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Béatrice Stockly, mort d'une missionnaire au Sahel

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L'une, directe et franche, qui discrimine les musulmans et insulte leur religion.

L'autre, indirecte et paradoxale, qui réagit comme si l'islamisme radical et sa rhétorique représenterait en réalité tous les musulmans.

Un exemple récent de cette seconde islamophobie s'est exprimé dans une tribune de Médiapart, signée par quelques chercheurs.

Habités de bonnes intentions, mais portés par une rhétorique de dénonciation peu scientifique, ces auteurs font mine de croire qu'en ciblant l'islamisme radical violent et séparatiste (qui constitue, de facto, un enjeu de sécurité en Europe, au Sahel etc), Emmanuel Macron s'attaquerait à tous les musulmans!

Quiconque a pris la peine d'écouter et de lire le discours présidentiel sur le séparatisme islamiste (2 octobre 2020) verra pourtant combien Emmanuel Macron s'est bien gardé de tout amalgame (cf. l'analyse nuancée sur SaphirNews de Yassine Ayari).

Sous couvert de défendre les musulmans -qui n'ont pas besoin de tels pompiers piromanes-, ce discours de déploration mélange tout. Il reprend, sous un habillage d'expert, certains éléments de la rhétorique islamiste, qui veut effectivement faire croire que l'offre djihadiste représente l'islam. Présentée comme une main tendue à l'islam face à une République "séparatiste" (sic), cette chronique n'est autre, en réalité, qu'une gifle islamophobe. 

 

Béatrice Stockly, missionnaire suisse établie à Tombouctou

Le même type d'islamophobie paradoxale se retrouve sur la question du prosélytisme. Il n'a pas manqué  de commentateurs pour  dénoncer la prétendue inconscience de la missionnaire évangélique suisse de terrain Béatrice Stockly, installée depuis de nombreuses années à Tombouctou (Mali).

Cette femme devenue arabophone, au revenu modeste, anciennement au service de la mission allemande "Nouvelle Vie Ghana", avait choisi de vivre, en indépendante, au sein de la population pour développer une action sociale de proximité et proposer une alternative chrétienne. Béatrice Stockly s'est faite enlever à deux reprises, au Mali, d'abord en 2012 (groupe Ansar Dine) puis à partir de 2016 (Al Qaeda au Maghreb Islamique), en raison de son activité d'évangélisation.

AQMI la qualifiait, début 2016, de "mécréante évangélisatrice qui, par son travail, a réussi à faire sortir de l’islam nombre de fils de musulmans» D'un strict point de vue de sécurité, on peut certes émettre des réserves face à  la persévérance d'une femme isolée qui savait pertinemment résider en zone de danger djihadiste.

béatrice stockly, suisse, francophonie, mali, tombouctou, djihadisme, aqmi, ansar al dine, médiapart, saphirnews, liberté religieuse, conversion, sahel, barbara cooper, islam, islamophobie, évangéliques, afrique, afrique subsaharienneMais du point de vue des droits, elle ne faisait que vivre avec simplicité sa liberté de proposer l'offre chrétienne, tout comme les musulmans proposent aussi l'offre islamique. Au nom d'un respect mutuel et d'un souci de réciprocité auquel les sociétés sahéliennes ne sont pas du tout hermétiques, en dépit des tensions, comme Barbara Cooper l'a montré dans sa synthèse consacrée aux évangéliques au Sahel. 

Celles et ceux qui ont critiqué ou condamné Béatrice Stockly au nom du besoin de "respect" du contexte culturel islamique local entrent dans  la même dérive que les contempteurs du discours d'Emmanuel Macron sur le séparatisme islamiste.

Ils croient défendre l'islam et l'intégrité des musulmans. En réalité, ils ne font que reprendre les éléments de langage des djihadistes, qui s'évertuent à faire croire que le prosélytisme chrétien en terre d'islam est impossible, et serait une agression pour les populations musulmanes locales. Ce faisant, ils témoignent d'une même islamophobie paradoxale, qui croit défendre l'islam, mais réduit en réalité l'identité musulmane à ses expressions les plus intolérantes.

Ils pointent du doigt la victime, Béatrice Stockly, au lieu de cibler les marchands de haine qui, sur le terrain sahélien, s'efforcent, par la terreur, de rendre invivable le pluralisme des offres religieuses et culturelles, défigurant au passage le visage très souvent tolérant de l'islam malékite d'Afrique.

 

Destins croisés

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Une conversion qui relève d'une liberté que l'Europe, à juste titre, est fière de revendiquer et de protéger.  

On apprend aujourd'hui que Béatrice Stockly, elle, n'a pas eu la chance de Sophie/Maryam Pétronin.

Elle aurait été exécutée par AQMI, selon les dires même de l'ex-otage française.  

Paix et consolation à ses proches. Qu'elle ait souhaité vivre et offrir sa différence chrétienne évangélique à Tombouctou est également profondément digne et respectable.

Ce choix, assumé jusqu'à la mort par Béatrice Stockly, relève aussi d'une liberté. Comment cette liberté est-elle aujourd'hui revendiquée et protégée?

 

Entre autres acteurs, l'Union Européenne commence timidement à concevoir la liberté de religion (d'en avoir ou pas, d'en changer, etc) comme un enjeu clef à défendre sur la scène internationale.

Depuis 2013, des avancées ont eu lieu, du côté des institutions de Bruxelles, en matière de protection de la liberté religieuse. Il reste, à l'évidence, du travail, sur de multiples échelles (lien)...        

Commentaires

  • Cher Sébastien. J'apprécie beaucoup cette chronique du 10 octobre et je voudrais la partager, mais je n'ai pas de tweet et je n'utilise plus facebook. Il me reste linkedin. Tu pourrais intégrer ce lien de linkedIn dans tes supports de rediffusion?
    Très amicalement
    Blandine

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