtres de tout cœur. Effectivement, nous sommes dans une phase émotionnelle où tout le monde prend vite les choses personnellement.
Sur votre premier article, un certain Georges (que je ne connais pas et ne me souviens pas avoir lu sur votre blog avant ce commentaire-là) a répondu : "Oui, encore plus haut aussi que les commentaires qui au lendemain d'un massacre, sur le dos des familles en deuil et le cadavre encore chaud des victimes, trouvent une occasion d'exprimer leur mécontentement quant aux dessins que publiait le journal!" et vous avez exprimé votre accord. Comme il répondait à mon commentaire, j'ai compris (peut-être à tort) que j'étais visé par "les commentaires qui", ce qui m'a blessé.
"Je suis" est pour moi une revendication d'identité : si je suis untel, je m'identifie intégralement à ce symbole, dans tout ce qu'il représente. J'aurais pu publier des messages du genre "soutien à Charlie" ou "tous avec Charlie", mais "je suis Charlie" aurait été contraire à ma conscience : je refuse de m'identifier à des dessins que je trouve immondes, voire même parfois diffamatoires et pénalement répréhensibles. Ceci dit, je ne prétends pas que c'est la seule manière de comprendre le message et que tous ceux qui l'ont publié ont eu tort.
Je regrette autant que vous l'attitude de certains que vous décriez à la fin de votre commentaire, mais je la trouve autant chez ceux qui publient volontairement des messages provocateurs pour se distinguer du "je suis Charlie" (pas ex. le hashtag "je ne suis pas Charlie", provocation sans intérêt), que dans les guéguerres de messages de soutien qu'on voit dans les réseaux sociaux (cf dernier paragraphe de mon commentaire).
@ gef | 11/01/2015,
Je ne pas lu le coran intégralement, mais de larges extraits. Au début, Mahomet étant peu puissant, on trouve donc des textes plutôt conciliants, mais au fur et à mesure que sa puissance s'affirme, on trouve des textes très violents, demandant aux "fidèles" de tuer les juifs, les chrétiens, les polythéistes etc., de les poursuivre où qu'ils se trouvent et à n'importe quelle époque. On ne trouve pas cela dans la Bible. Certes, dans l'Ancien Testament il y a des massacres, mais ils concernent une époque et une zone géographique bien délimitée. Ils n'ont plus court aujourd'hui.
Tout ceci m'amène à conclure que si les chrétiens sont violents, ils sont hors des clous. Lorsque les musulmans le sont, ils sont dans les clous par rapport à leur livre saint, sans parler des nombreux haddiths.
Certes tous les musulmans ne sont pas djihadistes ou terroristes, mais ceux-là sont tous musulmans !
Et que dire des "élèves" dans nombre de classes de lycées qui, non seulement refusent la minute de silence mais en empêchent le bon fonctionnement ? Est-ce tolérable dans une démocratie ? Ou ceux qui manifestent bruyamment leur satisfaction ou leur joie lorsqu'ils apprennent la mort des dessinateurs, des policier et des juifs ? cf. la première des trois réalités mentionnées par Sébastien Fath.
Alors on nous dit "padamalgam", et "les musulmans ont peur". Peur de quoi ? Y a-t-il un seul musulman tué en France parce qu'il est musulman ? A ma connaissance, non, heureusement. Mais les juifs ? N'ont-ils pas peur ? Que fait le gouvernement pour les protéger ? Il y a eu Fofana et sa bande, Merah, Nemmouche etc. et maintenant le tueur de la supérette casher. Tous ont tué des juifs. Leur peur serait légitime. Et là je ne parle pas d'autres qui n'ont pas tué, mais agressé des juifs pour de l'argent et violé.
Il serait temps que soit enfin fait le ménage. Si la police ne suffit pas, que l'on fasse appel à l'armée. Il n'est pas tolérable que des armes de guerre circulent dans certains quartier dans la plus grande impunité.
Et je crains fort qu'une fois l'émotion passée, pour peu que la situation se calme un peu, tout continuera comme avant !
@ patrick B.
Le lien intrinsèque que vous faites entre la violence et le Coran mérite d'être étudié de plus près.
Et c'est l'absence de ce genre d'étude qui fait problème. Car quand d'authentiques musulmans paisibles rejettent la violence, il faudrait, tout en les approuvant, comprendre sur fond de quelle théologie, de quelle théorie de l'interprétation (ou "herméneutique") ils le font. Par quel type d'exégèse peuvent-ils raisonnablement relativiser ces incitations à la haine et à l'extirpation de l'autre en tant que différent.
Il reste que les littéralistes qui lisent la Bible au pied de la lettre devraient produire les mêmes éclaircissements sur leur lecture.
Il est clair que le clivage entre musulmans "vrais et pacifiques" et "islamistes" "fous" ne tiendra pas longtemps au niveau d'une analyse sérieuse, dès lors que ces supposés "fous" se considèrent eux comme les vrais, les "purs" et se définissent bien sociologiquement comme musulman, "né" musulman et musulman par obéissance et soumission.
Le chantier est donc ouvert. Il suppose que les chrétiens, de même, repassent par leurs dérives, par l'Inquisition, les guerres de religion, les croisades, voire l'Irak, où chaque camp prétendait être le VRAI type de croyant.
A mon sens on ne travaille pas assez la distinction "foi"-"religion". Religieusement, les auteurs d'attentats djihadistes sont bien "musulmans", formés et aveuglés comme tels. La question est: qu'est-ce que JE retiens, croyant ou incroyant, du "matériel symbolique " que fournit toute religion. Quelle vision du monde, de soi et de l'Autre je cherche à préserver, garantir, ressourcer à travers mon choix. C'est, à mon sens, ainsi que l'Evangile est une Bonne Nouvelle, qui permet à une aspiration spirituelle de rejoindre un idéal rationnel et de le prolonger en pointillé vers la VIE. Pas la Mort-règlement de compte, posée comme haut-fait spirituel.
Merci, Patrick B., qui que vous soyez, de contribuer à avancer. Mais l'armée pour éradiquer... A ce compte il faudrait une dictature, pas la République, non? Je doute que vous le désiriez.
gef
"Le lien intrinsèque que vous faites entre la violence et le Coran mérite d'être étudié de plus près" répond "gef" le 12/01/2015 à "Patrick B" dans son propre commentaire du 11/01/2015.
Justement, pour rappel (!), voici entre autres, bien documenté, et surtout vécu de l'intérieur :
http://www.amazon.fr/Islam-terrorisme-Mark-Gabriel/dp/2940335052/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1421185147&sr=8-1&keywords=Mark+A.+Gabriel+Islam+et+Terrorisme
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mark_A._Gabriel
Lisez attentivement le commentaire de l'internaute Délecteur, sur le site d'Amazon, à propos du live de Mark A. Gabriel.
Je précise que, depuis 2011, j'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de poster des commentaires concernant ce thème sur le présent blog : mis à part un certain internaute qui, depuis, a décidé d'aller poster ses commentaires ailleurs sur d'autres sites Internet car contrarié de devoir supporter des arguments solides mais contraires à ses opinions - disait-il - (eh oui), je n'ai quasiment jamais obtenu la moindre réponse, proposition de dialogue, ou le moindre commentaire de personne sur ce genre de livre.
C'est à croire que quand les esprits "s'échauffent" (il faut y mettre un terme, ô maître), les idées fusent, mais qu'une fois la fièvre retombée, les questionnements sans détours s'évanouissent comme peau de chagrin. Alors, comme dérivatif, nous préférons jouer sur le sens des mots, comme cette dame qui, lors d'une émission télévisée très récente, préférait dire qu'elle était de "culture" musulmane, plutôt que de dire franchement qu'elle était de "confession", ou de "religion" musulmane (sunnite). Le mot "religion", sous l'effet des déformations contemporaines s'est chargé d'une telle connotation négative, voyez-vous... Dans cette perspective, on préfère ainsi désormais dissocier le terme "foi" (plus centré sur l'individu et son libre choix personnel, pense-t-on peut-être) du terme "religion" (plus centré sur le collectif et la communauté, donc perçu peut-être comme tendant à exercer une pression de groupe vers l'extérieur, allez savoir). Quitte à utiliser un terme devenu passe-partout, tel que le "fourre-tout" culture. Et comme le disait fort bien sur un ton humoristique Henri Blocher dans sa préface à un ouvrage de John Stott : "Moi, quand j'entends parler de culture, je sors mon dictionnaire". Quelle époque... Tout devient extrêmement compliqué. Normal me direz-vous, avec des êtres tels que les hommes...
Et voilà qu'on tue désormais communément pour un mauvais regard, pour s'être senti offusqué, pour des questions d'ethnie, de confession, d'opinion, parce qu'on n'a pas le même sens de l'humour, parce qu'on se sent investi d'une mission d'épuration mondiale (d'où similarité avec le nazisme) ; on passe sans hésiter de l'honneur à l'horreur. Pauvre monde.
Et pourtant le Seigneur, dans son infinie patience, n'a jamais dit, Lui, "c'est dur d'être aimé par des c...". Bien au contraire. Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent. Un jour, ce sera le dénouement. Et toute bouche sera fermée. Irait-t-on alors dire à Dieu qu'il brime la liberté d'expression, ou qu'il se trompe, ou qu'on a "droit" encore à une partie gratuite, ou que sais-je encore ? ... N'avons-nous pas "fait nos preuves", depuis le temps ? !
Personnellement, je ne m'assieds pas au banc des moqueurs (Psaume 1), quel que soit l'objet de leurs sarcasmes d'ailleurs (y compris ma foi chrétienne et la personne de Jésus le Nazaréen, le Christ, qu'ils fassent ce qu'ils veulent, ce n'est pas mon affaire). Mais je récuse le meurtre et l'appel à la haine, quels qu'en soient les victimes et les auteurs, y compris certains humoristes portant bien mal leur nom, et qui jouent sur les humeurs des autres, ne pouvant plus se sentir et préférant se faire sentir par les autres, comme disait si bien Pierre Dac.
Voici venu le temps des assassins, comme disait Arthur Rimbaud, qui lui, n'était pas un prophète mais un poète.
Seigneur, s'ils prennent conscience de leur déchéance / ignorance, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. Oui, des irresponsables responsables.
Je ne sais pas ce que nous sommes. Mais heureusement que Lui s'est chargé de ce que nous sommes...
L'incertitude sur notre identité et sur notre statut d'ordre juridique-éthique ("responsables" ou non) est peut-être une sorte de qualité à préserver. Chaque fois que se trouve mobilisée une "identité" essentialisée, on constate, dans l'Histoire, que c'est un paravent pour foncer sus sur les autres, qui eux, sont ceci ou cela. E. Lisbonne tient une piste essentielle dans sa conclusion sur cette indétermination de notre être même. Autant il est bon de SE comprendre mieux, autant il est capital de s'aviser que, contrairement aux promesses dominantes d'une psychologie consumériste et de certaines offres sectaires, l'identité ne saurait être acquise comme un produit, une étiquette, une appellation massive. Elle relève du cheminement et de la quête, voire, pour finir, du don (une petite pierre avec mon nom, donnée dans ma main, par qui?). Les termes entitaires et massifs, culture, religion, valeurs mériteraient à chaque fois un petit atelier d'analyse critique, non pas qu'ils ne signifient rien (autre erreur que de les expulser du débat), mais chacun signifie des orientations, des perspectives, des options, des horizons, pas des pépites de sens invariables.
"Ce que nous sommes"..., effectivement, Quelqu'un le sait et a fait le nécessaire. Si nous sommes au bénéfice de ce que je continue d'appeler la Grâce, nous n'avons plus besoin de réifier l'autre par peur ou par envie. Le fameux mimétisme (Girard) s'arrête et l'"autre" m'apparaît comme un mystère familier, un "prochain" irréductible même à ses dérives et délires, même si ses actes doivent être empêchés, dans le cas du terrorisme et de la vengeance.
Au fait, nous pourrions tous réfléchir à ce que dit d'un "Prophète" le slogan "il est vengé". A ras de vengeance, une Prophète?
gef